L'homme sur la scène climatique
L’homme, acteur du réchauffement récent ?
La concentration des gaz à effet de serre a subi une forte augmentation depuis le début de l’ère industrielle. Or, si on considère le réchauffement prévu par les modèles sur le dernier siècle, les températures devraient déjà être plus élevées que celles que nous observons. Ce résultat paradoxal est longtemps resté un sujet de débat, remettant en question la validité des prévisions des modèles.
En réalité, les gaz à effet de serre ne sont pas les seuls à avoir été modifiés par les activités industrielles. Les émissions de dioxyde de soufre ont également fortement augmenté, produisant une plus grande quantité d’aérosols de sulfate au-dessus des régions industrialisées. Ces petites particules, au contraire des gaz à effet de serre, n’agissent pas sur le rayonnement infrarouge mais réfléchissent le rayonnement solaire. De jour, elles contribuent à refroidir la température de l’air. Elles affaiblissent ainsi le réchauffement dû à l’augmentation des seuls gaz à effet de serre. En incluant gaz à effet de serre et aérosols de sulfate, les modèles prédisent une augmentation de température sur le dernier siècle tout à fait comparable au réchauffement mesuré.
Les aérosols permettent également d’expliquer certaines caractéristiques des observations, comme un réchauffement plus marqué dans l’hémisphère sud que dans l’hémisphère nord et un réchauffement plus intense la nuit que le jour. En effet, les aérosols sont présents en plus grande quantité dans l’hémisphère nord, plus industrialisé, où ils atténuent davantage le réchauffement dans cet hémisphère. De même, les aérosols n’agissent qu’en présence de rayonnement solaire et ne tempèrent pas l’effet de serre la nuit.
Cet ensemble de résultats a conduit le Groupe intergouvememental d’experts sur l’évolution du climat, le GIEC, à conclure en 1995 qu’un «faisceau d’éléments suggère qu’il y a une influence perceptible de l’homme sur le climat», renforçant la sensibilisation du public au problème du risque de réchauffement climatique. Néanmoins, les scientifiques restent prudents, car notre capacité à mesurer cette influence est encore limitée par la grande variabilité naturelle du climat et par les incertitudes qui subsistent sur les prévisions de réchauffement.
Incertitudes des prévisions
Pour un doublement de la concentration du gaz carbonique, la plupart des modèles prévoient un réchauffement de l’ordre de 2 à 3 °C mais la gamme complète des prévisions s’étale entre 1.5 er 4,5 °C. Or, cet écart d’amplitude d’un facteur de 1 à 3 provient essentiellement de différences dans la représentation physique des nuages.
Dans les modèles existants, les processus de la microphysique des nuages sont schématisés d’une manière assez grossière. Dans la réalité, les microgouttelettes commencent par se former autour de noyaux de condensation. Ces micro-gouttelettes restent en suspension dans l’air où elles forment les nuages blancs qui voyagent au gré du vent. Pour que la pluie se déclenche, il faut que les gouttes d’eau deviennent suffisamment grosses et lourdes pour précipiter, ce qui se manifeste par une opacité plus grande aux rayons lumineux.
Dans les modèles, dès que l’humidité de l’air dépasse le seuil de saturation en vapeur d’eau, on suppose que l’excédent tombe immédiatement sous forme de pluie ou de glace. Certains modèles, cependant, tiennent compte d’une certaine quantité d’eau en suspension, ce qui introduit de nouveaux processus de rétroaction, dont certains sont négatifs. Par exemple, dans une atmosphère plus chaude, les nuages de glace sont remplacés par des nuages d’eau sous forme liquide. Or les gouttelettes d’eau sont en moyenne plus petites et plus légères que les cristaux de glace, et résident plus longtemps dans l’air avant de précipiter. Le remplacement des nuages de glace par des nuages d’eau liquide augmente donc l’opacité et favorise une plus forte réflexion des rayons lumineux. Une simulation incluant ce processus de rétroaction négative supplémentaire a fait passer le réchauffement calculé de 5,2 °C à 1,9 °C, incitant à la prudence.
En outre, aucune des prévisions citées jusqu’à présent ne tient compte du réservoir de chaleur constitué par l’océan mondial : seules les couches superficielles de l’océan en contact direct avec l’atmosphère ont été incluses. Or, les couches plus profondes de l’océan réagissent beaucoup plus lentement que l’atmosphère à une perturbation des flux d’énergie. Plusieurs centaines, voire un millier d’années peuvent être nécessaires avant qu’une perturbation s’y répercute.
Les différentes expériences numériques
Dans la réalité, la quantité de gaz à effet de serre augmente progressivement et l’excédent de chaleur n’est pas seulement stocké dans les couches superficielles de l’océan mais est également entraîné progressivement par la circulation océanique vcts les fonds marins. Là, l’excédent d’énergie dilué dans une énorme masse d’eau ne peut produire qu’un infime réchauffement. La circulation profonde provoque un gigantesque mouvement de brassage, nécessairement très lent au vu de l’immensité des masses d’eau mises en jeu. Ce processus réduit sensiblement, pour le moment, le réchauffement prévu sur la base du comportement de l’atmosphère seule. En 2100, le réchauffement pourrait atteindre entre 1 et 3,5 °C, et, plus probablement, une valeur proche de 2 °C.
Les modèles récents prennent en compte la totalité de la circulation océanique. Outre un retard, l’océan introduit des modifications importantes aux hautes latitudes, où l’intense réchauffement prévu précédemment est très fortement atténué, au moins au-dessus des océans. Dans l’Atlantique Nord et l’océan austral entourant l’Antarctique, la plongée des eaux de surface emporte vers le fond la plus grande partie de l’excédent d’énergie, laissant les conditions climatiques en surface peu modifiées. Mais il ne s’agit que d’un répit. Emportée par les courants, la chaleur finira par rejoindre la surface et réchauffer l’atmosphère.
Vidéo : L’homme sur la scène climatique
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