Les radioactivité aujourd’hui : Un phénomène très général…
La radioactivité est un phénomène très général. En particulier, la découverte de la possibilité d’émission d’ions lourds a largement contribué à la mise en évidence de cette généralité en jetant un pont entre les modes de désintégration, « traditionnels » ou non, au cours desquels une très faible quantité de matière est éjectée du noyau, et la fission spontanée où celui-ci se sépare en deux fragments de masses équivalentes.
Le noyau radioactif doit ainsi être considéré comme un ensemble de nucléons dans un état d’équilibre instable par rapport à d’autres configurations de neutrons et de protons, dont certains peuvent être libres et d’autres liés par l’interaction forte. Théoriquement, un tel noyau est susceptible de rejoindre cette configuration plus stable à tout moment par une transformation spontanée. C’est la radioactivité. Cependant, de telles transformations ne sont pas instantanées parce qu’elles mettent en jeu des mécanismes complexes, comme le franchissement d’une barrière par effet tunnel, ou de faible probabilité, comme la transformation d’un neutron en un proton par interaction faible. Pour comprendre qu’elles finissent toujours par intervenir, dans un délai plus ou moins long, il faut imaginer que les constituants de la matière nucléaire, à l’instar des molécules d’un gaz ou des atomes constituant un solide, qui subissent une agitation « thermique » permanente, sont animés d’une sorte de bouillonnement incessant. Dans le langage de la mécanique quantique, on dit que la fonction d’onde du noyau « teste » toutes les configurations possibles. Au cours de cette succession d’états, l’énergie totale, qui, bien entendu, reste la même, se redistribue de façon permanente entre énergie potentielle et énergie cinétique. Mais le noyau, ou plutôt l’atome radioactif, atteint parfois une configuration lui permettant de transiter vers un état d’énergie potentielle plus faible, en émettant sous forme de rayonnement l’énergie excédentaire provenant de cette transformation. Cette transition est irréversible et marque la fin de l’existence de l’isotope radioactif considéré. Selon les cas, la configuration menant à la désintégration du noyau sera atteinte plus ou moins facilement, donc plus ou moins rapidement, et ceci explique les différences importantes observées dans les périodes radioactives, c’est-à-dire dans les durées de vie moyennes de tel ou tel noyau.
En consultant la table des masses atomiques, on se rend compte qu’un grand nombre de noyaux considérés comme stables sont en fait potentiellement radioactifs selon le critère que nous avons donné ci-dessus. Examinons, par exemple le bismuth, dernier élément du tableau de Mendeleïev comportant un isotope stable. On savait depuis plus de cinquante ans que cet isotope, 209Bi, était en fait instable par rapport au couple 205T1 + 4He résultant de son éventuelle désintégration par radioactivité a, puisque sa masse excède d’environ 3,2 MeV celle de cette paire de noyaux. Mais ce n’est qu’en 2002 que la radioactivité a du bismuth a été mise en évidence à l’institut d’astrophysique d’Orsay, grâce à l’emploi de détecteurs très sensibles d’un type très particulier, les bolomètres scintillants. L’énergie de 3,137 MeV, mesurée pour la raie a du bismuth, est en parfait accord avec la valeur prévue.Cependant, le bismuth n’est pas près de disparaître de la surface du globe, car sa période est d’environ 2.1019 années, soit plus d’un milliard de fois l’âge de l’Univers !
À la lumière de cet exemple, il est clair que beaucoup d’isotopes actuellement considérés comme stables sont en fait radioactifs avec des périodes extrêmement longues, et que l’accroissement prévisible de la sensibilité des détecteurs permettra de mettre en évidence ces très faibles radioactivités.