Façonnement des lits fluviaux
La réponse du cours d’eau à la combinaison des variations des débits (liquide et solide) et aux différents facteurs de perturbation pouvant affecter localement l’écoulement (seuil rocheux, apports des affluents, rôle de la végétation…) est complexe. S’ajustant à ces multiples contraintes, les lits fluviaux offrent ainsi une gamme de formes très diversifiée. L’ajustement géomorphologique concerne plus précisément les lits mobiles. L’augmentation vers l’aval des débits et de la charge sédimentaire entraîne l’ajustement de la géométrie du chenal qui accroît son gabarit. La pente s’ajuste également et son évolution définit, à l’échelle du bassin versant, 1 ç, profil en long du cours d’eau. C’est un paramètre déterminant dans le transfert de la charge de fond.
Il existe néanmoins une catégorie de lits fluviaux qui ne répondent pas exactement à cette dynamique d’ajustement. Ce sont les lits d’érosion ou lits rocheux. Ils sont incisés dans des roches cohérentes ou composés d’éléments rocheux hérités (galets, blocs) qui dépassent la compétence actuelle du cours d’eau. Ce sont des formes stables souvent étroites et sinueuses, lentement façonnées par l’altération et l’abrasion de la roche. La charge solide est donc peu abondante et de faible granulométrie. De ce fait, les crues peuvent développer une énergie considérable, associée à des vitesses d’écoulement impressionnantes.
La notion de puissance
Le façonnement d’un lit fluvial est inféodé à la puissance du cours d’eau, qui détermine les processus d’érosion ou d’accumulation dans le chenal. Cette puissance représente la capacité de travail du cours d’eau, engendrée par la relation entre l’écoulement de la masse d’eau et la pente. La puissance brute (H) s’exprime par l’équation suivante, en watts par mètre (W.m »1).
avec p = masse volumique de l’eau (t.nr3), g = accélération de la gravité (9,8 m.s-2),
= débit à pleins bords (m^.s-1) et S = pente moyenne de la ligne d’eau (m.m’1).
Une partie de l’énergie est dissipée dans les mouvements liés à l’écoulement (tourbillons…) ou lors des frottements exercés sur le lit (rugosité des parois). On comprend ainsi qu’un cours d’eau en crue développera une énergie excédentaire absorbée dans l’érosion du chenal et le transport des sédiments. En diminuant l’énergie disponible, la baisse des débits (Q), ou de la pente (S), entraînera au contraire le dépôt des allu- vions. Le chenal est ainsi souvent encombré de bancs sableux et/ou caillouteux, parfois végétalisés, qui représentent des formes d’accumulation temporaires de la charge solide en transit.
Pour effacer l’effet de taille et comparer les cours d’eau entre eux, on rapporte la puissance brute à la largeur du chenal (en m.) afin de définir la puissance spécifique ou unitaire (cû), mesurée en W.rrf2. Sur les cours d’eau à forte pente ou étroitement che- nalisés (lits rocheux et endiguements), les valeurs sont élevées. Elles sont de l’ordre de 500-550 W.rrf2 sur l’Ardèche dans le secteur d’Aubenas, et peuvent atteindre 900 W.m’2 dans la section des gorges (Piégay, 1995). Sur une rivière de plaine comme la Saône, Astrade (1996) détermine des valeurs comprises entre 1,8 et 6,4 W.m-2 (secteur Verdun-sur-le-Doubs-Villefranche).
Le profil en long
Le lit d’un cours d’eau présente une pente (profil en long) qui permet le transfert de la charge solide depuis les zones de production jusqu’à l’exutoire du bassin versant. Elle traduit un état d’équilibre provisoire de la rivière que l’on peut envisager à l’échelle des décennies ou du siècle, en dehors de toute perturbation humaine.
Néanmoins, la concavité d’ensemble du profil en long peut être affectée par des ruptures de pente significatives. Les lacs hérités des périodes glaciaires, par exemple, peuvent localement annuler la pente et constituer un niveau de base local (piégeage d’une partie de la charge de fond), de même que les affleurements du substrat rocheux (chutes). Les valeurs de pente les plus fortes seront observées sur les torrents de montagne (jusqu’à 30%), les plus faibles sur les sections aval des rivières de plaine (< 0,01 %).
Le profil en long présente parfois dans son dessin des irrégularités de détail marquant l’alternance de seuils et de mouilles. Les seuils, parcourus à l’étiage par des eaux peu profondes et rapides, correspondent aux zones de dépôt des matériaux grossiers de la charge de fond. Les mouilles au contraire sont des zones de surcreusement aux eaux profondes, animées en période de basses eaux ou d’étiage par des courants moins rapides, et où se déposent des sédiments plus fins. Ces unités morphologiques (seuils ou mouilles) se répartissent selon une distance évaluée en moyenne à 5 à 7 fois la largeur du chenal.
Vidéo : Façonnement des lits fluviaux
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