Prévision et modélisation des écoulements de surface
La connaissance des débits et des modalités de l’écoulement est la base de toute étude hydrologique. Mais la mesure n’est pas une fin en soi. Elle demande à être améliorée par la critique, le traitement et l’interprétation des données, puis prolongée par la modélisation.
Prévision des débits
Le terme de prévision rassemble, en quelque sorte, les finalités de la science des débi‘: fluviaux. Tout aménagement prévu d’un cours d’eau ou de son lit majeur, tout prélèvement de ses eaux ou de ses alluvions, tout ouvrage lourd envisagé (ponts, dérivations, centrales nucléaires…), toute atteinte portée à la qualité du milieu aquatique
commencent par la même question, soumise à l’hydrologue : celle du débit et de ses possibles variations à toutes les échelles du temps. Selon l’échéance requise, trois niveaux de prévision sont distingués : à court terme et en temps réel, de moins d’une heure à un jour ou deux pour les crues rapides ; à moyen terme, de quelques jours à quelques semaines pour les crues longues et les inondations, pour la gestion de barrage ; à long terme, de un à six mois ou plus quand entrent en jeu de grosses réserves nivo- glaciaires, souterraines ou artificielles.
En réponse à des situations particulières extrêmement variées et qui ont évolué au cours de la longue histoire des rapports de l’homme et du fleuve, l’hydrologue dispose, aujourd’hui, d’une grande variété de méthodes prévisionnelles.
Fréquences et probabilités
Les débits fluviaux et les principaux facteurs de ces débits, précipitations et températures, ont été, dès la fin du XIXe siècle, des objets privilégiés de la statistique descriptive et analytique. Aussi les premières méthodes de prévision sont-elles fondées sur l’analyse des données hydrométriques. L’information sur les débits aux stations de jaugeage a le grand avantage de la continuité de l’observation. La statistique peut ensuite appréhender une masse de données pour les exprimer sous des formes de plus en plus abstraites.
Le classement des débits permet de préciser les caractères d’abondance, de régularité interannuelle et de pondération des régimes. Il consiste à ranger les débits moyens annuels, mensuels, journaliers, horaires, non plus chronologiquement mais par ordre de grandeur croissante ou décroissante. Dans une longue série de débits, la valeur centrale ou médiane coupe en deux l’échantillon qui peut aussi être partagé en quatre ou en dix, chaque classe distinguée contenant respectivement 50%, 25%, 10% des valeurs observées. Les limites entre les classes constituent autant de seuils de valeurs caractéristiques. La définition des débits classés caractéristiques moyens journaliers d’un cours d’eau (DCC) est la suivante. Exprimée en nombre de jours par an, elle est très utile et très répandue sous forme graphique .
DCMax, ou DC lj. est le débit maximum journalier atteint
DCC ou DC IOj. : débit dit «de crue» ou «de crue décennale» ou DCC=0,1
DCl : débit dépassé 30 jours par an ou DC1 mois
DC3 : débit dépassé 91 jours par an ou DC3 mois
DC6 : débit dépassé 182 jours, débit médian, de fréquence 0,5
DC9 : débit dépassé 274 jours ou DC9 mois
DC11 : débit dépassé 335 jours ou DC11 mois
DCE ou DC «d etiage» dépassé 355 jours ou «d etiage décennal» ou DCE=0,1 DCmin. ou DC365, débit moyen journalier le plus faible de l’année.
Il est important de savoir que, pour une longue série d’années, 100 ans par exemple, chaque débit caractéristique n’est pas la moyenne des DC des cent années particulières. Le classement des débits journaliers portant, au total, sur 365 jours multipliés par 100. Le débit caractéristique de crue, par exemple, sera le débit au-dessus duquel les eaux sont montées pendant cent fois dix jours, soit mille jours.
D’innombrables études statistiques, menées pendant des décennies, ont eu pour résultat de passer des valeurs de fréquence empirique à celles de probabilité d’occurrence de certains débits. Il n’est pas question ici de développer les étapes, les avantages et les limites de ces méthodes de calcul très utilisées en prévision, notamment des crues, et exposées dans tous les manuels d’ingénieurs.
Corrélations simples et multiples
De même qu’on est en mesure, par ajustement à des lois statistiques appropriées, de calculer la probabilité d’une valeur rare de débit, centennale ou pluricentennale, on s’efforce, par des méthodes de corrélation entre les précipitations et l’écoulement, d’améliorer et d’allonger les séries de débits quand l’information pluviométrique est plus riche que l’information hydrométrique, situation fréquente en beaucoup de bassins de toutes tailles.
L’étude de la corrélation entre les débits et les pluies qui sont leur cause principale, aux échelles annuelle, saisonnière et journalière, est le premier moyen de mesurer la liaison entre les deux phénomènes. Dans la plupart des bassins de la zone tempérée, cette liaison n’est pas rigide ; elle exprime, pour un bassin donné, les effets combinés du régime pluviométrique, de la température, de l’évaporation, des rétentions par la végétation, par le sol et dans la nappe. La corrélation indique si les variations de débit sont amplifiées ou amorties par rapport aux variations pluviales et elle délimite les fluctuations probables du débit en fonction des pluies.
L’estimation des débits de crues à partir des précipitations a donné lieu à quantité d’analyses de corrélations simple ou multiple et ne cesse de mobiliser les chercheurs parce que le problème est capital en hydrologie à toutes les échelles de temps et d’espace.
La méthode de l’hydrogramme unitaire, formulée par Sherman en 1932 aux Etats-Unis, dans l’esprit des méthodes élaborées précédemment par les hydrauliciens en matière de ruissellement urbain, a fait l’objet, par la suite, de nombreux développements. Elle a été appliquée, avec succès, à la transformation pluie/débit sur de petites surfaces comprises entre 5 et 200 km2 au maximum. Elle repose sur le principe simple qu’une averse unitaire de forte intensité et d’une certaine durée, couvrant uniformément l’entier bassin, engendre un hydrogramme unitaire d’une forme particulière au bassin considéré. Il existe de multiples variantes de ce principe.
La méthode du Gradex offre un autre exemple de corrélation pluie/débit, plus élaborée que la précédente, en faveur chez les géographes depuis les années 1970, pour évaluer les débits extrêmes de crues à partir des précipitations sur des bassins de l’ordre de plusieurs centaines de km2. Le «Gradex» est un indice de hauteur et de fréquence des précipitations journalières, fourni par quelques années d’observations pluviométriques, qui varie avec la situation géographique et la saison. L’hypothèse principale est que le volume de crue est égal au volume de l’averse, diminué de la rétention sur le bassin. Avec l’utilisation des calendriers de probabilité des averses et de la loi de Montana, la prédétermination des crues porte à la fois sur la quantité et sur la période d’occurrence. L’informatique rendant possibles et rapides des calculs très complexes et, par conséquent, l’introduction de nombreuses variables dans les équations de corrélation, on a assisté, dans les dernières décennies, d’une part à l’affmement des recherches in situ sur le fonctionnement des hydrosystèmes et, d’autre part, à la multiplication vertigineuse des moyens et des pratiques de modélisation en vue de toutes prévisions hydrologiques.
Conclusion
La prévision des débits est le carrefour vers lequel convergent, dans leurs démarches respectives, ingénieurs hydrauliciens, météorologues, agronomes et géographes. Ce sont les ingénieurs, confrontés aux impératifs d’une exécution rapide d’aménagements lourds et durables, qui ont posé les règles de la prévision. Les géographes, eux, sont conduits à la prévision non par un souci pratique immédiat mais par la découverte et l’explication de tous les mécanismes physiques qui conditionnent l’écoulement. Les méthodes sont échangées pour un service réciproque. Les géographes, pour qui les débits ne sont jamais abstraits de leur environnement physique, apprennent des ingénieurs à se servir de ces outils, qui les libèrent des calculs et des synthèses fastidieux… Pourtant, tous les concepteurs et les utilisateurs de modèles prévisionnels s’accordent aujourd’hui pour réclamer moins la mise au point de nouveaux modèles que l’amélioration des mesures par appel aux techniques du radar, de la télédétection, de la photographie aérienne, de la cartographie des inondations, etc. Dans la majorité des cas, les résultats de la modélisation appellent des compléments d’information, des vérifications, des corrections que doit apporter l’observation de plus en plus rigoureuse des phénomènes naturels, en bref, la sanction de la réalité.
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