Cœlacanthe
Le 22 décembre 1938, jour de l’été austral, près de l’embouchure de la rivière Chalumna (Afrique du Sud), un chalutier captura un gros poisson de plus de 60 kilos, long de 1,50 m. Les pêcheurs, surpris par cet animal qu’ils n’avaient jamais vu, l’apportèrent à Miss Latimer, conservatrice du musée de la ville d’East London. Cette dernière comprit qu’un poisson de cette taille ne pouvait avoir échappé à l’attention de pêcheurs professionnels sans de bonnes raisons.
Une capture historique
Elle avertit le grand ichthyologiste sud- africain J.L.B. Smith qui l’identifia, à son grand étonnement, comme un crossoptérygien de l’ordre des cœlascanthiformes, connu jusqu’alors uniquement par des fossiles et considéré comme éteint depuis près de 70 millions d’années. Bien que ce poisson fût en mauvais état, Smith en fit la description en février 1940 et le baptisa Latimeria chalumnae. Il lança ensuite une campagne par journaux et affiches, offrant une récompense à quiconque lui fournirait un second exemplaire. Soupçonnant que l’animal capturé s était égaré hors de son domaine, il étendit cette campagne jusqu’aux Comores. L’exemplaire tant attendu fut pris le 20 décembre 1952, dans l’île d’Anjouan, archipel des Comores. Depuis, on en a capturé près de 200.
Trotteur et vivipare
Le cœlacanthe présente un certain nombre de particularités qui en font un poisson différent des autres. Ses nageoires paires, pectorales et pelviennes, au lieu d’être formées d’une membrane que soutiennent des rayons, sont musculeuses et armées d’un squelette. En 1988, une plongée à bord d’un petit sous-marin a permis à une équipe franco-allemande d’observer le poisson nageant dans son milieu, entre 100 et 400 mètres; il utilise ces nageoires en alternance à droite et à gauche, comme un cheval qui amble. Cette équipe a aussi constaté que le cœlacanthe a des détecteurs de champs électriques qu’il utilise pour localiser ses proies. Autre particularité, il possède un poumon (le droit, le gauche ayant dégénéré), mais qui a probablement cessé de servir depuis longtemps et est devenu un organe infiltré de graisse qui allège l’animal à la façon d’une vessie natatoire ; sa présence nous rappelle aussi que les premiers poissons osseux possédaient à la fois branchies et poumons.
La dissection de la première femelle capturée ayant révélé de gros œufs (9 cm de diamètre) dans les oviductes, on en déduisit que l’espèce était ovipare. Mais des exemplaires plus récents présentèrent des embryons de plus de 30 centimètres dans les oviductes qui ne montraient nulle trace de placenta : on en conclut que ce poisson est un vivipare incubant et que la fécondation est interne, bien que les mâles capturés n’aient pas d’organe copulateur.