Poissons plats
Les poissons plats, ou pleuronectiformes, sont certainement les poissons les plus faciles à reconnaître; ce sont tous des poissons de fond (benthiques) qui reposent sur un flanc non pigmenté et plat, tandis que le flanc visible, légèrement bombé et coloré, porte les deux yeux, l’œil du côté aveugle ayant migré au cours d’une métamorphose. Les nageoires dorsale et anale, longues et sans rayons épineux, assurent la nage et aident le poisson à s’enfouir dans le sable ou la vase, ses yeux seuls émergeant, fis vivent dans toutes les mers tropicales ou tempé-rées froides; certains pénètrent dans les estuaires ou en eau douce. Leur taille se situe en général entre 20 et 60 centimètres, mais le géant du groupe, le flétan de l’Atlantique, peut mesurer 4 mètres et peser plus de 300 kilos. Les poissons plats effectuent des migrations de reproduction ; les géniteurs se rapprochent le plus souvent des côtes pour frayer. Leurs œufs, souvent allégés par un globule hui¬leux, montent vers la surface, où les alevins éclosent. Après la métamorphose, ils gagnent le plateau continental, où s’effectue leur croissance. Les poissons plats vivent de dix à plus de cinquante ans.
Dextres, sénestres et «inversés»
On distingue sept familles de poissons plats. Le plus souvent, les espèces d’une même famille sont toutes couchées sur le même flanc. On appelle dextres celles qui ont les deux yeux sur le côté droit, sénestres celles où ils se trouvent sur le côté gauche. Chez les psettodidés des côtes d’Afrique occidentale, les plus primitifs des poissons plats, il existe autant d’individus dextres que sénestres. Chez plusieurs espèces, on trouve de temps en temps un individu inversé; parfois, le pourcentage des inversés change avec la localisation géographique. Ainsi, un turbot du Pacifique a 40 % d’individus dextres en Californie, 33 % en Alaska et 2 % au Japon.
Barbue, turbot et targeur
Parmi les scophthalmidés, dont on connaît plus de 200 espèces, toutes sénestres, certaines sont bien connues des consommateurs. La barbue, qui atteint 70 centimètres à f mètre, vit des côtes de la Norvège à la Mauritanie et en Méditerranée, se hasardant parfois en eaux saumâtres. Une espèce voisine, le turbot (1 m pour 25 kilos), que les anciens Romains appréciaient beaucoup et qu’au Moyen Age on salait comme la morue, est l’objet d’un élevage industriel prometteur. On trouve dans le Pacifique des espèces voisines dont on a entrepris au Japon l’élevage intégral, ponte et nourriture des alevins comprises. Quant au targeur, qu’on pêche du golfe de Gascogne à la Norvège, c’est un des rares poissons plats à préférer les fonds rocheux aux sables vaseux. 11 mesure au plus 40 centimètres; sa chair est excellente.
Flétan, plie et limande
Les pleuronectidés, surtout abondants dans l’océan Indo-Pacifique, sont dextres. La bouche est très dissymétrique et les dents sont plus grandes et plus nombreuses sur le côté aveugle. Sur les côtes
de l’Atlantique oriental vivent une dizaine d’espèces, dont la plupart sont pêchées très activement. Le flétan ou halibut atteint des tailles remarquables. Celui du Pacifique mesure jusqu’à 3 mètres et celui de l’Atlantique, qui vit du sud du Portugal au Groen-land et au Spitzberg, peut atteindre 4 mètres. C’est un poisson vorace qu’on voit souvent nager en pleine eau en position verticale à la poursuite des harengs ou des morues. Sa croissance est lente, il ne devient sexuellement mûr que vers dix ans et vit une cinquantaine d’années. Il se reproduit sur le talus continental, entre 700 et 1 000 mètres de profondeur. Les œufs remontent vers la surface et éclosent entre 50 à 100 mètres. L’alevin se nourrit de petits crustacés et se méta-morphose quand il atteint 30 à 35 millimètres de long. Il reste trois à quatre ans sur le plateau continental, se nourrissant de crustacés et de mollusques, puis s’enfonce vers des eaux plus profondes et plus froides.
La plie ou carrelet atteint près d’un mètre et pèse plus de 7 kilos ; elle abonde sur les côtes atlantiques, du Maroc au cap Nord; elle est un peu plus rare en Méditerranée ou sur les côtes islandaises ou groenlandaises. Les exemplaires sénestres sont assez fréquents. Contrairement au flétan, elle ne descend pas en dessous de 50 mètres, pénètre fréquemment en eaux saumâtres et se reproduit sur des frayères souvent éloignées des régions de croissance, dans la zone de balancement des marées. Le nombre d’œufs pondus est considérable : de 50 000 à 500 000 suivant la taille de la femelle. La plie a une alimentation très variée : mollusques, vers, crustacés, échinodermes ou poissons. Elle chasse à vue, surtout à marée haute. On la pêche au chalut de fond, au trémail ou au carrelet. Bien que sa chair soit un peu molle, elle est abondamment consommée.
La limande, autre habitant du plateau continental, du golfe de Gascogne au Spitzberg, recherche les eaux très salées et les fonds sableux entre 50 et 150 mètres.
Elle mesure au plus 40 centimètres, est mature vers l’âge de deux ans et vit une douzaine d’années. Elle se rapproche des côtes pour frayer, au printemps dans le golfe de Gascogne, en été plus au nord. L’alevin se nourrit de microplancton, l’adulte d’invertébrés divers.
Langues et soles
Les cynoglossidés ou langues sont sénestres et vivent dans les eaux tropicales et subtropicales. On les reconnaît à leurs nageoires dorsale et anale confluentes avec la caudale. On en dénombre une centaine d’espèces, toutes de taille inférieure à 40 centimètres. Quelques-unes, dont la plagusie, se trouvent en Méditerranée et dans le golfe de Gascogne. Elles sont rarement commercialisées. Les soléidés, qui sont dex- tres. peuplent les mers tropicales et tempérées. parfois les eaux douces. La sole commune vit jusqu’à 130 mètres de profondeur sur les fonds de sable fin ou vaseux du plateau continental du Sénégal à la Norvège, en mer du Nord, en Baltique et en Méditerranée. Nocturne, elle se laisse porter par les courants de marée vers les zones littorales dès que les eaux y dépassent de 5 à 9 °C. Elle se nourrit de vers, de crustacés et de petits mollusques qu’elle détecte à l’odorat ou grâce aux récepteurs tactiles de son flanc aveugle. Au printemps, elle gagne ses frayères en zone côtière ; la femelle pond, à partir de l’âge de quatre ans, 100 000 à un million d’œufs. On la pêche au chalut de fond ou au filet.