Physique de guerre : Le retour de Joliot
Physique de guerre : Le retour de Joliot
La nouvelle de la découverte de Hahn et Strassmann se répandit comme une traînée de poudre. La première informée fut Lise Meitner, réfugiée en Suède, à qui Otto Hahn écrivit une lettre vers le 22 décembre 1938, en même temps qu’il soumettait son article pour publication. Pour les fêtes de Noël, la chimiste autrichienne reçut la visite de son neveu, le physicien Otto Frisch, qu’elle mit au courant de cette stupéfiante découverte. Ce dernier, très troublé, rejoignit le laboratoire de Copenhague qui l’avait accueilli, et, avant même d’entreprendre des expériences pour vérifier les faits par lui-même, en fit part à Niels Bohr, qui était sur le point de partir en bateau pour les États-Unis. Le prix Nobel danois eu le temps de réfléchir à cette importante nouvelle pendant toute la durée de la traversée, et le 16 janvier 1939, il l’annonça à deux de ses collègues venus l’accueillir à New York. Ces deux physiciens étaient John Wheeler, avec qui Bohr devait écrire, peu de temps après, un article pionnier sur la théorie de la fission et… Enrico Fermi ! Ce dernier s’était en effet réfugié aux États- Unis dans des circonstances que nous décrirons plus tard. Le même jour, à Copenhague, Otto Frisch entreprenait ses premières expériences sur ce thème et, à Paris, Frédéric Joliot prenait connaissance de l’article de Hahn et Strassmann, paru le 6 janvier 1939. La course était ouverte, et, pour un temps, elle allait tourner à l’avantage des chercheurs parisiens.
Frédéric Joliot, dont la vivacité d’esprit n’avait rien à envier à celle d’Enrico Fermi, réalisa immédiatement que le phénomène de fission pouvait être un moyen de libérer les quantités d’énergie énormes emprisonnées au sein des noyaux, ce que déjà, au début du xxesiècle, Pierre Curie et Jean Pemn rêvaient de faire. Délaissant les tâches administratives inhérentes à la mise en place de plusieurs laboratoires équipés de grosses installations, dont son cyclotron, qui l’avaient accaparé durant ces dernières années, le brillant physicien effectua alors un retour foudroyant vers la recherche. Il monta d’abord une expérience légère au moyen de laquelle il vérifia que les noyaux radioactifs résultant de l’activation de l’uranium par les neutrons possédaient bien l’énorme énergie cinétique que le processus de fission devait leur conférer. En effet, si tel était le cas, ces noyaux devaient être éjectés de la cible d’uranium, lorsque celle-ci n’était pas trop épaisse, et parcourir quelques centimètres dans l’air. L’expérience s’avéra positive. Joliot pouvait ainsi recueillir, sur un collecteur distinct de la cible, les isotopes dont la radioactivité avait été si longuement étudiée par diverses équipes dont celle de son épouse Irène.
Peu de temps après, avec l’assistance d’un de ses collaborateurs, il réussit à mettre en évidence la trajectoire d’un fragment de fission dans la chambre de Wilson. Conformément à ses prévisions, cette trace, laissée par un noyau de masse importante, était beaucoup plus dense (épaisse) que celles qui signaient le passage des électrons ou des protons. Cette nouvelle observation constituait une preuve physique indéniable de l’existence de la fission .
La cause était entendue. La fission avait bien lieu. Joliot se préoccupa alors immédiatement de rechercher la présence d’éventuels neutrons émis en même temps que les deux fragments.
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