La capture électronique
Un vol manifeste !
Lorsque le noyau d’un atome est trop riche en neutrons, il peut se désintégrer par radioactivité fT, ce qui revient à changer un neutron en proton. S’il est excédentaire en protons, il peut mettre en œuvre la transformation inverse, celle d’un proton en neutron. C’est ce qui se produit dans la radioactivité P+. Cependant, l’émission d’un positon, qui caractérise cette dernière, n’est pas le processus inverse de l’émission d’un électron qui se produit dans radioactivité fi~. Ce processus inverse, c’est la capture électronique, c’est-à-dire la capture d’un électron par le noyau. Et, de fait, ce mode de radioactivité existe et entre toujours en compétition avec la désintégration p+. Il a été découvert en 1937 par Luis W. Alvarez sur l’isotope 67Ga, de période égale à 78 heures, produit sur l’un des cyclotrons de Berkeley.
Capturer un électron, cela paraît beaucoup plus naturel que de créer une particule d’antimatière. Effectivement, un tel mécanisme présente un avantage certain du point de vue énergétique. Il faut, rappelons-le, 511 kiloélectronvolts pour créer un positon. Le bilan d’une désintégration p+ est même deux fois plus défavorable si l’on considère l’atome dans son ensemble et non pas le noyau. En effet, après émission du positon, le noyau a perdu une charge positive, et l’atome doit se séparer d’un électron de son cortège, pour conserver sa neutralité. L’atome doit donc disposer d’un excédent de masse équivalent à 2 x 511 keV, soit 1,022 MeV pour pouvoir se désintégrer par radioactivité p+. En revanche, la capture d’un électron ne lui coûte pratiquement rien, parce que c’est toujours un électron de son propre atome que le noyau va dérober. Il est en effet hautement improbable qu’un électron quelconque rencontre le noyau instable, alors que certains électrons du cortège atomique, appartenant en particulier aux couches les plus internes, ont une probabilité de présence non négligeable au sein de ce noyau La capture électronique apparaît donc ainsi comme un mode de désintégration envisageable pour tous les noyaux excédentaires en protons, et comme le seul possible lorsque l’énergie disponible est inférieure à 1,02 MeV.
Et quand il n’y a pas d’électron à capturer ?
Pour un noyau trop riche en protons, capturer un électron de son cortège atomique, c’est, comme nous l’avons vu, simple conceptuellement et économique en énergie. Mais encore faut-il que ce noyau possède un cortège ! C’est généralement le cas puisque les atomes sont électriquement neutres, mais des noyaux sans électrons, que l’on appelle noyaux nus, peuvent cependant exister, en particulier dans le rayonnement cosmique. La capture électronique, telle que nous l’avons décrite, est alors impossible, et le pauvre noyau radioactif doit s’en remettre à l’improbable rencontre fortuite avec un électron libre. Une telle rencontre ne se produisant pratiquement jamais, le noyau radioactif reste dans l’état où il se trouve. Il est devenu quasiment stable. Ce type de situation a pu être reproduit expérimentalement, en faisant circuler dans des anneaux de stockage de particules des noyaux habituellement radioactifs par capture électronique, mais dépouillés de tous leurs électrons. La stabilité de ces noyaux a pu ainsi être vérifiée.
La capture électronique met donc en échec l’idée générale selon laquelle la période de décroissance radioactive est immuable et indépendante de tout facteur extérieur au noyau. Cette exception vient à point nous rappeler que l’entité radioactive n’est pas le seul noyau, mais l’atome. Un ion nu n’est pas équivalent à un atome du même élément.
Une source de neutrinos monoénergétiques – ou presque !
Le chrome 51 se désintègre par capture électronique sans émission gamma dans 90 % des cas. Dans 10 % des cas, sa désintégration aboutit à un niveau excité du noyau fils, le vanadium (51V), qui se désexcite en émettant un rayonnement gamma de 320 keV. Par conséquent, le chrome 51 émet des neutrinos regroupés en deux raies, l’une à l’énergie de 750 keV – équivalente à la différence de masse entre les atomes 51Cr et 51V dans leur état fondamental – représentant 90 % de l’intensité émise, l’autre, neuf moins intense, à 750 – 320 = 430 keV.
À la fin des années 1990, une collaboration européenne, nommée Gallex, avait construit un gros détecteur destiné à compter les neutrinos en provenance du Soleil. Pour étalonner ce détecteur, il fut décidé de réaliser une source étalon intense de neutrinos à partir de 51Cr. Dans ce but, l’échantillon de cet isotope, dont l’activité avait préalablement été mesurée grâce à ses émissions de rayonnements X et gamma fut enfermé dans un blindage hermétiquement clos constitué par une tonne de tungstène, qui arrête les photons gamma de 320 keV et les rayons X associés à la capture électronique. L’extrême radioactivité de cette source (6,2.1016 becquerels, soit 62 pétabecquerels !) constitue un record absolu pour une source radioactive d’origine humaine. Cependant, dans la mesure où son étanchéité est garantie, une telle source ne représente aucun danger pour l’organisme humain, qui, comme l’épais blindage de tungstène, est totalement transparent aux neutrinos !
Vidéo : La capture électronique
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur : La capture électronique