Phacochères
Tous les suidés ont un corps massif plutôt bas sur pattes, une peau hérissée de soies raides et parfois presque nue, souvent doublée d’une couche de graisse, et un museau mobile caractéristique de la famille, le groin : il se termine par un disque glabre et humide, le boutoir, soutenu par un cartilage qui peut occasionnellement s’ossifier. La peau dure s’épaissit encore ou bien s’orne de verrues là où portent les coups de tête lors des affrontements ritualisés entre adultes.
Des ongulés qui s’obstinent à marcher
Au lieu de devenir de plus en plus herbivores et coureurs au cours des âges, comme les autres ongulés, les suidés sont restés omnivores et marcheurs. Leurs doigts sont moins réduits que ceux des ruminants, les doigts latéraux devenant fonctionnels en terrain mou. Leur denture, complète dans le jeune âge (44 dents), tend à se réduire légèrement chez les plus végétariens ; elle est de type omnivore, avec des prémolaires et des molaires mamelonnées. Leur estomac présente l’ébauche d’une division en chambres séparées ayant des rôles digestifs différents; il est diversement constitué suivant les espèces, depuis l’estomac simple aux divisions esquissées (chez les sangliers du genre Sus) jusqu’à l’estomac complexe du babiroussa et des pécaris, qui conduit directement à l’estomac de vrais ruminants, les chevrotains.
Les suidés les plus anciens ont été découverts dans des gisements oligocènes d’Europe et d’Amérique du Nord datant d’environ 30 millions d’années. C’étaient des animaux forestiers et tropicaux, omnivores à tendance carnivore. Parmi eux se trouvent les formes ancestrales des suidés actuels, les cochons sauvages de l’Ancien Monde : phacochère, potamochère, hylochère, sangliers et babiroussa.
Résister à l’abrasion
Les phacochères (Phacochoerus aethiopicus) vivent dans les savanes d’Afrique au sud du Sahara. Préférant les steppes et les savanes peu denses, ils parviennent aussi à se maintenir dans des régions très arides, pourvu qu’ils aient un point d’eau permanent. Ils aiment se rouler dans la boue et la poussière, comme tous les suidés. Largement chassés par les prédateurs et par l’homme, ils bénéficient d’une paix relative en pays musulman, mais n’en sont pas moins soumis à la traque active des Européens. Nus et gris, leur seul pelage notable est leur crinière érectile. Leur groin et leur face sont ornés de verrues qui servent de dispositif d’accrochage et de protection lors des joutes tête contre tête entre adultes.
ils consomment des graminées, des tubercules et des racines, qu’ils se procurent à l’aide de leurs défenses, surtout lorsqu’ils sont encore jeunes. Plus tard, celles-ci se recourbent vers le haut, en même temps que tombent les incisives inférieures, les prémolaires et les premières molaires. Ces dents sont remplacées pour la mastication par la dernière molaire, à couronne très longue dans le sens horizontal et de type broyeur-râpeur. Ces puissantes troisièmes molaires, à croissance continue, constituent un cas unique chez les ongulés : leur énorme fût, très haut, semble être une parade à l’abrasion dentaire : l’alimentation des phacochères est extrêmement usante pour les dents, soit directement, par la silice contenue dans les tiges et les feuilles, soit indirectement, par les particules minérales qui souillent les plantes consommées.
En saison des pluies, les phacochères sont des mangeurs d’herbes tendres ; en saison sèche, ils fouissent et subsistent grâce aux rhizomes, tubercules et bulbes. Au total, ils sont essentiellement végétariens, nettement plus que les autres espèces.
Une surveillance de tous les instants
Une autre particularité du phacochère est de présenter, dès le stade fœtal, les callosités de la face antérieure du poignet, sur lesquelles ils s’appuient et se déplacent lorsqu’ils s’alimentent. Les yeux des pha-cochères, placés très en arrière de la face, leur permettent d’être toujours aux aguets, y compris lorsqu’ils sont «agenouillés» pour se nourrir. Ils voient mieux que les autres suidés. Ils se défendent à l’aide de leurs défenses inférieures, pointues et tranchantes : elles constituent des armes très dissuasives et efficaces contre les grands carnivores prédateurs.
Diurnes, les phacochères s’abritent avec leur famille dans des terriers d’oryctéropes, qu’ils aménagent et où ils entrent à reculons afin de n’être pas assaillis par surprise. Lorsqu’ils se déplacent au petit trot, leur queue est dressée comme un signal de leur présence. Peu prolifiques, ils vivent en famille. La laie met bas de trois à cinq petits en moyenne dans un terrier. Les femelles n’ont que quatre mamelles. Les petits commencent à consommer de l’herbe dès leur sortie de l’abri, à l’âge d’une semaine.