Les insectes, poissons et reptiles dans les sociétés animales
Si la notion de territoire a surtout été étudiée chez les oiseaux, puis les chez les mammifères, on la retrouve pourtant chez beaucoup d’autres animaux.
Les insectes:
l’existence d’un territoire a été signalée chez plusieurs ordres d’insectes.
Les odonates:
Après leur mue imaginale (leur dernière mue larvaire), les odonates (libellules et demoiselles), devenus adultes, quittent leurs étangs de naissance pour se disperser en de nouveaux lieux et y choisir un territoire. Un mâle peut ainsi choisir un territoire à plusieurs perchoirs qu’il patrouille périodiquement. La taille de ce dernier varie de 2 m2 à 6 m2 selon l’espèce concernée, la population, la densité et la topographie des lieux.
Les mâles résidents attaquent leurs congénères, la tête en avant, en un contact physique parfaitement audible. Le résident et l’intrus répètent des spirales et cercles apparemment pour se forcer l’un l’autre à toucher l’eau. À la différence des intrus étrangers de même taille qui sont chassés, les étrangers de plus grande taille sont inspectés mais ne sont pas attaqués ni expulsés. La reconnaissance est surtout visuelle : les tailles et les formes sont parfaitement distinguées.
Les blattes:
Chez les blattes, comme Nauphoeta cinerea, on distingue trois rangs de mâles : alpha, beta, gamma.
Les gammas n’acquièrent jamais de territoire, ce qui ne les empêche pas d’essayer d’accéder au territoire des autres. Ils utilisent, en dehors des zones contrôlées par les dominants, des lieux de repos non défendus.
Quand la densité est faible, les mâles dominants tolèrent souvent les mâles gammas, alors qu’ils chasseraient d’autres intrus.
Si quelque évènement rapproche les mâles, les différences entre alpha et bêta commencent à apparaître. Les mâles alpha dominent et patrouillent aux frontières de leur territoire, chassant les nouveaux venus mais ignorant, curieusement, les mâles déjà présents. Pendant que l’alpha patrouille, les autres mâles présents sur son territoire combattent pour établir leur propre hiérarchie. À la fin, le mâle dominant chasse les autres de son territoire.
En dehors des frontières de l’alpha, les mâles bêta exclus deviennent territoriaux en différents sites de repos d’où ils excluront les gammas. Ce système est donc assez complexe et interfère, ici aussi, avec la hiérarchie de dominance. L.S. Ewing (1972 et 1973), qui a étudié cette espèce de blatte avec une très grande finesse, a également remarqué que lorsqu’ils ont systématiquement perdu leurs batailles, les plus jeunes mâles meurent souvent prématurément, même s’ils ne présentent aucune blessure : ce syndrome est étonnamment similaire à celui du stress social rencontré chez des mammifères, tels les rats ou campagnols…
Les criquets et grillons:
Des comportements territoriaux sont aussi décrits chez des criquets : en Chine, les combats de grillons (Acheta) constituent un sport depuis plus de mille ans… Ici encore, on remarque l’interférence entre phénomènes hiérarchiques et territoriaux.
Les lépidoptères, coléoptères, diptères et hyménoptères:
La territorialité a été étudiée chez ces insectes. Même si les différences entre espèces sont grandes, il existe des similitudes frappantes entre toutes les familles.
La plupart du temps, les mâles requièrent un site bien délimité par des frontières naturelles et des endroits d’où l’occupant peut surveiller les parties ouvertes du territoire. Les tailles des territoires sont variables, mais ils sont généralement établis près des emplacements de nidification des femelles, d’oviposition (endroit où sont déposés les œufs), près des sites de récolte, ou encore le long des chemins qui mènent à ces endroits privilégiés. Les fonctions de ces territoires apparaissent très semblables à celles rencontrées chez les vertébrés.
Les poissons:
La territorialité est surtout présente chez les poissons d’eau douce et de littoral, en raison de leur proximité avec le substrat.
La relation entre territoire et hiérarchie est ici particulièrement frappante. Lorsqu’on place (B. Greenberg, 1947) des perches- soleils vertes (Lepomis cyanellis) dans un aquarium trop petit, immédiatement s’organise une hiérarchie de dominance sans territoire. Mais si on les transporte dans un récipient beaucoup plus vaste, chaque perche se constitue tout aussi rapidement un territoire personnel.
Lorsque des périophtalmes, poissons gobioïdés (ordre des perches) des marécages tropicaux littoraux, se retrouvent en captivité, ils se divisent en deux lots : ceux qui se réservent un territoire – les dominants – et se tolèrent bien entre eux, et ceux qui sont refoulés dans la moins bonne partie du bassin, les dominés.
Les reptiles:
Selon Guy Naulleau, du Centre d’études biologiques des animaux sauvages de Chizé, les serpents défendent très rarement leur domaine.
Les tortues:
Par ailleurs, on connaît les grandes migrations de tortues marines qui viennent, toujours à la même période, pondre en un même lieu, celui où elles sont nées. Mais elles ne semblent pas avoir pour autant un comportement territorial.
Les crocodiliens:
En revanche, les crocodiliens manifestent un véritable comportement territorial.
Chez l’alligator du Mississippi ou d’Amérique (Alligator mississipiensis), les mâles les plus puissants détiennent certaines places de repos diurnes, ou d’investigation, qu’ils défendent en les marquant de l’odeur de leurs glandes intermandibulaires et de leurs beuglements. Les femelles font, ou retrouvent, en un même lieu leur nidcouveuse en forme de dôme.
Les crocodiles et les caïmans (Caiman crocodilus) ont des comportements semblables : un même endroit peut être défendu plusieurs années de suite.
Les lézards:
Le territorialisme se rencontre sous des modalités sociales très variées dans la plupart des familles de lézards, qui sont très agressifs.
Le marquage est assuré par des stimulations visuelles, ou vocales, comme chez certains geckos (famille des Gekkonidae).
Chez les lézards verts ou à ocelles (Lacerta lepida), le comportement territorial apparaît à l’âge adulte dès que les animaux quittent leurs quartiers d’hiver ou leur troupe de jeunes.
Le caméléon (Chamaeleonidae) mâle partage un territoire en plusieurs portions occupées par des femelles.
Chez l’agame (famille des Agamidaé), le mâle constitue une sorte de harem et occupe le même territoire plusieurs années de suite.
Il est courtisé par les femelles qui ne s’intéressent jamais aux mâles sans territoire.