Les équidés , ou l'histoire d'un mythe : Monodactylie et adaptation à la course
Il est couramment admis que la monodactylie des animaux onguligrades présente un avantage adaptatif en matière de locomotion. De grands segments reposant sur le sol par une petite surface amélioreraient la propulsion et permettraient d’atteindre une vitesse de course très élevée. Quelques observations simples montrent que cela n’est pas exclusif. En effet, dans la savane africaine coexistent des espèces monodactyles onguligrades, les zèbres, et des espèces pentadactyles digitigrades, les lions et surtout les guépards. Or les seconds se nourrissent des premiers, en particulier grâce à une vitesse de course bien supérieure (110 km/h en pointe pour le guépard, 50 à 60 km/h au maximum pour le zèbre). Il vaudrait mieux parler d’équilibre ou de compromis adaptatif entre prédateurs et proies , dans la mesure où le guépard ne court pas très longtemps à grande vitesse.
Les études biomécaniques, menées sur les différentes espèces fossiles d’Équidés, montrent que les formes tridactyles les plus anciennes et les plus légères courraient vraisemblablement comme le guépard actuel par ondulation de la colonne vertébrale et amortissement des chocs sur le sol par les coussinets situés sous les pattes (Devillers & Mahé 1980), c’est-à- dire aussi vite que le cheval actuel. Les formes tridactyles plus récentes et plus lourdes présentent une autre adaptation : le choc à l’impact n’est plus amorti mais converti en énergie cinétique par de puissants tendons. Là encore la vitesse atteinte devait être comparable à celle des formes actuelles. D’autre part, certaines espèces d’Artiodactyles (Antilopidés par exemple) figurent parmi les plus rapides des herbivores, bouteurs d’herbe ou de feuille, alors même que leurs pattes possèdent deux doigts. Il apparaît donc que la monodactylie n’est pas une meilleure adaptation à la course, mais qu’elle est peut-être liée à l’augmentation de la masse.
On associe souvent dans les interprétations de la lignée chevaline, la réduction du nombre de doigts au changement de régime alimentaire. Là encore, c’est simplifier énormément les données de terrain. En effet, on peut observer que la transition brouteur de feuilles brou- teurs d’herbe, chez les Équidés, se produit chez les espèces tridactyles et non pas lors du passage de trois doigts à un doigt. Cette transition se produit plus de 10 millions d’années avant la réduction du nombre de doigts. La liaison entre l’évolution des deux caractères semble donc difficile à établir clairement.
Pour étayer encore cette difficulté, on peut constater que pendant très longtemps coexistent dans les milieux steppiques des mono et des tridactyles. De même, antérieurement, des espèces polydactyles et tridactyles ont coexisté longtemps dans des milieux steppiques comme dans des milieux buissonnants.
Il semble donc qu’aucun argument ne permet d’affirmer l’existence d’une relation cau¬sale entre nombre de doigts, régime alimentaire et milieu fréquenté.