Les équipes , ou l'histoire d'un mythe : Orientation de l'évolution
Les tendances décrites dans la famille des Équidés sont discutables à plusieurs niveaux :
- la complexification de la table d’usure des molaires et prémolaires n’est vraie durant tout l’Éocène et l’Oligocène que pour un groupe seulement d’Eohippus et de ses descendants. Pour les autres groupes, la situation est très variable, on peut même assister à des réversions, c’est-à-dire à une simplification de la table d’usure ; ce fait est apparent même dans les anciennes représentations iconographiques (voir par exemple Gould 1993), mais passé sous silence ;
- l’accroissement de la hauteur des dents au Miocène et au Pliocène est important dans certains groupes, mais la plupart du temps, il est simplement corrélé à l’augmentation de la taille corporelle, un gros animal a de grosses dents ;
- l’augmentation de la taille concerne effectivement de nombreux représentants du groupe mais à l’Eocène, les formes tardives sont plus petites que les premières formes d’Eohippus (ou Hyracotherium) ; par la suite, on observe plusieurs fois des espèces petites
dérivées d’espèces plus grandes, c’est le cas de Callipus et de Nannipus, à la limite Miocène Pliocène, toutes deux descendantes de Archaeohippus (Guillard & Guillard 1973). Les autres groupes du Miocène présentent généralement une fluctuation de la taille autour d’une valeur moyenne, à l’exception d’une seule qui montre une nette tendance à l’accroissement de taille. C’est celle qui a survécu jusqu’à nos jours après avoir colonisé l’Europe et qui s’est éteinte par la suite en Amérique.
On peut proposer plusieurs interprétations à cet accroissement de taille. L’une d’entre elle met en lumière une réponse adaptative à une pression sélective de prédation. En effet, on peut considérer que cet accroissement de taille de certains genres s’est déroulé en même temps que l’explosion des Mammifères, qui a conduit à la multiplication des espèces prédatrices.
Des études plus locales et plus précises encore montrent l’échec auquel sont vouées les recherches d’une orientation privilégiée de l’évolution du groupe. Mac Fadden et ses collaborateurs ont montré (1999) que la Floride hébergeait il y a 5 millions d’années 6 espèces sympatriques d’équidés, 4 hipparioninés à 3 doigts et 2 équinés à 1 doigt. Tous ces animaux possédaient des dents hypsodontes à haute couronne mais l’analyse des S13C a montré que les hipparioninés se nourrissaient plutôt de plantes en C4 alors que les équinés consommaient plutôt des plantes en C3. Par ailleurs, l’analyse des micro-usures de l’émail des dents et la comparaison avec celles des espèces actuelles (girafe et bison par exemple), démontre que, dans cette région de Floride il y a 5 millions d’années, les hipparioninés étaient majoritairement des brouteurs d’herbe et les équinés des mangeurs de feuilles. C’est pourtant parmi ces derniers que se trouvent les ancêtres du genre Equus, exclusivement brouteur de plantes en C4. Comme on le voit, il est très difficile de faire apparaître ici une quelconque loi.