Les conséquences environnementales d'une dépendance excessive au carbone
L’indice de performance environnementale du Centre de Droit et Politique Environnementale de l’Université de Yale 6 permet d’avoir une idée globale de la situation environnementale des pays asiatiques qui, s’en être expliquée exclusivement par l’usage d’énergies fossiles, sont fortement impactées par des mix énergétiques fortement carbonés. Sur les 163 pays classés en 2010, les pays asiatiques affichent les plus mauvaises performances. Hormis Singapour, le Japon et la Corée du Sud, les autres pays de l’ASEAN + 3 7 sont tous classés au-delà de 50e place, tandis que la Mongolie, le Tadjikistan, l’Inde, le Yémen, le Bangladesh et le Pakistan sont tous situés entre la 110e et la 140e place.
Une contribution croissante à la montée des périls globaux…
Comme la plupart des pays asiatiques ne sont entrés que très récemment en développement, il est évidemment difficile de leur imputer la responsabilité des menaces climatiques : la Chine et l’Inde ne représentent que 8 % et 2 % des émissions cumulées de C02 au cours de la période 1900-2005 contre plus de la moitié pour les États-Unis et l’UE (AIE, 2007a). Ce point est à l’origine des difficultés lors des négociations climatiques entre pays développés et pays en voie de développement. Ces derniers souhaitent croître sans contraintes drastiques sur leurs émissions, comme l’ont fait avant eux les pays développés. Leur argumentaire reprend aussi le fait que les troubles actuels du climat ne proviennent donc que marginalement de leurs émissions. Ce débat, sans issue pour l’instant, eut notamment lieu lors des sommets mondiaux de Copenhague en 2009 et de Cancun en 2010.
Néanmoins, les émissions chinoises et indiennes ont considérablement augmenté à mesure de leur décollage économique, de sorte que ces pays sont désormais des acteurs majeurs… tant du problème que des solutions futures. Ainsi, la Chine est le premier émetteur de C02 au monde et le Japon et l’Inde sont classés quatrième et cinquième. Cette prédominance asiatique est susceptible de perdurer dans la mesure où la Chine et l’Inde représenteront près de 2/3 de l’augmentation des émissions de C02 à l’horizon 2030, de sorte qu’ils seraient alors les premier et troisième émetteurs, tandis que le Japon serait cinquième. A ce terme, les émissions chinoises devraient même dépasser celles des Etats-Unis de 2/3. Par conséquent, le succès dans la mitigation des émissions de C02 passe, nécessairement, par l’Asie.
combinée à un impact local très alarmant
Toutefois, actuellement, la pollution globale à la source du changement climatique n’est pas celle qui touche les pays asiatiques avec le plus d’acuité : la forte dépendance au charbon impacte dramatiquement la qualité de l’air aux niveaux régional et local.
La pollution régionale est causée par les pluies acides qui se produisent lorsque le S02 et le NOx sont mélangés dans l’air : cela conduit à la création de composés qui sont absorbés par les nuages, rendant pluie et neige plus acides, avec des répercussions sur la végétation, les sols, les rendements des cultures, les bâtiments et, bien sûr, la santé publique… Si le phénomène n’est pas global par nature, il n’est pas non plus purement local. Par exemple, le Japon et la Corée souffrent de la pollution par les pluies acides chinoises, tandis que le Bangladesh souffre de la pollution indienne.
Mesurer l’impact des pluies acides est méthodologiquement délicat, de sorte que la plupart des études diffèrent dans leurs conclusions. Mais, en tout état de cause, les résultats mis en lumière sont alarmants. Dès 1996, Chang et Hu avaient constaté que le rendement moyen pour l’agriculture à Chongqing (Chine) avait été réduit de 25 %. Une autre étude conduite par Zhang et Wen (2000) a montré que le rendement de la production agricole chinoise avait été réduite en moyenne de 5 % à 10 % par les dépôts acides. Plus près de nous, une étude de la Banque mondiale (2007a) a démontré que les pertes de récoltes en Chine dues au SOx et aux pluies acides représentent de l’ordre de 30 milliards de RMB par an.
Les raisons de la pollution purement locale sont les mêmes : une forte dépendance au charbon et à la biomasse, qui tous deux émettent de grandes quantités de gaz nocifs (oxydes de carbone, oxydes de soufre, oxydes d’azote, particules…) et induisent une dégradation de la qualité de l’air jusque dans les habitations.
L’exposition à cet air pollué entraîne, entre autres troubles : des problèmes respiratoires, le cancer, la tuberculose, un faible poids des nourrissons et des maladies oculaires. Par exemple, l’exposition à la fumée de la biomasse pourrait expliquer respectivement 60 % et 25 % des cas de tuberculose en Inde en milieu rural et urbain. Et, selon Zhang et Smith (2007), la pollution de l’air en intérieur est responsable de plus de 400 000 décès prématurés chaque année en Chine.
Aussi n’est-on pas surpris d’observer que les villes chinoises sont très présentes dans les classements des métropoles les plus polluées Banque mondiale (2007b).
Le miracle économique chinois doit ainsi être « revisité » : la Banque mondiale (2007a) a évalué le coût économique lié à la pollution en Chine entre 3 % et 6 % du PIB annuel, mettant ainsi en lumière les coûts cachés d’une croissance à deux chiffres…
Stratégies disponibles pour répondre à l’explosion des besoins et à leurs effets induits
Les termes du problème sont simples : le prolongement de la croissance asiatique suppose de sécuriser les mix énergétiques, c’est-à-dire de garantir la progression de la production dans les filières retenues à l’avenir, tout en limitant les effets environnementaux des choix opérés. Ces deux dimensions seront successivement abordées dans cette section.
La gestion de la sécurité des approvisionnements
La sécurité des approvisionnements représente la capacité d’un pays à avoir accès à des sources d’énergie adéquates, abordables et fiables. Cette sécurité peut être mise à mal par l’instabilité des marchés, des défaillances techniques ou des menaces géopolitiques (Chevalier et Keppler, 2007 ; AIE, 2007c).
L’amélioration de l’efficacité énergétique
La manière la plus courante d’apprécier cette efficacité est de comparer la quantité d’énergie utilisée pour produire un dollar de PIB. L’Asie en développement est peu performante et dispose donc d’un potentiel de progression important. Dans ce domaine, le Japon est en revanche au meilleur rang mondial.
Au cours des dernières années, la Chine et l’Inde ont adopté des lois centrées sur les économies d’énergie. La Chine a établi des objectifs d’intensité pour ses provinces, a fermé des centrales électriques, des industries lourdes inefficaces et a réduit ses subventions afin de mieux refléter les prix internationaux des ressources.
En 2004, un plan chinois pour la conservation d’énergie a été publié, donnant des objectifs précis pour l’industrie, le transport et la construction. Globalement, l’ambition est d’améliorer l’efficacité énergétique de 20 % à l’horizon 2010. De façon plus ciblée, le programme Top 1 000 fixe des objectifs pour les plus grandes entreprises chinoises, tandis que le programme de la conservation de l’énergie au sein du gouvernement, en vigueur depuis 2006, concerne les institutions publiques. Dans un tout autre registre, le gouvernement a mis en place des standards pour les voitures (ainsi que des taxes sur la motorisation) plus rigoureux qu’aux États-Unis ou qu’au Canada (Zhang, 2010).
En Inde, un bureau de l’efficacité énergétique a été créé en 2001. Des normes ont été définies concernant la construction, mais également les centrales électriques et les réseaux afin de réduire les pertes. Le 10e plan quinquennal indien, entré en vigueur en 2003, contenait des objectifs d’économie d’énergie de 13 % .
Un problème associé à cette dépendance vis-à-vis du Moyen-Orient et de l’Afrique est l’acheminement du pétrole via deux détroits critiques, Ormuz et Malacca. Le détroit de Malacca est long de 900 kilomètres avec un débit de 12 millions de barils par jour en 2006. Au point le plus étroit, sa largeur n’excède pas 500 mètres. Le détroit d’Ormuz, à l’embouchure du golfe Persique, est la route maritime pétrolière la plus animée au monde, avec un débit de 14 millions de barils par jour correspondant à 16 % de l’offre globale de pétrole (et près d’un tiers du volume du commerce). Des tensions croissantes ont récemment mis en évidence les risques potentiels de piraterie et de terrorisme induisant des menaces sur la continuité des approvisionnements.
Pour contourner ces deux goulots d’étranglement, la Chine et l’Inde travaillent à des accords pour la construction de pipelines, notamment pour une interconnexion avec les pays de l’ex-Union soviétique. Un exemple est le pipeline Kazakhstan-Chine, dont la partie orientale a été achevée en 2005 et pour lequel des discussions sont en cours pour en accroître le débit maximal. D’autres projets sont à l’état de discussion plus ou moins avancée et témoignent de l’objectif indien de promouvoir le gaz : Iran-Pakistan-Inde, Turkménistan-Afghanistan- Pakistan-Inde ou bien encore Myanmar-Bangladesh-Inde.
L’exemple de l’oléoduc Sibérie orientale-océan Pacifique illustre les tensions qui s’exercent entre les pays asiatiques. L’objectif est ici de transporter le pétrole russe vers la Chine et le Japon. Mais la question était de savoir quelle partie serait construite en premier : soit un oléoduc de Sibérie orientale à la côte pacifique de Russie ou un embranchement vers la Chine. La Chine a gagné la bataille politique sur les Japonais et, donc, sera livrée la première avec une capacité d’environ 0,6 million de barils par jour.
Vidéo: Les conséquences environnementales d’une dépendance excessive au carbone
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