L'électricité
L’histoire de l’électricité
Après plusieurs décennies de stabilité, le secteur de l’électricité a subi de profondes restructurations. Le système électrique a en effet été régulé jusqu’à lors par le Public Utility Holding Company Act (PUHCA), promulgué en 1935 pour protéger les consommateurs contre les abus de position dominante exercés par les holdings contrôlant les entreprises du secteur. En vertu de la PUHCA, toute entreprise qui « possède, contrôle ou détient 10 % ou plus des droits de vote dans une compagnie de service public d’électricité est considérée comme « holding » ». Ce texte va imposer des limites drastiques aux propriétaires de ces compagnies et des exigences particulières vis-à-vis de la (security and Exchange Commission SEC). La loi PUHCA interdisait toute fusion entre compagnies électriques d’origine géographique différente et limitait strictement leur possibilité de diversification aux seules activités en lien direct avec la fourniture du service public de l’électricité. Cette réglementation explique que le secteur électrique aux Etats-Unis ne se soit structuré qu’au seul niveau des états ou des municipalités auprès desquels les compagnies étaient en charge de fournir l’électricité à des tarifs réglementés.
Des difficultés vont survenir à la fin des années 80 dans la mesure où le faible niveau de ces tarifs réglementés dans certains Etats ne permettait plus de couvrir les coûts de développement des nouveaux moyens de production nécessaires pour faire face à la croissance de la demande. C’est à cette période que sont lancés les programmes dits « négawatts » par lesquels les compagnies électriques vont chercher à inciter leurs clients à maîtriser leur consommation afin d’éviter d’investir dans des nouveaux moyens qui ne pouvaient pas être rentabilisés. Toutefois ces programmes de maîtrise de la demande n’ont pas permis de compenser la faiblesse des investissements et l’efficacité même de la réglementation du secteur électrique va être remise en question avec l’augmentation des prix qui va résulter de l’insuffisance des moyens de production. Ce fut particulièrement le cas en Californie et dans le Nord-Est où les prix plus élevés que dans le reste du pays ont conduit de grands consommateurs à menacer les états concernés de délocaliser leurs sites de production vers d’autres régions. En 1992, VEnergy Policy Act (EPAct) autorise pour la première fois des producteurs d’électricité indépendants à construire des centrales et des courtiers à négocier sur la base de prix de marché. En 1996, les ordonnances 888 et 889 complètent cette première étape en organisant l’ouverture des marchés de gros de l’électricité afin de favoriser la concurrence et les échanges entre les États. L’ouverture des marchés de détail reste quant à elle une décision du ressort des états : la Californie décidera d’y procéder la première mais la crise qui va y survenir conduira la plupart des autres états à stopper ou renoncer à leur programme de libéralisation du marché de détail.
L’expérience californienne a en effet suscité un fort intérêt compte tenu de son caractère pionnier et de l’importance de son marché. Elle se soldera par une crise sans précédent marquée par des coupures d’électricité tournantes pendant plusieurs jours voire semaines afin de faire face au manque de capacités de production. Toutefois, cette crise aura permis de mettre en évidence des erreurs dans le design de marché choisi pour libéraliser 6 : la mise en œuvre d’un marché obligatoire [pool] sur lequel toutes les entreprises devaient acheter leur électricité au prix de marché afin de la revendre à des tarifs qui restaient réglementés a en effet constitué une erreur majeure de conception. Les faits ont rapidement révélé qu’une telle organisation n’était pas soutenable. Le manque d’investissement a conduit à une hausse du prix de marché alors que les compagnies en charge de fournir l’électricité à un tarif réglementé ne pouvaient répercuter cette hausse de leurs coûts d’approvisionnement sur leurs clients finals : la faillite de ces entreprises et du système était ainsi inévitable. Cette crise de marché a été suivie par l’affaire Enron. Mais il faut veiller à faire la différence entre les deux événements : la crise californienne résulte d’un mauvais design de marché tandis que l’affaire Enron tient à la fois à la
malhonnêteté de ses dirigeants et au choix d’un modèle d’activité qui i est avéré inadapté. En effet, Enron a été créé au moment de la libération des marchés de l’énergie afin de mettre à profit les nouvelles opportunités d’affaires ainsi offertes. Le modèle d’activité reposait essentiellement sur les arbitrages rendus possibles entre les différents reliés et entre les différentes énergies sans avoir à posséder ou exploiter des actifs de production d’énergie. Or ces arbitrages ont été moins nombreux et aisés qu’initialement anticipés tandis que les responsables d’Enron ont gouverné leur entreprise avec une éthique défaillante et une malhonnêteté maintenant évidente. Cela a été rendu possible par le fait que les activités de cette compagnie n’étaient contrôlées par aucune autorité de régulation. Par ailleurs, la régulation financière d’alors portant sur les « spécial superpose entités » a autorisé Enron à organiser une galaxie opaque de filiales dans le seul but de dissimuler ses pertes et sa dette. Durant plusieurs années, Enron a ainsi pu faire croire à sa profitabilité jusqu’à ce que, début 2001, la situation devienne insoutenable et la faillite inévitable. La mauvaise gestion d’Enron ajoutée à la malhonnêteté flagrante de ses dirigeants également conduit à des préjudices et des pertes financières considérables pour les employés qui ont perdu dans l’affaire à la fois leur emploi, leur retraite et, pour la plupart, tout ou partie de leur épargne. L’aiffaire Enron a provoqué une onde de choc mondiale et a suscité des débats autour de la réglementation financière et la gouvernance des entreprises tant aux Etats-Unis que dans le reste du monde, notamment en Europe où se discutait alors la deuxième directive sur la libéralisation des marchés de l’énergie.
Cette affaire, ainsi que la crise calirrmienne, ont conduit la plupart des états à retarder ou arrêter leurs programmes de libéralisation : en 2010, la concurrence sur les marries de détail n’existe que dans moins de 20 états. En effet, si la réglementation de marché de gros est une décision fédérale mise en œuvre par la FERC, les états restent seuls responsables de la décision de déréglementer ou non leurs marchés de détail. C’est une des spécificités des États-Unis de posséder ces deux niveaux de décision en matière ie réglementation des marchés de l’énergie. Les oppositions ne sont pas rares entre ces deux niveaux, comme rappelé précédemment dans le cas du « standard market design » (SMD) voulu par la FERC. Ce 5MD était fondé sur l’exemple constitué par le gestionnaire indépendant de réseau en charge de l’infrastructure régionale interconnectée et du marché de gros réunissant initialement les états de Pennsylvanie. de New Jersey et du Maryland (marché dit PJM). Cette organisation est considérée comme un modèle dans la mesure où elle a mis en place des institutions (le gestionnaire indépendant) et des mécanismes novateurs afin d’améliorer l’efficacité du marché. Le black-out de 1003, qui n’a pas touché cette zone du nord-est des Etats-Unis a accru l’intérêt pour ce modèle. En particulier il existe dans PJM une obligation pour les fournisseurs d’électricité de détenir les capacités de production (en propre ou via des contrats auprès de tiers) pour faire face à leur pointe de demande majorée d’un coefficient de sécurité. Ce mécanisme vise à assurer que les moyens de production nécessaires pour faire face à la demande et à sa croissance seront effectivement disponibles au moment voulu. En effet, si un fournisseur n’est pas en mesure de prouver qu’il détient bien les capacités de production dont il a besoin pour satisfaire sa demande, et ce même s’il n’y a pas de menace pour la sécurité d’alimentation, alors il doit acquitter une pénalité financière élevée destinée à inciter aux investissements.
Néanmoins, ce mécanisme n’a pas donné pleinement satisfaction et il a été modifié afin d’en corriger les défauts et d’assurer que l’objectif de sécurité d’approvisionnement sera atteint : des appels d’offres à 3/5 ans sont dorénavant organisés par l’opérateur de système afin qu’il puisse disposer d’une vision centralisée des capacités qui seront mises à disposition pour assurer l’équilibre offre/demande et respecter le niveau de sécurité demandée. Le système en Nouvelle-Angle- terre a répliqué ce mécanisme d’appels d’offre en y ajoutant l’appel aux capacités d’effacement de demande : des consommateurs, seuls ou réunis par des agrégateurs de demande, peuvent ainsi proposer de réduire ou de supprimer leur consommation, ce qui peut permettre d’éviter de construire un nouveau moyen de production. En contrepartie de cet engagement, car ils sont soumis eux aussi à des pénalités s’ils ne le respectent pas, ces consommateurs sont rémunérés comme des producteurs. Au total, l’approche pragmatique adoptée par PJM en fait une expérience intéressante de libéralisation et inspire d’autres régulateurs, notamment pour son organisation en zone régionale et gestionnaire de réseaux indépendants. Cette organisation vise aux Etats-Unis à favoriser le développement des échanges entre états : elle est encouragée par la FERC qui détient les prérogatives pour le faire. Elle semble en effet en partie expliquer la reprise des investissements dans les infrastructures de transport, pour lesquelles des projets importants de développement ont vu le jour depuis 2005.
Le cas du Texas est également intéressant car il montre que la libéralisation ne signifie pas moins de régulation mais d’autres régulations. L’ouverture à la concurrence du marché de détail au Texas a été échelonnée sur plusieurs années à partir de 2002. Le Conseil de la Sûreté Électrique du Texas, créé en 1979, est responsable de la fiabilité de l’infrastructure de transport ainsi que de l’accès équitable de; tiers au réseau de transport. Un mécanisme original de régulation de; prix au client final a été mis en place afin d’assurer que les nouveaux entrants pourraient effectivement concurrencer les opérateurs historiques : ce mécanisme visait à éviter que les firmes en place ne dissuadent les entrées sur leur marché. Ainsi, durant une phase de transition allant de 2002 à 2007, un prix plancher a été établi afin d’éviter que les opérateurs historiques développent des stratégies nanti-concurrentielles. Ces derniers ne pouvaient vendre à un prix inférieur au plancher dont le niveau avait été fixé punir permettre aux nouveaux concurrents d’offrir un prix moins La difficulté de mise en place du mécanisme a résidé dans la Monition du niveau du prix plancher qui devait être suffisamment ajusté pour assurer la rentabilité des nouveaux concurrents tout en restant acceptable pour les consommateurs. En conséquence, depuis HIC’1 presque ménage texan sur deux a changé de fournisseur l’électricité et la concurrence s’est effectivement développée. Dans le ? pour temps, la réglementation a visé à stimuler les investissements moyens de production, en particulier ceux en énergies renouvelables : le Texas est le premier état en termes de capacité de ? production éolienne, dont il représente un tiers des capacités aux Etats-Unis. L’expérience du Texas montre que la libéralisation peut apporter des gains à la fois pour le consommateur mais également pour l’environnement. La hausse des prix de l’énergie a conduit plus récemment les habitants du Texas à réduire leur consommation : à isoler leurs maisons ou à installer des panneaux solaires pour leur eau chaude.
Certaines compagnies commencent également à installer des compteurs intelligents qui pourraient permettre «’accroître l’efficacité énergétique grâce à une tarification en temps née!. Ce type de compteur a en particulier l’intérêt pour les compagnes électriques de pouvoir offrir des tarifs hors personnalisés (qui référencent par exemple le prix de l’électricité selon que c’est l’hiver •c l’été, période de forte demande avec les équipements de climatisais n, et ainsi envoyer un signal de prix aux consommateurs afin qu’ils adaptent leur consommation. Outre que cela peut leur permettre de recuire leur facture, ces changements de comportements peuvent également contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre du pire électrique car des moyens polluants n’auront pas à être utilisés satisfaire la demande.