Éclairage sectoriel
le marché du gaz
Actuellement, le gaz naturel est la variable d’ajustement entre le scénario de référence et le scénario alternatif. En partie pour cette raison. le gaz est également la source d’énergie qui attire le plus l’attention dans les débats sur la sécurité énergétique européenne. Le progrès sa part de marché a été rapide compte tenu que c’est un carburant attractif sur le plan économiquement et environnement. Les turbines de gaz à cycle combiné (CCGT) sont devenues la technologie de choix pour les investisseurs privés face aux incertitudes des marchés de l’électricité en voie de libéralisation en Europe. Avec ses coûts l’investissement bas et sa flexibilité, les CCGTs permettent à des investisseurs de réagir rapidement aux conditions de marchés fluctuantes. En plus, le gaz naturel est souvent le carburant marginal sur le marché et fixe donc le prix de l’électricité. Cela signifie que les investisseurs sont en grande partie protégés contre les aléas des prix du gaz. Si le prix du gaz augmente, le prix de l’électricité réagit de la
sorte, la marge de profit de l’investisseur demeurant la même. Le fait que le gaz émette environ la moitié du carbone que le charbon par MWh d’électricité est un avantage supplémentaire.
Avec une infrastructure de transport bien développée et grosso modo un bon historique en matière de sécurité d’approvisionnement, la montée du gaz naturel a généré une augmentation de l’intensité de la consommation du gaz depuis les années 1970. Aujourd’hui, les Européens consomment plus de gaz par unité de PIB qu’il y a trente ans. Ceci entraîne évidemment quelques risques. Des nouvelles augmentations de prix (fortement probable notamment une fois que la Russie commencera à exporter du gaz vers l’Asie), ou des interruptions d’approvisionnement physiques (toujours rares, bien que les interruptions périodiques des livraisons vers l’Ukraine au début de chaque nouvelle année perturbent certains observateurs) auront ainsi des impacts plus importants sur l’économie européenne. Néanmoins, en 2030, l’Europe consommera probablement non seulement plus de nucléaire mais également plus de gaz qu’aujourd’hui. Face à cette situation, l’Europe, ne possédant que des réserves propres limitées, dispose toutefois d’un avantage étant située à une distance de 3 000 kilomètres ou moins de deux-tiers des réserves de gaz mondiales (voir le graphique ci-dessous). Ce n’est pas un détail négligeable. Il signifie que l’Europe peut dépendre d’un ensemble de fournisseurs diversifiés par tuyau en sus des quantités croissantes des livraisons de GNL.
En 2007, les importations totales de gaz des 27 pays membres de l’Union européenne étaient de 307 milliards de mètres cubes, soit environ 60 % de la consommation totale. Les principaux pays fournisseurs étaient la Russie (40 % des importations totales), la Norvège (28 %) et l’Algérie (11 %). Le secteur le plus dynamique du marché de gaz est pourtant constitué par les échanges mondiaux de GNL, qui constituent déjà 15 % des importations et continuent à monter rapidement. On estime actuellement que les importations européennes de GNL augmenteront annuellement de 7,5 %, comparées aux 5,1 % de; importations par tuyaux et aux 2,1 % d de la consommation. Le commerce global de GNL sera alimenté par le champ géant « North Dome » du Qatar estimé à environ 900 trillions mètres cubes et qui constitue ainsi, à lui seul, 14 % des réserves de gaz mondiales.
Le partenaire commercial le plus important de l’Europe sur le marché du gaz reste cependant la Russie qui assure un quart de sa consommation totale de gaz. Alors que la Russie a été un fournisseur d’hydrocarbures fiable pendant des décennies, trois récents épisodes ont ébranlé cette image. En hiver 2005-2006, le conflit entre l’Ukraine et la Russie sur des tarifs de gaz a légèrement réduit les approvisionnements européens pendant plusieurs jours. L’événement a ébranlé à un niveau symbolique plutôt qu’à un niveau économique, menant seulement à un déficit mineur de 100 de millions de tonnes, ce qui correspond à une différence de la demande suite à un changement de
température de 2 degrés de Celsius pendant un seul jour (Ladoucette, 2006. p. 4). Un conflit semblable avec la Biélorussie au sujet de l’oléo- iuc de Drushba un an après n’a pourtant rien fait pour arranger la situation. Finalement, l’interruption de presque deux semaines des livraisons ukrainiennes en hiver 2008-2009 a définitivement interpellé les responsables européens de se saisir de ce dossier.
D’autres problèmes se posent. Parmi eux se trouvent le développement rapide du contexte international y compris la montée du GNL, .a coordination envisagée entre la Russie et d’autres pays exportateurs, le potentiel limité de la Russie d’augmenter ses exportations face à la croissance de sa demande intérieure ainsi que le potentiel du marché asiatique pour les exportations russes. En dépit d’un certain nombre de malentendus et de sommets bilatéraux sans percée importante en 2007 et en 2008, l’Europe et la Russie font des efforts pour établir des relations énergétiques sur des bases solides. Trois nouveaux groupes de travail ont ainsi été créés pour développer une vision commune sur (a) des stratégies d’énergie, des prévisions et des scénarios, b) des développements du marché et (c) l’efficacité énergétique.
D’autre côté, il ne faut pas surestimer la dépendance de l’Europe à l’égard du gaz russe, il ne faut pas ignorer le fait que les 121 milliards de mètres cubes que la Russie a exportés en 2007 vers l’Europe ont constitué plus de 80 % des exportations totales de la Russie de 148 milliards de mètres cubes. En outre, ils présentent de loin la partie la plus profitable de l’énorme production annuelle de la Russie de 607 milliards de mètres cubes alimentés par une consommation intérieure subventionnée des prix d’environ un quart des prix mondiaux. On estime ainsi que les exportations de gaz vers l’Europe constituent 70 % des revenus de Gazprom (Finon et Locatelli, ). Le vieil adage que la dépendance implique l’interdépendance n’est nulle part plus vrai que dans les échanges de gaz entre la Russie et l’Union européenne.
Le marché du gaz fait également partie de la toile de fond de la nouvelle initiative française de créer une Union des pays méditerranéens. L’Algérie et la Libye sont ainsi des fournisseurs essentiels (et l’Egypte espère les joindre bientôt), les pays méditerranéens tels que la Turquie, la Grèce ou la Croatie sont également les pays hôtes des gazoducs prévus à transporter le gaz de la Russie méridionale, de l’Asie centrale, de la mer Caspienne, d’Iran, d’Irak ou même du Qatar. Ce sont des questions politiquement sensibles. Cette sensibilité est parfaitement mise en évidence par les deux projets concurrents de gazoduc conçus pour apporter du gaz par l’Europe du Sud-Est vers l’Europe centrale et occidentale (voir la carte ci-dessus). S’affrontent ainsi le projet Nabucco, soutenu par le Commission européen, et le projet South Stream, soutenu par la Russie. Vu qu’à la fin un seul tuyau pourra profitablement transporter du gaz dans ce couloir, on espère que la raison régnera, peut-être sous la forme d’un projet commun avec deux tronçons d’approvisionnement.
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