Le marché de l'électricité
Le marché de l’électricité
Le secteur de l’électricité est le plus grand consommateur d’énergie de l’économie européenne. C’est également ici que la croissance de la demande de gaz est la plus rapide. Etant donné l’inélasticité historique de la demande énergétique dans le secteur des transports, toute impulsion pour un réel changement structurel dans le secteur de l’énergie de l’Europe doit venir du secteur de production d’électricité. Le charbon et le nucléaire représentent chacun 31 % de la production totale d’électricité, le gaz 19 %, l’énergie hydraulique 10 %, les énergies renouvelables 5 % et le pétrole 4 %. Selon le scénario de référence de tendance de l’AIE. le gaz et les énergies renouvelables se développeront plus rapidement que les autres avec une croissance de 3 % et 6 % par an respectivement (sur un marché qui n’augmente que de 1 % par an) pour atteindre 32 % et 19 % respectivement en 2030. Les parts du charbon et du nucléaire par contre diminueront. Des prix plus élevés du gaz et de l’électricité (pas seulement à cause du prix des permis d’émissions de C02) combinés avec une amélioration de l’efficacité de l’électricité pourraient encore faire baisser les prévisions de croissance du marché de l’électricité.
La production électrique à base de charbon, en particulier la construction de nouvelles centrales, diminuera avec les prix croissants des émissions de C02. Comme déjà mentionné, la part de l’énergie nucléaire pourrait encore augmenter au-delà des prévisions. Cependant, en l’absence de la confirmation d’une renaissance nucléaire, le gaz demeure le combustible de choix face à l’enthousiasme de la Commission européenne pour une libéralisation toujours plus complète du marché de l’électricité. Alors que la libéralisation des marchés de L’électricité était censée améliorer l’efficacité et la compétitivité des marchés de l’électricité européens, elle a également été à l’origine volatilité plus forte des prix et d’une grande incertitude réglementaire. Dans certains cas, par exemple sur la question des contrats à cours terme, la Commission semble également être guidée plus par la conférence théorique de son approche plutôt que par les réalités d’un acteur où les producteurs ont besoin d’une bonne visibilité et d’un cadre stable pour investir pour le long terme.
Le secteur de l’électricité en Europe est ainsi sous tension. Il oppose l’industrie électrique à la Commission européenne et aux gouvernements, producteurs aux consommateurs, et libéralisantes aux défendeurs d’une implication continue des gouvernements. Entre-temps les nouvelles instances régulatrices, censées d’arbitrer entre les positions divergentes n’ont pas toujours acquis la légitimité nécessaire pour peser somment dans les débats. Cela aboutit à une grande incertitude et manque d’investissements. L’Europe a ainsi connu un nombre croissait de pannes d’électricité – en France (1999), à Londres (2003), au Zenemark et en Suède (2003), en Italie (2003), en Grèce (2004), en Espagne ’2004), en Allemagne (2004) et en Europe occidentale (2006) . Ceci s’explique. Certes, parfois, des incidents techniques ont été les déclencheurs des pannes, mais le fait est que la demande i électricité surpasse de plus en plus l’approvisionnement sur les marchés européens. De façon générale, la marge de capacité moyenne en Europe était de 4,8 % en 2005, en baisse sensible comparée au niveau déjà bas de 5,8 % en 2004 . Il est évident alors que les prix de l’électricité ont fortement augmenté ces dernières années par environ d’un tiers chaque année ans depuis 2002), une tendance renforcée en janvier 2005 par l’introduction du système européen pour des émissions de C02 commerçant l’ETS (voir la figure ci-dessous).
Il y a d’autres facteurs qui affectent le marché européen de l’électricité. Les investissements allemands de plus de 20 GW dans l’énergie éolienne et la sous-capacité chronique en Italie ont conduit à des flux l’électricité nord-sud massifs depuis 2004 avec des impacts sur la sécurité des approvisionnements en électricité (voir Keppler, 2005). Les deux questions clés pour la sécurité des approvisionnements dans le secteur de l’électricité sont pourtant celles de l’énergie nucléaire et du financement des investissements. Il n’est pas évident de savoir comment l’Europe trouvera des fonds pour des investissements à hauteur de 1 400 milliards d’euros jusqu’en 2030 dans le secteur de l’électricité, dont trois quarts dans la capacité de production (scénario de base de la Direction Générale des transports et l’énergie de la Commission européenne, DG TREN). Les conditions actuelles du marché incitent les acteurs à retarder plutôt qu’à promouvoir les investissements, et cela pour deux raisons. D’abord, la volatilité des prix augment le taux de rendement demandé par les investisseurs qui hésitent à s’y lancer. Ensuite, face à une demande inélastique, les producteurs ont tout intérêt à créer une sous-capacité structurelle en refusant d’investir. Des coûts fixes importants, les conditions d’accès aux réseaux, le savoir-faire technique et financier exigé par des marchés modernes de l’électricité constituent des barrières à l’entrée importantes pour de nouveaux entrants. En l’absence d’un régulateur européen compétent et crédible, il y a peu de chance que la situation évolue rapidement.
La situation est encore plus compliquée pour des investissements consacrés à l’énergie nucléaire et ceci en dépit des perspectives les plus favorables pour le nucléaire depuis 25 ans. Dans un monde sous une contrainte carbone, dans lequel les pays européens se sont engagés à atteindre leurs objectifs de Kyoto (une réduction de 8 % en dessous du niveau d’émissions 1990 d’ici 2012 et une réduction de 20 % d’ici 2020), une augmentation de la production d’électricité à base de charbon en l’absence de la capture et du stockage de carbone n’est pas une option viable. La seule vraie alternative reste la production d’énergie nucléaire, les énergies renouvelables ayant un rôle important mais non décisif dans ce contexte. Par contre, après une augmentation ininterrompue depuis plus de 40 années, l’énergie nucléaire a commencé à baisser depuis 2006 principalement dû au début de la suppression de l’énergie nucléaire en Allemagne et les taux d’utilisation bas en France et en Royaume-Uni . Un certain nombre de facteurs positifs, cependant, devrait favoriser les perspectives à moyen terme de l’énergie nucléaire :
• la montée du prix du gaz et les conflits russo-ukrainiennes ont intensifié les craintes sur la sécurité des approvisionnements et rendent le nucléaire plus compétitif ;
• les énergies renouvelables sont encore trop chères pour devenir une alternative crédible, alors que l’énergie nucléaire économise plus de 300 millions de tonnes de C02 (8 % de toutes les émissions de l’Union européenne) ; l’adhérence de l’Union au protocole de Kyoto limite le potentiel du charbon ;
• la décision de la compagnie finlandaise TVO de financer un nouveau réacteur démontre que le nucléaire peut être compétitif avec une gestion innovatrice de risques économiques ; la France construit également un nouveau EPR en collaboration avec plusieurs partenaires européens ;
• la demande électrique croissante de la Chine (ainsi que celle de l’Inde) crée des opportunités pour les exportations de technologie nucléaire ; tandis qu’aux États-Unis le « Energy Bill » de 2005 prévoit des subventions à hauteur de 2,5 cents par kWh pour de nouvelles centrales nucléaires ainsi qu’une simplification des procédures régulatrices ;
• il existe un plus grand réalisme et moins d’émotivité dans le débat européen sur l’énergie nucléaire ; les sondages montrent que même dans les pays qui se sont engagés de sortir progressivement du nucléaire, comme l’Allemagne et la Suède, la situation évolue vu qu’une majorité des populations a maintenant une vue favorable de l’énergie nucléaire.
L’obstacle majeur à la construction de nouvelles centrales nucléaires reste toutefois le risque d’investissement dû à des coûts fixes élevés et des périodes d’amortissement très longues. Ceci pénalise fortement l’énergie nucléaire aux yeux d’investisseurs privés n’aimant pas les risques et qui, de surcroît, doivent faire face à des prix volatils sur les marchés libéralisés de l’électricité. La figure ci-dessous met en évidence cet enjeu essentiel pour la compétitivité du nucléaire. De gauche à droite, la certitude de prix élevés stables de l’électricité diminue (ici estimé à 50 euros par MWh) avec une plus grande probabilité de prix bas, estimés ici à 17 euros par MWh, égaux au coût marginal de l’énergie nucléaire. Dès que la probabilité d’un scénario à prix bas dépasse les 25 %, le gaz devient le carburant de choix des investisseurs même si les deux technologies sont profitables et même si l’énergie nucléaire reste l’option la moins chère en termes de coûts moyens par MWh sur la durée de vie d’une centrale.
Comment cela est-ce possible ? Il est important de comprendre que les technologies à bas coûts fixes telles que le gaz, où les coûts d’investissement en capital fixe représentent seulement 30 % des coûts totaux sur la durée de vie, possèdent une option qui permet à l’investisseur de sortir du marché si les prix chutent au-dessous d’un certain seuil. Il perdu un peu d’argent mais surtout en sortant il économise beaucoup de coûts variables. L’énergie nucléaire, où les coûts d’investissement sont à hauteur de 70 % de coûts totaux sur la durée vie, ne possède pas cette option. En cas de chute des prix, l’investisseur reste coincé. Il continuera, certes, à produire, mais sans l’espoir de récupérer un jour son argent.
Cependant, le graphique montre également qu’un prix stable du carbone (ici 15 euros par tonne de C02) fera toujours de l’énergie nucléaire l’option préférée des investisseurs privés. Il est évident qu’un tel prix de carbone devrait être imposé aux émissions de CO- pendant toute l’existence de l’usine (jusqu’à 60 ans). La rentabilité de l’énergie nucléaire dépend ainsi de deux conditions cruciales :
a. l’existence des contrats à long terme où des consortiums réunissant producteurs et consommateurs (l’option choisie en Finlande et actuellement explorée en France et en Belgique) qui atténuent ou éliminent le risque des prix ;
b. une certitude en ce qui concerne un prix significatif pour le; émissions de carbone.
Finalement, le problème des déchets nucléaires doit être résolu k un niveau européen. Une collaboration avec la Russie qui possède le; conditions géographiques et géologiques nécessaires pour l’évacuation des déchets pourrait s’avérer une proposition avantageuse pour les deux parties.
Étantdonné que ces conditions ne se matérialiseront pas dans l’immédiat (même si les prix de carbone de la seconde période on: frôlé les 30 euros… pour retomber à 8 euros ce qui ne donne pas assez de visibilité sur la vie d’une centrale nucléaire), le secteur européen de l’électricité continuera à poser des sérieux défis aux décideur; européens. Vouloir améliorer la sécurité des approvisionnements et augmenter la qualité environnementale signifiera très probablement des prix plus élevés, en particulier si le problème du sous-investissement en capacités de production n’est pas adressé.
Vidéo: Le marché de l’électricité
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