À la recherche du niveau de sélection : La contribution génétiques des individus
La contribution génétiques des individus
Une excellente étude menée sur l’Accenteur mouchet Prunella modularis en Grande- Bretagne par N.B. Davies (1992) permet de comprendre comment agit la sélection naturelle. On observe chez cette espèce de passereau plusieurs types de comportements territoriaux . A côté de mâles qui occupent un territoire avec une femelle, on trouve des mâles qui cohabitent à deux sur le même temtoire avec une femelle (polyandrie), des femelles qui cohabitent à deux sur le même territoire avec un mâle (polygynie), et d’autres cas plus rares illustrés par le document.
Dans le cas où deux mâles cohabitent, un mâle dit a est dominant. Il surveille la femelle et chasse l’autre mâle dit p lorsqu’il s’approche d’elle durant la période qui précède la ponte afin de l’empêcher de s’accoupler avec elle. Mais chaque mâle cherche en fait à diminuer la fréquence de copulation de l’autre en perturbant les accouplements. Cependant, si le mâle P cherche également à copuler avec la femelle, celle-ci l’incite à le faire. Pour faciliter un accouplement avec lui, elle cherche au maximum à se soustraire à la surveillance du mâle dominant. De plus, les œufs sont fécondés 24 h avant la ponte. Or, on constate que la surveillance de la femelle par le mâle a et les tentatives d’accouplement augmentent juste avant la ponte. Les interactions entre les deux mâles sont alors très fréquentes.
Un comportement curieux a été noté par Davies. Avant une copulation le mâle picore le cloaque de la femelle jusqu’à l’expulsion du sperme de la copulation précédente. Il est ainsi « sûr » que ce sont ses spermatozoïdes qui vont féconder les gamètes de la femelle. On constate qu’à partir du moment où un mâle a copulé avec une femelle il nourrit les poussins, que ce soient les siens ou pas. Les recherches de paternité faites par empreinte d’ADN montrent que les mâles ne reconnaissent pas leurs descendants au sein d’une couvée. Un mâle nourrit donc les poussins d’une femelle s’il s’est accouplé avec elle mais sans pouvoir vérifier si ces poussins portent ou non ses gènes. Davies a montré que le poids des poussins est plus élevé s’ils sont nourris par trois adultes au lieu de deux. C’est ce que montre le tableau ci-dessous (d’après Davies 1992).
l’âge de six jours se sont envolés et ont été contactés volant. Par contre, pour les poussins pesant moins de 10 grammes, cette proportion est inférieure ou égale à 20%.
Enfin, si un mâle P n’a pas copulé avec la femelle et que celle-ci couve, il la dérange pendant l’incubation et il peut même tuer les poussins qui ne sont donc pas les siens. Il s’ensuit une fréquence élevée d’échecs de la reproduction quand seul le mâle dominant a copulé dans un couple polyandre.
Que retenir de tout ceci ? L’intérêt sélectif de la femelle, c’est-à-dire ce qui augmente sa contribution génétique à la génération suivante, c’est d’avoir plusieurs mâles nourrissant ses jeunes car ceci augmente la probabilité de survie des poussins et donc la probabilité de transmission de ses gènes. Un mâle en polyandrie a intérêt a copuler le plus souvent possible et à être le dernier à copuler de façon à être sûr que les poussins portent ses gènes. Mais une fois qu’il a copulé, la probabilité que les poussins portent ses gènes est élevée. D’un point de vue sélectif, il a alors intérêt à les nourrir. Par contre, s’il n’a pas copulé, les poussins ne sont pas ses descendants. S’il fait échouer l’incubation, ou s’il tue les poussins, il oblige la femelle à se reproduire à nouveau et il augmente sa probabilité de transmettre ses gènes car cela lui offre une nouvelle chance de participer à la reproduction. C’est un exemple de conflit entre les sexes et ce conflit est dicté par une pression : l’individu doit transmettre le maximum de gènes à la génération suivante.
Pourquoi des systèmes différents (polygynie, polyandrie) existent-ils chez l’accenteur mouchet ? Les travaux de Davies montrent que la polyandrie est favorable à la transmission des gènes des femelles car celles-ci auront plusieurs mâles pour nourrir leurs poussins qui porteront tous leurs gènes. Ce système est favorisé en cas d’excès de mâles dans la population, de territoires avec beaucoup de végétation qui permettent à la femelle d’échapper à la surveillance du mâle dominant et si la femelle est appariée avec deux mâles aux capacités équivalentes. La polygynie est par contre favorable à la transmission des gènes mâles car un mâle a alors plusieurs femelles qui toutes transmettent exclusivement ses gènes à lui. Ce système est favorisé par la capacité du mâle à défendre un grand territoire (donc par son âge) et par sa familiarité avec le territoire. Si chaque individu cherche à maximiser sa contribution génétique à la génération suivante en fonction de son âge et de la structure de la population, c’est que justement la sélection naturelle va favoriser ce qui augmente la contribution génétique de l’individu à la génération suivante. Ce qui compte c’est la proportion des gènes transmis. Cette sélection n’est pas dictée par une quelconque survie de l’espèce. C’est ainsi que l’on explique que chez les Odonates le mâle, avant de féconder une femelle, la débarrasse d’abord des gamètes mâles qu’elle pourrait avoir reçus d’un autre mâle. Le comportement des lions mâles qui tuent tous les lionceaux lorsqu’ils prennent le contrôle d’un groupe de femelles en éliminant un mâle dominant vieillissant résulte des mêmes pressions de sélection. Cette guerre des sexes montre que l’action de la sélection n’a pas obligatoirement pour conséquence la survie de l’espèce. A partir du moment ou un caractère augmente la probabilité de transmission d’un gène il sera sélectionné .
Un autre exemple permettant d’illustrer des stratégies de reproduction manifestement sélectionnées pour augmenter la contribution génétique de l’individu, concerne le comportement des oiseaux face à un danger menaçant leur nichée. Chez les petits passereaux, la fécondité des adultes est élevée.
Par contre, la maturité sexuelle est précoce (les oiseaux se reproduisent normalement dès leur premier printemps) et la survie des adultes est faible (une mésange dépasse rarement l’âge de 2 à 3 ans). On constate que si un nid de mésanges est découvert par l’homme, qui manipule les poussins pour les baguer voire capture les adultes pour les baguer eux aussi, le couple n’abandonne pas la nichée. Les adultes reviennent nourrir les poussins, mettant ainsi en péril leur survie. Or, chez ces espèces, ce qui est important pour la survie « de l’espèce » ou plutôt des gènes, c’est la survie des poussins, pas tellement celle des adultes. Par contre, des grands rapaces comme les aigles ou les gypaètes, dont la maturité sexuelle est tardive, qui ne se reproduisent pas tous les ans, qui ont une fécondité faible (un œuf en général) mais une survie adulte élevée (jusqu’à 20 ou 30 ans en captivité) abandonnent presque systématiquement un nid dont l’homme s’approche, même s’il contient des œufs, voire des poussins. Or d’un point de vue sélectif, ce qui est important ici, c’est que les adultes survivent.
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