Antilopes
Des ruminants carnivores
A cause de leur taille relativement petite, les céphalophes ont besoin d’une nourriture riche. Ils consomment des feuilles, des fruits, des pousses, des bourgeons, des graines et des écorces. Ils mangent à l’occasion des termites et même des charognes, chassent parfois à l’affût et capturent de petits oiseaux et des rongeurs, qu’ils assomment avec leurs pattes antérieures. Ils décapitent ensuite leurs victimes, sucent leur sang et consomment leurs entrailles.
Comme la plupart des herbivores forestiers, les céphalophes vivent seuls ou par couples. Certains sont strictement monogames, ce qui est relativement rare chez les mammifères : les couples restent unis toute leur vie et défendent leur territoire contre les autres membres de la même espèce. La sécrétion des glandes préorbitaires sert au marquage territorial et social ; les céphalophes pressent ces glandes contre les arbres ou contre leurs congénères. Après sept à huit mois de gestation, les céphalophes ont un seul petit, qui, pendant les premières semaines de son existence, reste caché dans la végétation. Les jeunes céphalophes quittent leurs parents au cours de leur deuxième année. Ils essaient alors de s’accoupler et d’établir leur propre territoire. Leur longévité est d’environ quinze ans.
Les néotraginés
Ces antilopes, toutes africaines, de la taille d’un lièvre à celle d’un chevreuil, constituent un groupe beaucoup moins homogène que celui des céphalophes. On y trouve des formes adaptées à la forêt, mais aussi des formes fréquentant les
milieux ouverts, tel l’ourébi, ou arides, tels les dikdiks. Elles ont en commun une silhouette élégante, avec des pattes très fines, et un dimorphisme sexuel accusé : les femelles sont toujours dépourvues de cornes, et, au contraire de ce que l’on observe chez la plupart des bovidés, elles sont plus grosses que les mâles. Les glandes odoriférantes sont toujours particulièrement développées et bien visibles.
Comme les céphalophinés, les néotraginés sont fréquemment territoriaux et monogames. Pour délimiter et maintenir leur territoire, et marquer les femelles, les mâles utilisent les sécrétions de leurs glandes odoriférantes. Celle des glandes préorbitaires est déposée à intervalles réguliers sur les mêmes tiges, où elle forme une masse gluante. De même, ils se servent de leurs glandes pédieuses pour marquer leur passage sur les sentiers et repérer leurs itinéraires. Fèces et urines, déposés par les deux sexes sur des sites particuliers, délimitent également les territoires. Pour déféquer, les mâles de certaines espèces s’accroupissent. Lorsqu’’une femelle a déféqué, le mâle vient renifler et défèque à son tour.
Une grande diversité dans les adaptations
Comme les bovidés primitifs, les néotraginés sont, à l’origine, des habitants de la forêt. Ils en ont gardé l’habitude de se nourrir de feuilles; ce sont des brouteurs, à l’exception de l’ourébi, le seul du groupe qui paisse véritablement. Ils ont également conservé, même chez les espèces vivant dans des milieux relativement ouverts, l’habitude de s’immobiliser en cas de danger et d’essayer de se camoufler, alors que les habitants typiques des savanes cherchent toujours leur salut dans le déclenchement rapide de la fuite. Si le danger vient à se rapprocher, ils s’enfuient, mais pour s’arrêter peu après, s’ils ne sont pas poursuivis. Leur fuite est accompagnée d’un sifflement bruyant, que l’on connaît également chez les céphalophes.
La réduction de la surface forestière, depuis la fin du tertiaire, a contraint certaines espèces à s’adapter à des milieux plus ouverts, d’autres à se spécialiser dans un type d’alimentation particulier, et a entraîné, chez les formes restées en forêt, une diminution importante de la taille. Les curieux oréotrague et beira, qui ont colonisé les habitats rocheux des collines et des montagnes de l’Afrique de l’Est, ont développé des convergences avec les caprins sauvages : les cornes droites et parallèles, le corps ramassé, assez haut sur pattes, le poil épais, serré, rude et long, l’arrière- train surélevé, leur donnent une silhouette qui évoque à la fois celle du chevreuil et celle du chamois. Chez l’oréotrague, de plus, les sabots principaux, comprimés latéralement, peuvent s’écarter largement; ils marchent sur l’extrême pointe des . doigts et, au repos, rassemblent sous eux leurs membres comme le font aussi les chèvres.
Le refroidissement du sang
Les dik-diks sont des animaux adaptés aux régions sèches. Leur nez et leur lèvre supérieure sont allongés en forme de trompe, leur donnant un peu le profil d’un tapir. Cette extrémité est très mobile et l’animal peut l’orienter en tout sens. On considère cette adaptation comme un mécanisme permettant d’abaisser la chaleur corporelle : dans les muqueuses richement irriguées de leur -trompe», le sang est rafraîchi par le courant d’air respiratoire. En cas de forte chaleur, le processus est accéléré par un halètement de l’animal, analogue à celui que l’on peut observer chez les chiens dans les mêmes circonstances.
Les minuscules néotragues sont les plus forestiers. Ils sont nocturnes et discrets. On les. rencontre souvent aux abords des villages africains, car ils apprécient les zones de repousse qui se forment à l’emplacement des anciennes plantations. Au Gabon, le néotrague de Bâtes (Neotragus batesi) se promène la nuit en toute impunité au milieu des maisons, protégé des humains par une croyance locale. Lorsque ces animaux sont capturés, lors de chasses au filet, le stress provoque chez eux une crise d’excitation, accompagnée de convulsions et de bavement, qui évoque une crise d’épilepsie. Les indigènes, persuadés que, en mangeant de cette antilope, ils courent le risque d’être victimes de crises semblables, ne la chassent pas.