Antimatière : les Joliot
Les Joliot
Lorsque Frédéric et Irène Joliot apprirent la découverte du positon, ils comprirent immédiatement l’origine des traces mystérieuses qu’ils enregistraient chaque jour à l’aide de leur chambre de Wilson. Il s’agissait d’électrons positifs. Les deux physiciens parisiens ne s’attardèrent pas en vains regrets. Ils n’avaient pas découvert ces nouvelles particules, soit, mais il leur restait à expliquer pourquoi ils en observaient dans leur détecteur.
En utilisant divers émetteurs de rayonnements gamma, dont des sources de thallium 208 (qui appartient à la famille radioactive du thorium), ils montrèrent que des positons pouvaient bien être « matérialisés » partir de ces rayonnements, lorsque leur énergie dépassait 1,02 MeV. La création simultanée d’électron était plus difficile à mettre eh évidence. En effet, ce phénomène de « matérialisation » se produisait le plus souvent au niveau de la matière constituant l’enceinte de la chambre, et généralement une seule des deux particules créées, l’électron ou le positon était observé, l’autre s’échappant vers l’extérieur. Les époux Joliot parvinrent néanmoins à photographier plusieurs événements faisant apparaître les deux trajectoires incurvées en sens inverse qui signaient la présence de cette paire. Dans de très rares cas, ce type d’événement prenait naissance dans le gaz, au cœur même de la chambre. Plus tard, des images plus spectaculaires, furent obtenues en utilisant des photons de haute énergie du rayonnement cosmique.
Ainsi, après la découverte du positon par Anderson, l’observation expérimentale de la création de paires constituait un second succès pour la théorie de Dirac. Divers groupes de physiciens mirent en lumière d’autres éléments en sa faveur. Mais en 1933, c’est Frédéric Joliot lui-même qui lui apporta, en quelque sorte, sa consécration, en mettant en évidence le phénomène d’annihilation des positons avec émission de deux rayonnements gamma à 180° l’un de l’autre.
Enfin, en 1955, le premier antiproton fut observé à Berkeley par Owen Chamberlain et Emilio Segrè. L’antimatière n’était plus un mythe. On avait la possibilité potentielle de créer des atomes d’anti-hydrogène en liant un positon à un antiproton. Cela fut fait en 1995 au Centre européen de recherches nucléaires (CERN), et quelques années plus tard, en 2001 et 2002, des dizaines de milliers d’atomes d’anti hydrogène furent conservés pendant des heures dans une étrange bouteille magnétique… Mais ceci est une autre histoire !
Quant aux Joliot, ils avaient transformé un demi-échec en une semi-victoire. Ils restaient à l’extrême pointe de la recherche internationale en étant parmi les premiers à étudier ces phénomènes nouveaux que l’existence du positon avait révélés.
Ils n’en avaient d’ailleurs plus pour longtemps à devoir se contenter de ce magnifique « second rôle ».
Vidéo : Antimatière : les Joliot
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