Aspects du fonctionnement des aquifères
On distingue deux grands types d’écoulements dans les aquifères, correspondant aux deux grands types de porosité : les milieux poreux et les milieux fissurés.
Un milieu poreux continu est dit isotrope si les conditions de l’écoulement sont identiques dans toutes les directions (anisotrope dans le cas contraire). Il est dit homogène si les conditions de l’écoulement sont identiques dans le sens de l’écoulement (contraire: hétérogène). En général, dans les bassins sédimentaires et dans les formations superficielles, les aquifères sont souvent homogènes (perméabilité horizontale homogène), du fait même des conditions de mise en place des formations.
Dans les milieux fissurés, l’écoulement se fait en fonction de la disposition de fissures par rapport à la piézométrie. Ils sont, la plupart du temps, moins perméables que les milieux poreux, mais le cas des calcaires est très différent : les fissures s’élargissent par dissolution des carbonates jusqu’à organiser de véritables réseaux hydrographiques souterrains, compliqués d’étranglements et de siphons, avec des vitesses de circulation beaucoup plus élevées : c’est le karst. Néanmoins, les affleurements calcaires sont souvent assimilés à des milieux poreux, en raison de la fracturation intense et du fait du développement très hétérogène et limité du karst.
L’écoulement en milieu poreux : la loi de Darcy
En 1856, le chevalier Henri Darcy, cherchant à énoncer les lois régissant l’écoulement des fontaines de Dijon, a élaboré un dispositif expérimental pour reproduire les conditions de l’écoulement de l’eau sous la surface du sol. Son appareil était constitué d’une colonne remplie de sable, à travers lequel circulait verticalement un débit d’eau sous une charge hydraulique constante. En faisant varier la charge (Ah), la section de la colonne de sable (A), sa longueur (L) et la composition granulométrique du sable, il a pu établir que le débit sortant de la colonne était fonction de ces grandeurs.
A la base de la colonne, l’eau est à la pression atmosphérique, l’écoulement est libre, juste soumis à la gravité : c’est une surface libre et la charge h2 est égale à l’altitude z2. La charge à l’entrée de la colonne de sable {h,) est déterminée par le niveau dans le réservoir (h1 = h0 = z0). La perte en charge (AÆ = h() – h2), entre l’entrée et la sortie de la colonne de sable, est produite par tout ce qui s’oppose à l’écoulement libre de l’eau : sa propre viscosité, les forces d’attraction sur la paroi des pores du sol, etc. Le débit est en définitive déterminé par la perte de charge par unité de longueur (Ah/L, soit le gradient hydraulique, c’est-à-dire la pente de la surface piézométrique, i = Ah/L), à l’aide d’un coefficient de proportionnalité appelé coefficient de perméabilité (K) : Q_= KAi.
Les conditions de l’écoulement: conditions aux limites
Une nappe est un volume d’eau en mouvement, s’écoulant depuis les entrées vers les sorties du système aquifère, c’est-à-dire des zones d’alimentation vers les exutoires. Cette représentation simple est cependant compliquée par les nombreux contacts possibles entre la nappe et les eaux de surface et même entre aquifères.
Les nappes, y compris leurs parties captives, sont alimentées par les précipitations dans les zones d’affleurement de la formation géologique aquifère (zones de recharge ou d’alimentation). Dans un aquifère à nappe libre, l’alimentation peut se faire par la totalité de sa superficie, excepté toutefois aux exutoires, où les flux se font vers la surface. On notera que zone d’alimentation n’est pas synonyme de bassin d’alimentation : un aquifère peut avoir un bassin d’alimentation dépassant de beaucoup l’extension spatiale de ses affleurements. Ce cas de figure, très fréquent, explique par exemple la permanence de la réserve hydrologique dans des régions de faible pluviosité : ainsi, dans la cuvette d’Agadez (Niger), l’eau ruisselle sur les versants très peu végétalisés et s’infiltre dans le fond de la cuvette, réalimentant la nappe d’un aquifère limité à cet espace.
Les sources, à la fois secrètes et pittoresques, au charme un peu magique, sont des exutoires ponctuels qui apparaissent, en général, dans les points bas ou sur les versants. Dans les points bas, ce sont des sources d’émergence ; sur les versants, elles jalonnent l’affleurement du substratum d’un aquifère (sources de déversement ou de trop-plein), éventuellement de son toit (sources de débordement): cette disposition est appelée ligne de sources. Les émergences de nappe peuvent être diffuses : la surface de contact sur les versants est appelée surface de suintement. Elles apparaissent parfois à la faveur de conditions géologiques plus complexes (failles, volcanisme, etc.).
Les plans d’eau libre, et notamment le réseau hydrographique, constituent les drains naturels des nappes libres. A la différence des sources situées dans les points bas, l’émergence de la nappe dans le lit des cours d’eau se fait de façon diffuse, en raison notamment du colmatage du lit par les particules fines auquel participe la végétation aquatique.
Aux limites de l’aquifère, l’écoulement dépend de conditions particulières, les « conditions aux limites » :
– Limites à flux nul (ou étanches). Il s’agit des limites géologiques de l’aquifère, fixes, au contact des formations imperméables.
-Limites à flux imposés (ou à conditions de débit). Elles concernent les limites de l’aquifère par où s’effectuent les écoulements, entrant ou sortant, (contact avec un autre aquifère ou avec un plan d’eau par exemple). Un cas particulier de débit entrant ou sortant de l’aquifère peut se produire lorsque deux aquifères sont disposés l’un au- dessus de l’autre, séparés par une formation géologique à très faible perméabilité (un semi-perméable) : la différence de charge entre les deux nappes peut entraîner une très lente migration verticale (ascendante ou descendante) de quantités d’eau non négligeables à travers le niveau imperméable qui les sépare : cette fuite, dont le débit peut être estimé par la loi de Darcy, est appelée drainance.
– Limites à potentiel imposé : ce sont les cotes piézométriques imposées à la surface de la nappe par la présence de lignes de sources, de plans d’eau libre en contact hydraulique avec la nappe, etc. Les relations nappe-rivière sont l’illustration des limites à potentiel imposé : la surface piézométrique d’une nappe se raccorde au niveau d’un cours d’eau avec lequel elle est en contact hydraulique. En règle générale, la rivière draine la nappe. Cependant, localement (par exemple, dans la partie amont d’un aquifère alluvial situé dans un élargissement de vallée) ou temporairement (lors d etiages de nappe, ou au contraire de crues du cours d’eau), le niveau de la rivière peut être plus haut que celui de la nappe, inversant ainsi le gradient hydraulique et le sens de l’écoulement qui se fait alors de la rivière vers la nappe. Si le colmatage du lit interdit le contact hydraulique et, partant, la condition de potentiel imposé, le cours d’eau est alors dit indépendant et la baisse de la surface piézométrique le met en situation perchée au-dessus de la nappe.
Vidéo : Aspects du fonctionnement des aquifères
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