La latéralisation fonctionnelle des hémisphères cérébraux
Les hémisphères cérébraux
En dépit de sa construction bilatérale, l’Homme n’affronte pas le monde dans un plan de symétrie frontale. Il a ses préférences pour une main, un pied, un oeil ; une ambidextrie parfaite, si elle existe, semble presque une anomalie.
A première vue, les deux hémisphères cérébraux sont parfaitement symétriques, comme la plupart des organes. On pourrait donc s’attendre à ce que les deux moitiés du cerveau aient des fonctions équivalentes, comme les deux reins ou les deux poumons. En réalité, plusieurs fonctions et parmi les plus spécialisées appartiennent exclusivement à l’un ou à l’autre des deux hémisphères. Dès la fin du siècle dernier, Broca établit que la préférence manuelle droite est associée à une représentation corticale du langage articulé sur l’hémisphère gauche.
Le langage appartient à l’écorce cérébrale de l’hémisphère gauche chez le sujet droitier. L’altération de cette fonction constitue l’aphasie.
Quand on entend un mot, le son est d’abord capté dans l’écorce auditive primaire et transmis à l’aire adjacente de Wernicke où il est compris. Quand un mot est lu de l’écorce primaire visuelle, il est transmis dans unerégion du lobe pariétal gauche appelée pli courbe où il est compris ; son atteinte détermine une alexie.
Le langage parlé dépend de la zone de Broca située à la partie postérieure de la face externe de la 3e circonvolution frontale ; son atteinte perturbe l’articulation verbale ; c’est l’anarthrie. Les mots sont mal prononcés. Le langage parlé peut aussi être perturbé au niveau de sa programmation : c’est d’abord un manque de mots.
Les fonctions supérieures ont été attribuées à l’hémisphère gauche ; il en est résulté la conception de l’existence d’un hémisphère majeur dominant et d’un hémisphère mineur dominé. Au début du siècle, on considérait que la prévalence de l’hémisphère gauche pour le langage impliquait sa dominance dans toutes les fonctions symboliques. On a découvert depuis que l’hémisphère droit a lui aussi une spécialisation : l’appréhension de l’espace et des formes. La contribution des deux hémisphères est donc complémentaire.
Le droitier utilise de préférence, et avec plus d’habileté, la main droite pour la plupart des activités : écriture, travail, sport, musique ; à l’inverse, le gaucher se sert de la main gauche, l’ambidextre se sert des deux mains. La prévalance droite ou gauche se retrouve pour le pied, pour l’œil et moins nettement pour l’oreille. L’appréciation de la latéralité nécessite un questionnaire ; un certain nombre de tests et d’épreuves qui permettent de reconnaître si l’on est en présence d’un sujet gaucher indiscutable ou de gaucherie, ou d’un sujet ambidextre.
Le gaucher a longtemps souffert de préjugés : la droite porte en général l’empreinte du bien et de la chance, la gauche du mal et de l’infortune. Ne dit-on pas encore, dans un sens religieux, que le juste est à la droite de Dieu ou du Père ? Les anciens assimilaient gauche et sinistre puisqu’en latin, par exemple, la gauche se disait sinistra et le vieux français utilisa longtemps le terme de senestre pour désigner la main gauche. Actuellement encore, « gaucherie » et « se lever du pied gauche » s’opposent dans le langage courant à « dextérité » et « partir du bon pied » (qui est le droit) ; on trouve bien des exemples en différentes langues et en différents pays du lien établi entre la droite et le droit au sens légal (en accord avec les règles de la société) et le droit au sens logique (le droit chemin). La gaucherie est actuellement « réhabilitée » ; les parents ne la considèrent plus comme une tare ; on sait qu’il faut la laisser se développer normalement ; la répression de l’activité de l’hémisphère droit crée ce qu’on appelle « le gaucher contrarié » ; elle peut être à l’origine de troubles de la parole et de l’écriture. Des gauchers réussissent remarquablement en utilisant leur latéralité : les exemples en sont nombreux parmi les champions de sport en tennis par exemple : Jimmy Connors, J. Mac Enroe… et en escrime…Un certain nombre de questions se posent :
L’asymétrie fonctionnelle des hémisphères cérébraux représente-t-elle une des particularités qui font la supériorité du cerveau de l’Homme ? L’asymétrie fonctionnelle des hémisphères a été découverte chez le Singe par H.H. Dawson (1975) : une lésion de l’hémisphère gauche – et non de l’hémisphère droit – fait disparaître toute mémoire auditive récente, chez 12 macaques accoutumés à répondre à différents sons ; seul l’hémisphère gauche interviendrait donc chez le Singe dans les processus mnésiques auditifs. Il a été constaté que, si un Singe est amené à réaliser une tâche avec une seule main, il le fait toujours avec la même ; mais dans une communauté de Singes, il y a autant de gauchers que de droitiers, alors que 90 % des Hommes sont droitiers ; la dextralité serait donc une particularité du cerveau de l’Homme. La dominance de l’un des hémisphères ne le serait pas ; on sait par exemple que le chant de l’Oiseau est une fonction de son hémisphère cérébral gauche, comme le langage humain, que chez le rat les émotions et la conception de l’espace sont plutôt à droite et que chez le Singe la reconnaissance des visages serait traitée par l’hémisphère droit et l’audition serait plutôt à gauche.
L’inégalité fonctionnelle des hémisphères cérébraux est-elle une acquisition évolutive ? On admet que les Hominidés avaient deux hémisphères égaux et que leurs deux mains avaient le même rôle. Le cerveau resterait rigoureusement symétrique tant dans sa strucutre que dans ses fonctions pendant une longue évolution. Pourquoi y a-t-il renoncé ? L’étude de voûtes crâniennes antérieures à l’Homme de Neandertal a permis de constater une légère inégalité à l’avantage de l’hémisphère gauche. M. Le May a trouvé que la crête osseuse correspondant à la scissure de Sylvius est plus haute du côté gauche sur des crânes fossiles de Neandertal ; il conclut à un lobe temporal gauche plus haut que le droit ; la latéralité avait alors sans doute remplacé la parité et les deux hémisphères étaient devenus complémentaires.
L’asymétrie fonctionnelle hémisphérique est-elle présente dès la formation du cerveau ou est-elle acquise au cours de sa maturation ? D’après N. Geschwind, elle existe dès la naissance ; un nouveau-né couché sur le dos tourne la tête d’un côté. Gesell et Ames ont fait remarquer que 95 % des enfants tournent la tête vers la droite, position liée au développement ultérieur de la préférence manuelle. Vers la deuxième année, la main droite est déjà généralement privilégiée chez le futur droitier. On ne peut pourtant parler d’enfant gaucher ou ambidextre que vers l’âge de six ans car, avant ce moment, l’enfant peut ne pas avoir encore déterminé le choix de sa main en raison du contexte socio-familial ou de sa maturation cérébrale. On doit donc attendre cet âge pour apprécier la prévalence. Pourcela, il faut détacher l’enfant des conditionnements auxquels il peut être soumis : il ne faut pas en particulier attirer l’attention de l’enfant sur la main qu’il utilise ni le contraindre à se servir d’une main ou d’une autre. Il faut au contraire éduquer la latéralité droite ou gauche car une incertitude risque d’handicaper les débuts scolaires. Il peut arriver que le choix de la main diffère alors selon qu’il s’agisse de peintures et de dessins qui sont libres et engagent la personnalité ou d’écriture qui est l’objet de pressions culturelles… Chez certains peintres, la main droite est celle de l’écriture et la gauche celle de la peinture.
La latéralisation fonctionnelle n’est pas seulement le résultat d’une pré¬disposition structurale génétique, mais également de l’acquis, donc de l’éducation. La destruction de l’hémisphère gauche d’un adulte aboutit à des troubles du langage irréversibles ; la même lésion chez l’enfant avant l’acquisition du langage ne le perturbe que fort peu de temps ; l’hémisphère droit peut assurer le relais tant que la maturation cérébrale n’est pas achevée. Le transfert d’un hémisphère à l’autre est toutefois partiel car l’acquisition de la syntaxe serait moins bonne.
La dominance de l’hémisphère gauche est plus absolue pour le langage que pour la motricité. Les droitiers sont tous à prédominance cérébrale gauche pour la parole. Les gauchers eux-mêmes sont pour 60 à 70 % à dominance gauche pour la parole. Chez environ 96 % de la population, le langage est localisé sur l’hémisphère gauche. La préférence manuelle gauche est donc plus commune que la spécialisation de l’hémisphère droit pour le langage. Les gauchers exclusifs motricité + langage sont l’exception.
La latéralisation fonctionnelle est étudiée à travers des activités motrices effectuées par la main : d’abord l’écriture puis des gestes de la vie courante (se laver, se peigner, utiliser des outils, distribuer des cartes…), mais aussi par l’œil (viser) et le pied (sauter, frapper une balle…). Il existe de nombreuses batteries qui permettent d’apprécier la latéralisation. Nous venons de dire que la gaucherie exclusive est rare (moins de 1 %) ; par contre, la fréquence de sujets comportant un certain degré de gaucherie est beaucoup plus grande (8 à 10 %).
Les études systématiques fondées sur des tests de psychomotricité ont permis de découvrir des filles et plus souvent des garçons mal latéralisés ; ils ont par exemple un œil directeur gauche et ils « shootent » du pied droit, ou un œil directeur droit et une oreille préférentielle gauche ; ils pré¬sentent une maladresse par inadéquation gestuelle. On a, à ce propos, suggéré qu’une étude attentive des tireurs médiocres dans une armée per¬mettrait de découvrir que ce sont ceux chez qui on n’a pas pris la précaution de rechercher quel était leur œil directeur ; des droitiers mauvais tireurs auraient un œil directeur gauche et vice versa…xiste-t-il une asymétrie anatomique des hémisphères cérébraux ? Norman Geschwind et Nalter Levitsky (1968) ont, d’après l’examen de cent cerveaux humains, découvert une asymétrie du planum temporal, surface corticale située sur la face supérieure du lobe temporal, enfouie dans la scissure de Sylvius et partie de la zone du langage dite de Wernicke ; il est plus large à gauche qu’à droite. La même asymétrie existerait sur le cerveau du foetus humain ; d’après J. Wada (1975), le planum gauche serait plus large mais la différence serait moins grande que chez l’adulte. La supériorité linguistique de l’hémisphère cérébral gauche est donc apparemment conditionnée par une disposition anatomique qui s’accroît avec la maturation cérébrale. M. Le May et N. Geschwind en 1975 et Yani Kornshien et Benson en 1976 ont retrouvé chez les anthropoïdes (orang- outang, gorille) une différence de profondeur et de hauteur de la scissure de Sylvius et une asymétrie du planum temporal, ce qui peut correspondre au résultat spectaculaire obtenu chez ces animaux par Gardner et Premack dans l’apprentissage des langages symboliques. M. Le May, sur des radiographies des artères cérébrales faites sur ces sujets vivants, a constaté que chez la plupart, l’artère sylvienne ou cérébrale moyenne gauche qui suit le bord supérieur du lobe temporal monte plus haut que l’artère droite.
Le même auteur a trouvé sur des tomographies axiales combinées avec un ordinateur (tomodensitométries) que les lobes pariétal et occipital gauches sont plus étendus que les droits.
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Une réponse pour "La latéralisation fonctionnelle des hémisphères cérébraux"
Merc bien pour pour lexplication