La radioactivité artificielle ou la revanche des Joliot : Les prémisses d'une nouvelle découverte
Les prémisses d’une nouvelle découverte
Comme cela arrive souvent, c’est en cherchant tout autre chose que Frédéric et Irène avaient trouvé la piste qui devait les mener à la découverte.
Revenons six mois plus tôt, en juin 1933. Les deux chercheurs ont décidé de travailler à nouveau sur un isotope qui leur est cher, le polonium 210. La source extrêmement puissante dont ils disposent doit leur permettre de voir si l’émission a est le seul moyen dont dispose cet isotope pour se désintégrer. Un certain nombre de noyaux du voisinage, tels 212Bi et 214Bi, sont en effet à la fois émetteurs alpha et beta Cette expérience a donc une ambition modeste, et elle s’inscrit dans le cadre d’une recherche de fond destinée à améliorer la connaissance des noyaux de cette région du tableau. Elle témoigne du sérieux des deux physiciens qui viennent de l’entreprendre, et du fait qu’ils ne recherchent pas systématiquement la gloire d’une découverte spectaculaire.
Leur source intense de polonium est donc placée tout près de l’entrée de leur chambre de Wilson. Un écran d’aluminium arrête la totalité des particules a mais doit laisser passer aisément les électrons p. La chambre à détente les identifiera aisément grâce à la courbure de leur trajectoire. Mais surprise, trois catégories de particules sont observées. Il y a bien des électrons, en relativement petit nombre, mais aussi des protons et… de nombreux positons !
Il s’avérera que les électrons observés ne proviennent pas de la désintégration radioactive cherchée, mais cette question deviendra vite secondaire. Les protons, pour leur part, sont issus d’une réaction déjà connue. Il s’agit de la transmutation de l’aluminium 27 en silicium 30 sous l’impact des particules alpha :
27A1 + α—> 30Si + p [1]
qui s’écrit aussi :
27A1 + 4He -4 30Si + 1H [2]
puisque, rappelons-le, la particule a n’est autre qu’un noyau d’hélium 4 et le proton un noyau d’hydrogène.
Mais l’attention des chercheurs se focalise très vite sur les positons. Quelle peut- être l’origine de ces électrons positifs ?
Irène et Frédéric vérifient très vite qu’ils ne sont pas émis par le polonium. En effet, lorsqu’ils remplacent l’absorbeur d’aluminium par une plaque de paraffine, il n’y a plus de positons, et s’ils utilisent un écran de bore, les positons réapparaissent. Ces derniers sont donc produits par interaction des particules a avec l’aluminium, ou le bore. Pour l’aluminium, les Joliot proposent d’expliquer cette production par la réaction de transmutation :
27A1 + α -> 30Si + n + e+ [3]
On savait déjà que l’interaction des particules a avec l’aluminium et le bore aboutissait, comme avec le béryllium, à l’émission de neutrons. Ceux-ci constituaient le fameux « rayonnement ultra-pénétrant » de Bothe et Becker, dont les Joliot eux-mêmes avaient confirmé l’existence, juste avant que Chadwick l’identifie au neutron Les deux chercheurs de l’institut du radium ajoutent que ce neutron est accompagné d’un positon, ce qui offre aussi l’avantage de préciser que le noyau final est un isotope connu du silicium, le silicium 30. La réaction [3] apparaît ainsi comme une concurrente de la réaction [1]. Cependant, comme nous le verrons plus loin, cette ingénieuse explication n’est pas la bonne. D’ailleurs, dès leur publication, ces résultats et leur interprétation soulèvent des discussions et des objections dans la communauté internationale des physiciens. Les Joliot décident donc de les affiner par d’autres expériences.
Vidéo : La radioactivité artificielle ou la revanche des Joliot : Les prémisses d’une nouvelle découverte
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