la Russie post-soviétique à la Russie contemporaine
En 1991, l’URSS cesse d’exister. Le nouveau gouvernement russe opte alors pour des réformes radicales basées sur la libéralisation des prix, la privatisation des entreprises publiques, la réduction drastique du budget de PÉtat et la libéralisation du commerce extérieur. Les effets sont immédiats : l’hyper-inflation balaye l’épargne, des anciens apparatchiks ou des structures criminelles prennent le contrôle d’une partie de l’économie, des millions d’employés ne sont plus payés pendant des mois et la production industrielle s’effondre. La Russie est ainsi touchée par l’une des plus graves crises économiques qu’ait jamais connu le monde industrialisé. Entre 1989 et 1998, le PIB diminue de moitié ; la production d’électricité décline de 30 %, la consommation de gaz naturel d’environ 13 %, la consommation de pétrole et de charbon sont divisées par deux. En bref, la crise économique en Russie prend des allures de véritable catastrophe nationale.
La désintégration de l’URSS a fracturé un immense système énergétique unifié, qui ignorait les frontières régionales. Des milliers de kilomètres de pipelines, plusieurs terminaux pétroliers et raffineries se retrouvent dans les nouveaux États indépendants issus de l’URSS. Les ex- Républiques soviétiques, auparavant interdépendantes, commencent à subir des pénuries de courant et des ruptures d’approvisionnement en pétrole et gaz. Les exportations de Russie sont sporadiquement interrompues en raison des non-paiements. L’Ukraine, grand consommateur de gaz sibérien, est particulièrement touchée par la crise énergétique. En Russie, l’économie s’enfonce dans une spirale de la dette. Les entreprises énergétiques sont particulièrement touchées car une grande partie des factures d’électricité, de pétrole et de gaz ne sont plus payées n. Les pénuries de kérosène provoquent des dysfonctionnements dans le secteur des transports aériens. Dans certaines régions, notamment les provinces maritimes (Vladivostok], les coupures d’électricité hivernales deviennent fréquentes et ont des conséquences dramatiques. Les fermes agricoles appauvries, n’ayant pas les moyens d’acheter du carburant, ne peuvent plus assurer les récoltes 12. L’approvisionnement en énergie devient dès lors un véritable problème de sécurité interne et de survie de la nation. Face à cette situation, le gouvernement est forcé d’adopter en 1995 une loi sur la régulation des tarifs de l’électricité et du chauffage.
Le montant total des dettes aux fournisseurs d’énergie continue cependant d’augmenter et atteint des sommes records. Les compagnies énergétiques continuent également d’accumuler des arriérés d’impôts et interrompent parfois le paiement des salaires de leurs employés. En 1996, un demi-million de mineurs se mettent en grève pour réclamer 200 millions de dollars d’arriérés de salaire. À la fin de l’année 1996, la dette totale accumulée vis-à-vis des fournisseurs d’énergie s’élève à 58 milliards de dollars. La même année, plusieurs banquiers proches du pouvoir politique financent la campagne de ré-élection de Boris Eltsine en échange d’avoirs dans les fleurons de l’industrie, notamment
pétrolière. Cette collusion entre le Kremlin et ceux qu’on appelle désormais les « oligarques » donne naissance à un système kleptocratique singulier, qui semble bien éloigné d’une démocratie de marché.
Paradoxalement, c’est le crash financier de 1998 13 qui marque un tournant dans le développement économique de la Russie. La dévaluation du rouble stimule la production domestique et l’accroissement du prix du pétrole fin 1999 contribue à réduire la dette externe et à accroître les rentrées du budget fédéral grâce aux taxes sur l’exportation. Sous le gouvernement d’Evguéni Primakov (1998-1999) puis la présidence de Vladimir Poutine (2000-2008), la politique économique et le rôle de l’Etat sont redéfinis : le pouvoir politique est consolidé et centralisé, l’Etat resserre son contrôle sur les secteurs stratégiques, même si en parallèle la privatisation du secteur énergétique (notamment le secteur électrique) poursuit son cours. Depuis 1998, les principaux indicateurs macroéconomiques et la stabilité politique se sont considérablement améliorés14. Toutefois, la dépression des années 1990 a eu un impact profond sur la société et l’économie russe.