Le leadership des états en matière de politiques de l'environnement
En l’absence de politique fédérale volontariste et globale, les états prennent le leadership des politiques de lutte contre le changement climatique. Compte tenu de leurs prérogatives dans de nombreux domaines, qu’il s’agisse des transports, des services publics, de fiscalité, de plans d’occupation des sols, etc., de nombreux états développent, seuls ou associés à d’autres, des politiques environnementales plus volontaristes.
Il est intéressant de rappeler que, dans le domaine de l’environnement, c’est aux Etats-Unis que dès le début des années 1990 a été lancée la première initiative avec la création d’un marché des émissions de S09 afin de traiter du problème des pluies acides. Cette initiative a par la suite inspiré nombre d’autres pays, notamment l’Union européenne qui en a repris les principaux principes pour son marché des permis d’émissions de C02 (EU-ETS). Pour ce qui concerne les émissions de CES, si la loi fédérale ne fixe pas de plafond, des initiatives individuelles ou collectives voient le jour qui cherchent à en réduire le niveau.
Certes, certaines mesures telles que les « standards de portefeuilles d’énergies renouvelables » (Renewable Portfolio Standards ou l’obligation de déclaration des émissions ont été parfois controversées au niveau fédéral mais ont le plus souvent été mises en œuvre sans opposition majeure dans les états les ayant adoptées. La palette d’intervention mobilisée par ces états est large et diversifiée et articule des actions dans le champ de l’énergie mais également dans celui de la pollution de l’air, de l’agriculture, des transports, de la gestion des ressources naturelles (notamment l’eau), de l’éducation… Ces programmes sont ainsi conçus à la fois pour faire face au défi du changement climatique mais également pour soutenir d’autres objectifs politiques, notamment le développement de l’attractivité économique de leur territoire. En 2010, la réduction des émissions de CES fait l’objet de plans d’actions contraignants dans vingt-huit états tandis que fiscales pour soutenir les investissements qui iront dans ce sens : parmi ces mesures, on peut citer celle qui prévoit un budget d’un peu plus de 3 milliards de dollars pour subventionner les programmes d’efficacité énergétique des états dès lors qu’ils prévoient l’adoption de standards de construction des bâtiments ou qu’il s’agit de photo- voltaïque intégré au bâti. Les fonds sont plus conséquences encore lorsqu’il s’agit de bâtiments publics ou militaires (4,5 milliards). L’ambition de l’administration Obama à son arrivée d’adopter un paquet législatif fédéral de grande envergure allant jusqu’à créer un marché nord-américain des permis d’émissions a due être largement révisée sans pour autant qu’il faille considérer qu’elle a été totalement remisée.
_ autres ont adopté des plans mais sans les rendre pour l’instant contraignants. Une partie des états se sont fixé des objectifs quantitatifs de réduction d’émissions tandis que d’autres, au nombre de trente-neuf y compris Porto Rico, ont décidé de tenir un registre comptabilisant leurs émissions de GES. Parmi ces différentes initiatives, on peut citer :
• Le lancement de la Western Régional Climate Action Initiative par Les états de Californie, Oregon, Arizona, et du Nouveau-Mexique, action collective visant à réduire de 15 % d’ici 2020 les émissions de GES par rapport à leur niveau de 2005 et de soutenir les investissements permettant de développer des technologies moins polluantes. Il a aussi été décidé en juillet 2010 de doter cette initiative régionale i’un marché des permis d’émissions négociables proche de celui mis en place en Europe qui devrait s’ouvrir en 2012 pour devenir totalement opérationnel à partir de 2015. Ce sont presque 90 % du total des émissions de GES dans les états concernés qui devraient être régulés par ce mécanisme de marché.
• En décembre 2005, sept états ont lancé la Régional Greenhouse Gas Initiative. Ce projet fut un des premiers projets nord-américains visant à mettre en place un marché obligatoire du CO, dans le secteur de l’énergie : toutes les centrales électriques d’au moins 25 MW de capacité sont en effet concernées. Opérationnel depuis 2009, ce projet vise l’objectif d’une réduction de 10 % des émissions d’ici 2018. Dans un premier temps, les émissions totales du secteur de l’électricité seront limitées à 170 tonnes par an entre 2009 et 2014, une seconde étape prévoyant une réduction de 10 pour cent d’ici 2018.
• D’autres Etats ont décidé d’agir de façon autonome, tel l’état de Washington qui a voté une loi afin de ramener ses émissions de GES au niveau de 1990 d’ici 2020 et de les réduire de 25 % par rapport à 1990 d’ici 2035.
Le Renewable portfolio standard
Initialement proposée pour être intégrée dans la loi sur l’indépendance et la sécurité énergétique de 2007, l’initiative dite du < Renewable Portfolio Standard » a été rejetée au niveau fédéral. Divers facteurs expliquent cet échec dont notamment la très forte différence de compétitivité des énergies renouvelables d’un état à l’autre compte tenu de leur situation géographique mais également de leur richesse en énergies fossiles (notamment en charbon). Pour autant, certains états ont décidé de la mettre en œuvre, y compris collectivement : ainsi, parmi les initiatives les plus notables, il faut noter l’initiative qui rassemble 28 états qui se sont fixé des objectifs de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables telles que le vent, le soleil, la géothermie, la biomasse, l’hydroélectricité. La plupart de ces Etats ont pour objectif une part de 15 à 20 % de ces énergies dans leur mix électrique d’ici 2020. Afin d’assurer la compétitivité économique de ces énergies, ces objectifs ambitieux sont soutenus par diverses incitations telles que des obligations d’achat et des subventions. Malgré des efforts croissants, ces énergies renouvelables sont encore marginales aux Etats-Unis : ainsi, en 2010, l’énergie éolienne ne représente que 1,7 % de la production d’électricité mais pourrait en fournir jusque 20 % d’ici 2035 selon les scénarios.
Ce chiffre est une moyenne qui masque de grandes disparités selon les états : ainsi en 2009 le gouverneur de Californie a décidé que la proportion d’énergie renouvelable devait atteindre 33 % de la production électrique de l’Etat d’ici 2020. Ce volontarisme pourrait toutefois être contrarié en l’absence de cadre réglementaire pour l’accompagner.
Afin d’assurer leur sécurité énergétique tout en intégrant les questions d’environnement, les Etats-Unis comptent en effet sur une diversification du bouquet énergétique qui prenne en compte les diversités des situations selon les états : le Texas, dont le potentiel éolien est important, a ainsi le leadership sur le développement de l’énergie éolienne, avant la Californie, et accueille en 2010 le plus grand parc éolien du monde avec une capacité installée de 6 300 MW, soit au- delà de l’objectif initialement envisagé. En effet, ce développement est soutenu par la « Compétitive Renewable Energy Zone Initiative » (CREZI) qui fixait le niveau du portefeuille standard d’énergies renouvelables pour le Texas à 5,8 GW en 2015, avec l’objectif d’atteindre 10 GW en 2025. Cette ambition est en bonne voie d’être tenue mais nécessite également d’importants investissements en infrastructure de transport électrique : c’est à cette fin que la CREZI s’est vue confier la mission de recenser les zones du Texas où le développement de cette énergie pourra se faire de manière la plus compétitive et ainsi d’identifier les projets adaptés de développement du réseau électrique. Il faut toutefois rappeler que cet ambitieux programme texan a pu être en partie développé en raison de son relatif isolement du reste du système électrique américain et d’un potentiel élevé pour l’éolien. Or certains problèmes rencontrés par cette forme de production électrique, notamment son intermittence et les questions de sécurité du réseau que cela pose, peuvent dissuader les autres états de s’engager dans une politique aussi ambitieuse. Cela étant, en 2010, le Texas a connu grâce à son effort soutenu un record historique puisqu’il est arrivé certains jours de l’année que 19 % de la production électrique distribuée sur le réseau soit d’origine éolienne.
L’efficacité énergétique
L’amélioration de l’efficacité énergétique constitue le second axe majeur d’action des états américains : la hausse du coût de production de l’électricité, liée à la fois à celle du prix des énergies primaires et an coût élevé des énergies renouvelables, encourage en effet certains états a développer des programmes également ambitieux pour réduire les ccnsommations d’énergie de leurs citoyens. La relative détente reportée pendant la crise n’a pas infléchi l’effort. La législation fédérale fans ce domaine est plus active et impose des normes d’efficacité des appareils électroménagers, des équipements et des bâtiments, que de plus en plus d’Etats ont choisi de renforcer localement, tels que le New ’ersey, l’Ohio, le Kentucky. D’autres offrent des subventions directes projets d’efficacité énergétique dans les bâtiments publics ou prives (Montana, Oklahoma, Alabama). D’autres enfin combinent ces différentes initiatives (Californie, Oregon). Ces initiatives locales sont re.ayées par un nombre croissant de grandes entreprises qui commencent à développer d’importants efforts en matière de lutte contre le changement climatique. En l’absence de contrainte réglementaire, ces dits se traduisent par des objectifs volontaires de réduction des gaz i effet de serre qui reposent sur le recours à une large palette i instruments : amélioration de l’efficacité énergétique, investissement dans des technologies propres (y compris la séquestration du zorbone) et des énergies renouvelables, augmentation du recours à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables, amélioration de la gestion des déchets produits, participation à des marchés de permis d’émissions, etc.
Alors qu’elles n’ont aucune obligation à respecter dans ce domaine, les entreprises nord-américaines s’engagent le champ de l’environnement compte tenu des opportunités qu elles entrevoient dans la déréglementation des marchés de l’éner- pe. Ajoutée à la lutte contre le changement climatique, la libéralisation offre en effet aux entreprises l’opportunité de développer de nouveaux modèles d’activité sur lesquels elles comptent assurer leur croissance. La concurrence pourrait ainsi connaître des développements importants dans l’avenir sur le marché au client final compte tenu des offres innovantes que les progrès technologiques autorisent : La modération de la consommation énergétique, qui contribue directement à réduire la facture des consommateurs, est un des enjeux de la compétitivité future des entreprises sur ces marchés.
Il faut cependant souligner que si aucune obligation fédérale ne peux sur les acteurs en charge de fournir l’énergie, en revanche la réglementation tend à devenir de plus en plus stricte du côté de la demande : la loi sur l’indépendance et la sécurité énergétique de 2007 ;e concentre sur l’énergie électrique et comporte des dispositions renforçant les normes pour l’éclairage, les appareils et les bâtiments afin d’en augmenter sensiblement l’efficacité énergétique et ainsi contribuer à réduire les émissions de carbone. Mais dans certains états, la question s’est alors posée de l’incitation contradictoire de demander à des fournisseurs en concurrence de réduire leurs ventes en incitant les consommateurs à modérer leur consommation. Cette question a pu conduire dans certains états comme la Caroline du Sud, le Minesota, la Californie à mettre en place un mécanisme visant à compenser les fournisseurs de cette perte de recettes (en prélevant par exemple une taxe sur la facture de tous les clients) et ainsi assurer qu’ils rechercheront bien à favoriser l’amélioration de l’efficacité énergétique des usages de leurs consommateurs. Il est intéressant de noter d’ailleurs que ces initiatives furent reprises en leur temps par le programme de la Fondation Hulot qui, en France, joue un rôle pivot dans la prise de conscience des questions environnementales.
Ce qui frappe toutefois dans les dispositions prises, et qui est l’une des caractéristiques de la politique énergétique et environnementale des Etats-Unis, c’est la confiance accordée au progrès technologique pour résoudre la question de l’environnement. Il reste que si le soutien fédéral aux programmes de recherche et développement dans les domaines liés à l’énergie est empreint d’une telle confiance, les programmes volontaires et souvent ambitieux d’un nombre croissant d’états montrent qu’ils pensent indispensable d’agir dès maintenant, sans attendre que les technologies soient disponibles.
Ce volontarisme des états est important et devrait rester déterminant à court terme au moins : en effet, les efforts initiés par l’administration Obama lors de son entrée en fonction pour faire adopter un nouvel acte fédéral ambitieux afin d’encadrer la politique de lutte contre le changement climatique n’ont pas été aussi productifs qu’attendu. En septembre 2010, une dernière tentative opérée par les sénateurs démocrates Kerry et Lieberman a eu lieu, mais sans succès.