Le secteur de l'électricité
Restructuration du monopole public
Depuis le plan GOELRO, l’électricité est considérée comme un instrument essentiel du développement économique du pays. Le système de génération électrique soviétique était hautement centralisé, d’assurer un système d’approvisionnement unifié sur l’ensemble du territoire. Les dimensions du pays impliquent la construction de lignes de transmission sur de grandes distances, ainsi que des capacités d’approvisionnement disponibles en heure de pointe sur onze fuseaux horaires. L’Union soviétique devient leader des technologies dans la transmission de haute tension et ultra haute tension. Le réseau UHT (1 200 kV AC) connecte par exemple les stations à charbon da Kazakhstan avec la région européenne de la Russie.
Dans les années 1980, l’URSS introduisait de nouvelles capacités de génération au rythme de 5-10 GW par an. La sûreté du système électrique est alors assurée grâce à d’importantes capacités de réserve. L’effondrement de l’Union soviétique provoque une nette ruptur» dans le secteur : en Russie la production s’effondre de 1 082 à 82~ TWh entre 1990 et 1998 . La puissance installée a pratiquement cessé d’augmenter depuis 1991, soit 220 GW, et l’appareil de production s’est dégradé, faute de maintenance et en l’absence de modernisation. Aujourd’hui, une grande majorité des équipements utilisés pour la génération d’électricité sont ainsi usés et obsolètesprovoquant des coupures de plus en plus fréquentes. Par exemple, les transformateurs qui ont causé l’un des plus importants black-out de Moscou en 2005 avaient près de quarante ans.
Les principaux acteurs clés du marché de l’électricité étaient jusqu’en 2008 RAO UES, le monopole d’Etat verticalement intégré crée en 1992, Rosatom, la compagnie d’Etat qui détient les stations nucléaires ainsi que plusieurs producteurs régionaux (Tatenergo, Bashkire- nergo). RAO assurait près des trois quarts de la production d’électricité et possède l’ensemble des lignes de transmission. Depuis 1998, le monopole était dirigé par Anatoli Tchoubaïs : personnalité respectée dans les milieux financiers internationaux, il reste une figure très controversée en Russie. En effet, il est à l’origine du programme de privatisation du début des années 1990 aux conséquences économiques désastreuses. L’année 2001 a marqué le début d’une restructuration de grande ampleur de l’industrie électrique russe, achevée en 2008. Basée sur le modèle britannique, ces réformes libérales comprennent la séparation patrimoniale des activités de génération et de vente du réseau de transmission. L’État garde le contrôle des stations hydroélectriques et des stations nucléaires. Les activités de transport demeurent un monopole régulé, tandis qu’on introduit la compétition dans la génération, la vente et l’entretien. Les unités de génération ont été ré-organisées en 21 compagnies (14 sociétés de génération territoriales, les « TGK », et 7 sociétés de génération de gros, les « OGK »). Celles-ci ont été privatisées au cours des années 2007-2008. La plupart des actifs ont été rachetés par Gazprom et d’autres grands groupes industriels. Certaines compagnies européennes telles que Fortum, E ON et Enel se sont également portées acquéreurs. Un programme d’investissement ambitieux – appelé le « GOELRO 2 » – a été également adopté par le gouvernement : celui-ci prévoyait l’introduction de 40,9 GW de nouvelles capacités (dont 29 GW de capacités thermiques) entre 2006 et 2010 23.
Le principal argument avancé par les auteurs de la réforme est que la privatisation et le démantèlement du monopole sont nécessaires pour attirer les investissements et accroître l’efficacité du secteur. Ses opposants affirment que la fragmentation du système unifié constitue une menace pour la sécurité d’approvisionnement électrique du pays et conduit inévitablement à un accroissement non contrôlé des prix. La réforme risque également d’entraîner des phénomènes de concentration à l’échelle régionale allant à l’encontre de la concurrence et favorisant des abus de pouvoir de marché, notamment en l’absence de régulateur indépendant. Deux ans après la disparition du monopole, il est bien sûr encore trop tôt pour dresser le bilan de la réforme. Cependant, on peut constater que la situation dans le secteur ne s’est pas vraiment améliorée et que les objectifs du « GOELRO 2 » n’ont pas été atteints. La crise de 2008-2009 est en partie responsable car la demande en électricité a fortement baissé. Ajoutons que le programme d’investissements s’appuyait sur des prévisions de croissance de la demande en électricité de 5 % par an, un chiffre largement surestimé.
La construction de 40,9 GW initialement envisagée s’est révélée surdi- mensionnée pour 2006-2010, ce qui n’encourage pas non plus les nouveaux propriétaires à investir. L’autre problème concerne l’absence de mécanismes de régulation adéquats et opérationnels, dans un secteur où la corruption est omniprésente. Dans ce contexte, le niveau de sûreté des installations continue de se détériorer et pourrait devenir un enjeu majeur, comme l’a montré la catastrophe de Saïno-Chou- chenskaïa en 2009. Un an après la fin des réformes, un accident grave détruisait la plus puissante centrale hydroélectrique du pays (6,4 GW faisant 75 victimes. Saïano-Chouchenskaïa est emblématique de la crise systémique qui affecte l’ensemble du secteur électrique en Russie, où le profit immédiat semble désormais primer sur la sûreté des installations et la sécurité des approvisionnements.
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