Le temps du vivant : Dans chaque être , des systèmes à mesurer le temps
Systèmes à mesurer le temps
Nous sommes très fiers, et à juste titre, d’avoir inventé des systèmes de plus en plus compliqués et de plus en plus précis pour mesurer le temps. Mais la nature nous avait précédé de très longtemps, dans ce domaine. Les rythmes qui sont installés dans l’hérédité des êtres vivants et qui sont commandés par toute une série d’horloges internes, sont, eux aussi, très précis, et ils jouent un rôle essentiel pour la survie des individus et celle de l’espèce. Les spécialistes de l’évolution considèrent que les horloges du vivant sont des éléments si importants pour tous les organismes qu’on peut estimer qu’ils forment l’une des caractéristiques essentielles du vivant, au même titre que la reproduction ou la production d’énergie liée à l’alimentation. Ils montrent en tout cas que les êtres vivants savent parfaitement s’auto-organiser par rapport au temps.
Ces horloges du vivant ont dû se mettre en place très tôt, peut cire même dès que la vie est apparue sur la Terre, il a trois milliards six cents millions d’années. Il a peut-être fallu qu’un système à compter le temps commande la division d’une cellule primordiale afin d’en faire deux, pour que soit lancée la grande mécanique de la vie. Ces rythmes semblent liés, en effet, à cette caractéristique essentielle des êtres vivants, le fait qu’ils sont des systèmes ouverts, échangeant en permanence de la matière, de l’énergie et des informations avec leur environnement, ce qui favorise l’auto-organisation et le développement de la complexité. Les premiers êtres rudimentaires, faits d’une seule cel- Iule, puis les animaux plus compliqués ont dû s’adapter sans cesse à cet environnement, et cette adaptation s’est faite en grande partie grâce aux rythmes internes, qui établissent entre chaque être vivant et le milieu extérieur des rapports subtils, mais efficaces, qui permettent que les besoins de l’individu soient en permanence satisfaits. Ces rythmes internes ont .joué un rôle essentiel au cours de révolution, pour aider les organismes à mieux s’adapter à ces graves dangers qu’ont représenté les variations brusques du milieu, imprévisibles et inévitables, comme les changements de climat qui se sont succédé depuis des millions d’années. Cela a permis aussi aux êtres moins bien armés d’échapper à leurs prédateurs, en sachant se mettre en état de grande vigilance, grâce aux rythmes interne qui existent à l’intérieur du sommeil, par exemple, Si, partout dans le monde, les naissances humaines se produisent plutôt la nuit, c’est probablement que les femmes préhistoriques préféraient donner le jour à leurs enfants au moment où la tribu était réunie, où le danger était moindre, car cet état de vigilance existait.
L’ensemble du monde vivant est donc rythmé, à tous les niveaux d’organisation, chez tous les êtres, du microbe à la baleine, en passant par l’homme. Mais ce qui est particulièrement intéressant, c’est qu’il a été démontré que tous les organismes fonctionnent, non seulement en fonction des rythmes naturels, cosmiques, comme l’alternance du jour et de la nuit, celle de l’été et de l’hiver, mais aussi en suivant d’autres rythmes, internes, qui leur sont propres. « Les êtres vivants ne peuvent ignorer le temps. Pour assurer leur survie et la pérennité de l’espèce, il leur faut des moyens précis et sûrs qui leur permettent de se repérer, de faire le point », écrivent les biologistes Jean Boissin et Bernard Cangulhem, auxquels nous empruntons des informations passionnantes sur les rythmes du vivant.
Ces rythmes internes donnent à tout ce qui vit des avantages incontestables. Car non seulement ils permettent d’être en harmonie de façon permanente avec les variations de l’environnement, qu elles soient quotidiennes ou saisonnières, mais aussi, nous allons le voir plus en détail, de précéder souvent ces contraintes extérieures, d’anticiper sur ce qui va se passer, de se préparer à l’avance à des événements importants pour la survie de l’individu et de l’espèce, qu’il s’agisse du réveil, du moment de la reproduction, de celui de l’hibernation, ou de la migra H on saisonnière.
Ces rythmes sont d’une surprenante précision. Bernard Canguilhem note ainsi que les œufs d’un échassier canadien éclosent tous les ans entre le 26 et le 29 mai, malgré une migration qui conduit ces oiseaux jusqu’en Patagonie, soit un vol aller-retour de vingt mille kilomètres. Nombreux et variés, ces rythmes vont de la milliseconde à l’année. Ils sont innés, c’est-à-dire qu’ils sont inscrits dans le patrimoine héréditaire de chaque espèce. Non seulement ils existent chez tous les êtres vivants, animaux et végétaux, mais on les trouve aussi dans les constituants de chaque individu, dans chacune de ses cellules, jusqu’au niveau le plus élémentaire, celui des protéines. C’est, par exemple, l’excitation d’une protéine à un moment bien précis, qui provoque toutes les vingt minutes la division en deux d’un être fait d’une seule cellule, d’un microbe par exemple. Quel sens peut avoir le temps pour ces êtres rudimentaires ? Certains vivent très longtemps, d’autres meurent rapidement, sans qu’on puisse en connaître la raison. Des bactéries n’ont pas évolué depuis des centaines de millions d’années, d’autres se modifient rapidement. Sans qu’on sache pourquoi, certaines sont brutalement atteintes par des mutations, ce qui leur permet de résister aux antibiotiques, par exemple, mais aussi de survivre dans toutes sortes d’environnements : on en trouve dans les milieux les plus hostiles, dans les puits de pétrole, les mares d’eaux sulfureuses, dans les sources chaudes à 250 °C qui surgissent au fond des océans, aussi bien qu’à un kilomètre sous la surface de la Terre.
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