Le temps du vivant : L'évolution regarde vers l'avant
Evolution
Pour Jacques Monod, cette modification continuelle et lente de l’hérédité, au fil des mutations et de la sélection naturelle, serait comme une remontée dans le temps, un mouvement contraire, en tout cas, à la loi physique qui veut que tout, dans la nature, aille naturellement vers le désordre. Mutations et sélection naturelle mettent, en effet, de l’ordre dans le vivant, dans la mesure où elles permettent aux mutants de mieux survivre, en leur donnant les moyens de mieux s’adapter. Ce mécanisme de la sélection une fois engagé va se poursuivre de façon irréversible. L’espèce humaine existe parce que, depuis que la vie est apparue sur la Terre, la succession d’innombrables espèces animales a construit, peu à peu, au hasard, ce qui se trouve aujourd’hui sur la planète, par le jeu des mutations et de la sélection naturelle – compte tenu des destructions massives qui, de temps à autres, ont anéanti un grand nombre de ces espèces, ajoutant un élément hasardeux de plus. « Le hasard seul est à la source de toute nouveauté, de toute création, dit Jacques Monod. Liberté absolue, mais aveugle, à la racine même du prodigieux édifice de l’évolution. »
Nous devons tout à ce passé foisonnant et chaotique de l’évolution végétale et animale. Tout se passe comme si, depuis l’origine de la vie, chaque espèce ayant vécu sur la Terre avait préparé les suivantes, lesquelles paraissent représenter un progrès. L’évolution procède du hasard, mais tout semble montrer qu elle regarde vers l’avant. Le biologiste américain Harry Jerison estime que la notion de temps a été progressivement incorporée à une représentation plus complexe du monde, liée à des organes des sens et à un cerveau plus développés. Cela a donné aux mammifères, dont nous sommes, des possibilités accrues, non seulement de bien s’intégrer au milieu, mais aussi à faire des prévisions sur la meilleure façon de réagir à l’évolution de l’environnement, d’imaginer des événements possibles, d’inventer un futur.
Le piix Nobel François Jacob explique de son côté comment la vie s’oriente vers l’avenir : « Tout le monde s’accorde, dit-il a voir une direction dans l’évolution. Malgré les erreurs, les culs-de-sac, les tâtonnements, un certain chemin a été parcouru depuis deux milliards d’années. Mais décrire l’orientation que la sélection naturelle a imprimée au hasard est chose difficile. Les mots de progrès, progression, perfectionnement la qualifient mal. Us évoquent trop la régularité, le dessin, l’anthropomorphisme […] Ce qui caractérise peut-être au plus près 1 évolution, c’est la tendance à l’assouplissement dans l’exécution du programme génétique, son ouverture dans un sens qui permet à l’organisme d’accroître toujours plus ses relations avec son milieu et d’étendre son rayon d’action. »
Le système nerveux fit son apparition, dit-il, comme appareil à coordonner le comportement des premiers organismes rudimentaires, puis il devint une machine à enregistrer certains événements de la vie de l’individu. En fin de compte, il devint capable d’inventer l’avenir. Regarder en avant, produire de l’avenir est l’une des fonctions les plus profondes, les plus générales des êtres vivants. « Il n’est pas un seul mouvement, pas une seule attitude qui n’implique un plus tard, un passage a l’instant suivant. Respirer, manger, marcher, c’est anticiper. Voir, c’est prévoir. Chacune de nos actions, chacune de nos pensées nous engage dans ce qui sera. Un organisme n’est vivant que dans la mesure où il va vivre encore, ne fût-ce qu’un instant. » Le vrai temps serait-il celui de la vie, comme l’affirmait le philosophe Henri Bergson ?
Vidéo: Le temps du vivant : L’évolution regarde vers l’avant
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