L'équation énergétique non résolue de l'Europe
La politique énergétique
La politique énergétique, pierre angulaire de l’intégration européenne, doit encore se réconcilier avec les nouvelles réalités
Les questions d’énergie ont toujours joué une part importante dans la : e finition de l’identité de l’Europe moderne. Dès le début, la première institution commune des six pays fondateurs de l’Union européenne à la Communauté européenne du charbon et de l’acier (la CECA) en : r51. Elle a été suivie en 1957 par la Communauté économique euro (la CEE) et par la Communauté européenne de l’Énergie atomique – : EURATOM). Les fondateurs de l’Europe moderne étaient : conscients du caractère stratégique de la sécurité énergétique. L’Union européenne serait une union d’énergie ou elle ne serait pas. Plus près z aujourd’hui, la présidence française de l’Union européenne au 2o mettre 2008 avait choisi comme sujet prioritaire l’énergie ensemble le climat, l’immigration, la défense, la réforme de la PAC ainsi que Ynion social et l’Union méditerranéenne. Son pari réussi était de faire coopter le très ambitieux 2e paquet législatif « Énergie et climat » qui à la politique énergétique européenne à horizon 2020.
Ce bref contexte institutionnel est utile pour mieux caractériser la situation actuelle de l’Europe dans le domaine de l’énergie. Après des innées de dérive lente, la question de l’énergie est à nouveau au cœur du débat européen. Prenons trois exemples : la libéralisation des marchés de l’électricité et du gaz constitue aujourd’hui l’ambition principale de la Commission européenne en matière de politique industrielle ; la politique audacieuse de créer le premier marché mondial pour les émissions de C02 et de réduire les émissions par 13 % en dessous de leur niveau 1990 à 2020 (par 30 % si d’autres pays suivent le mouvement) constitue le seul domaine dans lequel l’Europe peut être fière d’avoir assumé un véritable leadership mondial ; la gestion des relations avec les pays fournisseurs de pétrole et de gaz pour assurer la sécurité d’approvisionnement énergétique, que ce soient la Russie, les républiques de l’Asie centrale, l’Iran ou des pays de l’Afrique du Nord qui constituent aujourd’hui l’axe centrale de la politique extérieure européenne.
Évidemment, dans aucun de ces trois domaines, l’Union européenne et son agent principal, la Commission européenne, n’y procèdent sans difficulté. Cependant, dans une phase où le processus d’intégration européenne est à l’arrêt, le débat sur les questions d’énergie est partie intégrante des discussions sur la nature et le destin de l’Union européenne. Bien géré, ce débat pourrait devenir un catalyseur pour un renouveau de l’identité européenne, notamment parce que dans le domaine du climat les décideurs européens peuvent s’appuyer sur un grand consensus, ce qui n’est pas le cas dans beaucoup d’autres secteurs… Dans le cas contraire, les questions sur l’utilité et la raison d’être de l’Union européenne deviendraient de plus en plus pressantes.
Les similitudes avec la situation dans les années 1950 s’arrêtent là. Les différences sont tout aussi marquées. Dans les années suivant la deuxième guerre mondiale, l’enjeu clé était reconstruire l’industrie en particulier l’industrie lourde, dont les installations avaient été en grande partie détruites. L’engagement des gouvernements, subventionnant les industries européennes résurgentes, et la protection du marché étaient les mots d’ordre du jour. Aller contre l’orthodoxie économique, même à celle de l’époque, et mener une telle politique industrielle productiviste pouvait être justifiée pour deux raisons D’abord, en l’absence d’un marché fonctionnant correctement, les gouvernements ont dû prendre la relève. En second lieu, même si une telle politique de fédérer les approvisionnements énergétiques stratégiques était source d’inefficacités économiques, l’avantage politique de lier ensemble les pays d’un continent qui en une génération avait été deux fois ravagé par la guerre, était bien plus important.
Aujourd’hui, la situation est différente. En partie parce qu’ils avaient su développer une vision commune de l’énergie, les pays européens pour pu jouir d’une coexistence paisible. La difficulté est plutôt d’adapter .En vision historique aux réalités d’aujourd’hui et de surmonter des réflexe» conditionnés qui ne sont plus appropriés et qui peuvent même préjudicier la construction de la future Europe de l’énergie. Aujourd’hui- l’Union européenne est non seulement une puissance économique majeure avec les principales compagnies du monde dans chaque sèment du marché de l’énergie, mais elle est également infiniment prime étroitement intégrée au reste du monde qu’elle ne l’était en 1951. Dis plus, l’importance de la ressource nationale, le charbon, a considérablement diminué au profit du pétrole et du gaz, ressources en grande part» importées. Pour faire face à ces nouvelles réalités, l’Europe ne peut se permettre de s’engouffrer dans une rhétorique dépassée. Les réalités» énergétiques du moment ne sont pas propices aux grandes visions. La Situation actuelle n’exige pas l’introspection et la subvention mutuelle,
mais l’acceptation d’une interdépendance globale (dans le domaine de ergologie tout aussi bien que dans le domaine du climat) et la création lie structures qui favorisent la réactivité, la compétitivité et la soutenait des industries énergétiques européennes.
Un tel engagement fondamental en faveur de marchés de l’énergie «verts et concurrentiels (tout en tenant compte des contraintes techniques, par exemple dans le secteur de l’électricité), empêche nullement la sauvegarde et le développement des biens publics tels que T«:environnement ou la sécurité énergétique. L’essentiel est de comprendre que ces importants objectifs de politique doivent être pour- ? Chervis à l’aide d’instruments compatibles avec une logique de marché (politiques fiscales basées sur les prix, permis d’émissions négociation . objectifs généraux) plutôt qu’avec des instruments qui vont à Rencontre de cette logique (interventionnisme administratif, subvention sélectives avec choix de technologies, objectifs détaillés).
l’engagement en faveur d’une politique industrielle à l’ancienne fer le secteur de l’énergie a bien servi l’Europe pendant plusieurs décennies. Aujourd’hui, cependant, il menace de la retenir. La difficulté d’abandonner la mentalité du passé se montre, en particulier, ions l’incapacité des responsables politiques européens d’organiser ses arbitrages nécessaires entre les trois objectifs stratégiques de la politique énergétique européenne, qui sont : la sécurité énergétique, la compétitivité industrielle et la protection de l’environnement . Les hésitations des décideurs à la Commission ?Européenne et dans les gouvernements nationaux s’ajoutent ainsi aux auscultés objectives auxquelles l’Europe doit faire face. Réduire les finissions de gaz à effet de serre, limiter des subventions, réduire la dépendance extérieure, la sortie du nucléaire, augmenter l’utilisation tes énergies renouvelables, libéraliser les marchés de l’énergie, accroître la compétitivité… la liste des desiderata de la politique énergétique •européenne est très longue et malheureusement les conséquences de adique nouvel ajout n’ont pas toujours été suffisamment examinées.
Les contradictions dans la triple orientation politique de l’Europe se manifestent de manière très concrète. Examinons, par exemple, la part du gaz dans la consommation d’énergie européenne. Préféré au charbon pour des considérations environnementales et au nucléaire pour le coût, le gaz naturel satisfait très bien les objectifs 2 (objectifs environnementaux) et 3 (compétitivité). Sans surprise, sa part dans l’énergie primaire devrait augmenter de 23 % en 2004 à 30 % en 2030 (AIE, 2006). La consommation accrue de gaz naturel, cependant, signifie une augmentation de la dépendance des importations et contredit ainsi l’objectif numéro 1 (sécurité d’approvisionnement). L’incapacité de procéder à des arbitrages durables entre les divers objectifs implique la continuation de la dérive de la politique énergétique.
Les choses s’aggravent avec le vide institutionnel qui existe dans le domaine de l’énergie. La direction générale responsable pour l’énergie, la DG TREN, a du mal à se faire entendre parmi trois autres directions politiquement plus fortes, la Direction de la Politique de la concurrence, celle de la Politique environnementale et celle des Relations extérieures. En 2007, même le Président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a créé son propre groupe consultatif sur l’énergie et le changement climatique. Le fait que l’énergie soit aujourd’hui un sujet politiquement attrayant est une bonne chose. Malheureusement, les attentions multiples prodiguées aux question? énergétiques constituent un obstacle plutôt qu’un atout pour une prise de décision efficace.
Les efforts européens à forger une politique énergétique commune sont crucialement entravés par le manque de consensus interne sur la nature des arbitrages entre les différents objectifs de la politique énergétique. En l’absence d’un accord pour mettre en place des instruments réellement contraignants, tels qu’une taxe sur la consommation d’énergie, les décideurs européens espèrent que l’amélioration de l’efficacité énergétique pourrait leur permettre d’avoir le beurre e: l’argent du beurre. Ils oublient alors volontairement que toute amélioration de l’efficacité énergétique dépend en grande partie du prix. Des prix de l’énergie à la consommation plus élevés – suite à l’introduction d’une fiscalité verte – favoriseraient non seulement la qualité environnementale et la sécurité des approvisionnements, mais permettraient également de lever des fonds budgétaires qui permittivité.: une baisse des charges salariales et des cotisations à la Sécurité sociale, les fléaux de la compétitivité industrielle européenne.
Étant donné que des nombreuses sociétés européennes évoluent dans des marchés globaux fortement concurrentiels et que le dynamisme de l’économie européenne est à la traîne, toute augmentation de prix de l’énergie doit être soigneusement argumentée. Toutefois, l’absence d’une augmentation des prix de l’énergie, toute diminution significative de la demande ainsi que toute baisse de l’intensité énergétique resteront illusoires. La création du système européen de permis échangeables pour les émissions de C02 (le European Emission Trading System ou le EU ETS) qui augmente implicitement le prix des énergies fossiles telles que le charbon, le pétrole ou le gaz, est pour le enceint la seule mesure politique permettant d’améliorer non seulement la soutenabilité environnementale, mais également la sécurité «f approvisionnement. Afin d’élargir l’impact de cette mesure prometteuse. le secteur du transport ainsi que d’autres secteurs de sources inversés doivent être inclus au plus vite dans l’EU-ETS
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