Les forces nucléaires ou la fin des énigmes : L'impuissance des forces connues
Plusieurs siècles avant la découverte de la radioactivité, les physiciens s’étaient préoccupés de la nature des forces entrant en jeu dans les phénomènes de physique. Comme dans tous leurs domaines d’étude, leur objectif était de réduire le nombre d’éléments fondamentaux indispensables pour expliquer ces phénomènes. Ces travaux avaient obtenu un résultat remarquable, puisqu’ils avaient ramené à deux le nombre de forces, ou interactions, dites « fondamentales », nécessaires pour rendre compte de l’ensemble des observations. C’est Newton, en 1687, qui avait introduit la première d’entre elles, la gravitation, responsable à la fois de la chute des corps et du mouvement des planètes64. C’est ensuite Maxwell, qui, en 1867, avait mis le point final à l’unification des forces électrique et magnétique en montrant qu’il s’agissait d’une seule et même interaction, la force électromagnétique. Cependant, dès le début du xxe siècle, lorsque les premières études du phénomène de radioactivité eurent porté leurs fruits, et en particulier lorsque le noyau eut été découvert, on s’aperçut qu’aucune de ces deux forces « fondamentales » ne pourrait expliquer la cohésion de ce minuscule centre de l’atome, ni l’énergie considérable des rayonnements qu’il était capable d’émettre. Cette constatation restait valable après la découverte du neutron. En effet, la force électromagnétique s’avérait incapable de lier entre eux protons et neutrons, puisqu’elle ne pouvait agir sur les derniers, en raison de leur absence de charge, et qu’elle se traduisait par une répulsion entre les premiers. Quant à la gravitation, c’était bien une force attractive s’exerçant sur les uns comme sur les autres, mais un calcul rapide montrait à l’évidence qu’elle s’avérait beaucoup trop faible pour compenser la répulsion des protons. Les physiciens étaient donc à la recherche d’une force nouvelle, très puissante, capable de lier les composants du noyau.
Mais paradoxalement, c’est une interaction d’une autre nature qui allait d’abord être mise en évidence. Cette découverte apporterait la solution aux deux énigmes posées par la radioactivité p, dont la première concernait, rappelons le, l’origine du rayonnement – comment un noyau, composé de protons et de neutrons, pouvait-il émettre un électron ? – et dont la seconde résultait des mesures faites sur son énergie. Celle-ci, en effet, présentait une grave anomalie par rapport à celle du rayonnement α .