Les localisations cérébrales de l'antiquité à l'imagerie moderne : XXe siècle
Les localisations cérébrales
Le savoir sur les localisations cérébrales a beaucoup progressé au XXe siècle grâce à des techniques de plus en plus perfectionnées : histologie, électroencéphalographie, stimulations électriques, mesure du débit sanguin cérébral et imagerie cérébrale.
- La cytoarchitectonie du cerveau. L’écorce cérébrale n’est pas homogène ; son épaisseur et sa composition sont variables d’un point à un autre. Meynert en 1 867 identifia cinq couches stratifiées dans l’écorce cérébrale. Brodman en 1903 en trouva six ; il établit la « carte architectonique » du cerveau en 1923 et distingua 52 aires. Vinrent ensuite Oskar Vogt (1 91 1 ) et Von Economo et Koskinas (1 925). Pour chaque couche fut déterminé le nombre des cellules, leurs formes et leurs dimensions. Ces finesses structurales furent rendues possibles grâce aux travaux antérieurs de Golgi (1 886) et de Ramon y Cajal (1 891 ). Les difficultés sont survenues quand on essaya d’accorder une valeur fonctionnelle à chacune des couches histologiques. La carte cérébrale de Brodmann constitue un langage commun qui permet de préciser la zone sur laquelle l’expérimentation a porté ; mais la difficulté de délimiter chaque zone avec précision, car il y a souvent empiètements. Il y en a peu auxquelles on a pu assigner un rôle physiologique certain. Une réaction contre le découpage tropdétaillé s’est dessinée. Von Bonin et P. Bailey abandonnèrent les divisions de Brodmann et ne firent figurer dans leur atlas cytoarchitectonique que de larges frontières. Actuellement l’hyperdécoupage cortical paraît un peu oublié.
- L’électroencéphalographie est l’enregistrement du voltage cérébral. Elle a été découverte en 1924 par Hans Berger (1873-1941). Gotch (1853-1913) et Horsley (1857-1916) avaient fait les premiers pas en 1 891 en enregistrant les courants électriques du cerveau des Mammifères à l’aide du galvanomètre à corde. L’importance diagnostique de l’électroencéphalographie est indiscutable mais la signification fonctionnelle des différentes ondes reste inconnue d’autant plus que les causes de leurs variations sont nombreuses : âge, état de veille et de sommeil, variations individuelles. Des remaniements fonctionnels peuvent avoir lieu chez un même individu.
- La stimulation électrique des aires corticales a rendu de grands services. Elle a d’abord été réalisée chez des patients porteurs de foyers épileptiques. Les noms à retenir sont Victor Horsley, neurochirurgien, R. Clarke, anatomiste (1908), D. Foerster (1936), Wilder Penfield (1950- 1960), Talairach et Szikla (1967). La stimulation électrique : 1) des aires motrices, provoque des mouvements localisés ou plus souvent des contractions musculaires isolées ; 2) les aires sensorielles sont aussi faites de points correspondant à des régions particulières : tactile pour aire dite somesthésique, rétine pour aire visuelle, cochléaire pour aire auditive ; il n’y a pas homothétie, c’est-à-dire de proportionalité entre la surface et sa représentation sur l’écorce. Les zones les plus importantes occupent un espace cortical plus étendu : la main, la macula rétinienne, par exemple, sont très étendues ; 3) les aires associatives non motrices et non sensorielles mais dévolues à l’attention, à la mémoire, à l’idéation, la préparation de l’action, sont dites muettes.
- La mesure du flux sanguin. Roy et Sherrington, en 1 890, ont établi un lien entre l’activité cérébrale et le flux sanguin. Plus une aire corticale fonctionne, plus elle capte de l’oxygène et du glucose qui sont les carburants de la matière grise.
Le débit sanguin cérébral (DSC) et le métabolisme cérébral ont été mesurés par des techniques des plus précises ; ce fut tout d’abord par inhalation de protoxyde d’azote (Kety, Schmidt, 1945 ; J. Espagno, 1952). Ce fut ensuite grâce à un traceur radioactif, le Xénon 1 33, en Suède D.H. Ingvar, au Danemark H. Lassen, et en France A. Bès, L. Arbus, Y. Lazorthes (Toulouse), les années 1970. On découvrit ainsi l’augmentation du débit sanguin global ou localisé dans le fonctionnement de l’écorce cérébrale.L’imagerie permet de voir le cerveau travailler.
– La tomographie par émission de positons (TEP) après administration d’un élément radioactif qui se transforme en émettant des positons (particules équivalents positifs de l’électron). On injecte par exemple de l’eau marquée avec l’hydrogène combinée à l’oxygène 15 (isotope radioactif de l’oxygène) 150 H2 à vie très courte (quelques minutes) et qui émet des positons. L’accroissement du débit sanguin cérébral augmente la diffusion de cette eau à travers la paroi des vaisseaux au niveau des aires actives ; cet accroissement est détecté par la caméra. On peut ainsi établir la cartographie des aires corticales…
– L’imagerie fonctionnelle par résonance magnétique nucléaire (IRM) découvre que les neurones actifs consomment plus de glucose, mais pas plus d’oxygène que les neurones au repos. Elle enregistre les variations hémodynamiques, c’est-à-dire du flux sanguin, consécutives à celles des activités synoptiques.
Ces techniques ont tout d’abord confirmé ce que l’on savait. Lorsqu’on bouge le pouce de la main gauche, l’écorce motrice correspondante droite s’active ; quand on parle, c’est la partie inférieure de la frontale ascendante… Les circuits de l’écorce cérébrale mis en jeu par des actions plus complexes : mouvements du membre supérieur, conversation, identification d’une personne ou d’un objet, sont aussi cartographiés.
L’imagerie a confirmé et a absolument démontré que l’écorce cérébrale est douée d’une certaine plasticité. Les fonctions complexes sont assurées non point par un site précis de l’écorce mais par plusieurs liés entre eux. L’écorce cérébrale peut être réorganisée par l’exercice. Des remaniements fonctionnels sont possibles : c’est ainsi que le cortex visuel des aveugles de naissance peut être modifié par la pratique du braille ; il y a probablement hyperfonctionnement des aires sensorielles tactiles et utilisation de zones du cerveau spécialisées dans la vision ; les aires visuelles des sourds-muets de naissance s’étendent en raison de la pratique du langage gestuel. Toute modification des données sensorielles, qu’elle soit subite comme la perte d’un bras ou routinière comme la pratique d’un sport ou d’un instrument de musique (violon), peut entraîner des changements tels que la redistribution de l’écorce d’un membre disparu à d’autres points du corps, ou l’extension d’un site plus fréquemment utilisé. La plasticité corticale est démontrée lorsqu’il y a répétition ; si l’on stimule une partie du corps, les ongles de la main par exemple, la surface corticale de projection de ces doigts s’accroît par rapport aux autres. L’imagerie démontre encore qu’après un long apprentissage, se fait une réorganisation, parfois une extension des aires corticales utilisées ; chez les violonistes, après des années de travail, les aires corticales associées aux mouvements des doigts s’étendent. Une équipe germanocanadienne a démontré aussi par IRM fonctionnelle l’élargissement de la zone activée par des stimuli auditifs chez des élèves de conservatoire.
Les états mentaux et les stimulations visuelles, auditives… sont enregistrés : le simple fait d’imaginer qu’on fait un mouvement active les zones motrices correspondantes ; ce qui veut dire que voir un objet ou l’imaginer, faire un geste ou s’imaginer qu’on le fait, suscitent la même activité cérébrale. La pensée vaut l’action. L’imagerie permet de voir le contenant de l’imagination, peut-être de la conscience et de la mémoire, mais pas le contenu. Il est possible de savoir si le sujet pense à quelque chose de visuel ou à une action mais pas à quoi… Il est aussi possible de découvrir les zones activées par un souvenir.
En définitive, les résultats sont relativement grossiers mais riches de promesses. Les études sont en cours. Peut-être permettrontelles de prendre en compte la grande variabilité cérébrale. Il existe en particulier des variations des aires du langage, surtout chez les gauchers, mais aussi chez les droitiers. Les cerveaux des cadavres se ressemblent du point de vue morphologique, mais aucun cerveau vivant n’est du point de vue fonctionnel semblable à un autre.
Vidéo: Les localisations cérébrales de l’antiquité à l’imagerie moderne : XXe siècle
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur: Les localisations cérébrales de l’antiquité à l’imagerie moderne : XXe siècle