L'interception des précipitations par la végétation
Les précipitations (Pi) qui parviennent à la surface de la biosphère n’atteignent pas toujours la surface du sol. Les feuilles et les branches, en agissant comme un écran, interceptent l’essentiel des précipitations. Une partie est ensuite égouttée, généralement avec une énergie cinétique moindre que celle de la pluie initiale, réduisant ainsi sa capacité érosive ; une partie est retenue assez longtemps pour être évaporée et ne jamais atteindre la surface du sol. Seule cette deuxième partie, qui constitue les pertes réelles, est désignée ici par le terme «interception» (I). On l’estime en comparant les valeurs de précipitation obtenues à l’air libre (Pi) et celles obtenues sous couvert, par simple soustraction. Mais cette mesure n’est pas simple, et il faut ajouter à la pluie mesurée sous le feuillage (Ps), l’eau qui, le long des branches et des troncs, est parvenue au sol par ruissellement (Pt). On écrit donc:
I = Pi – (Ps + Pt)
Le tout est exprimé en mm, comme la pluie, ce qui pose le problème de rapporter la valeur de l’eau mesurée au pied d’un tronc à une surface.
Différentes valeurs de l’interception selon les espèces végétales
Difficile à évaluer, l’interception varie énormément dans l’espace, principalement en fonction des espèces végétales et des conditions météorologiques. Très nombreux, les principaux facteurs qui contrôlent la capacité de la canopée à intercepter et stocker de l’eau, concernent le feuillage (la forme, la taille, la rugosité, la turgidité, l’orientation, la caducité, l’âge…) et notamment sa densité, d’où l’intérêt de prendre en compte un indice foliaire (LAI, de l’anglais Leaf Area Index) qui correspond au rapport entre la surface de toutes les feuilles et la surface de sol située à la verticale. Cependant, les branches de pins, avec leurs aiguilles, restent également de très bons intercepteurs, surtout par rapport aux feuilles caduques, plus sensibles au vent et à la chute.
Les forêts ombrophiles tropicales et subtropicales possèdent le plus fort taux d’interception. En climat tempéré, à partir d’une synthèse des travaux francophones, Humbert et Najjar concluent que l’interception moyenne d’une hêtraie varie de 14 à 33%, alors que, pour l’Epicéa et le Douglas, elle fluctue entre 20 et plus de 50%. Il existe par ailleurs des différences notables selon la saison. Pour le hêtre, les résultats oscillent entre 6% en hiver et 21 % en été. Pour le chêne, les statistiques sont respectivement de 22 et 34%. Mais ces chiffres sont extrêmement variables en fonction des conditions environnementales observées à l’échelle locale. La surface foliaire totale d’une végétation de graminées fermée mature en bon état n’est probablement pas très différente de celle d’une canopée, si bien que la capacité de stockage ne doit pas être tellement différente. Toutefois, parce que la rugosité, et donc la résistance aérodynamique, est plus faible pour une pelouse ou une végétation basse, et aussi parce que la période végétative est plus courte, l’interception annuelle totale est sensiblement inférieure, pour ce type de végétation, à celle, par exemple, d’une hêtraie. Beard propose des valeurs de l’ordre de 13%. Et si l’herbe est coupée pour le foin ou qu’un pâturage excessif en réduit considérablement la pousse, les valeurs de l’interception peuvent devenir très faibles.
Il reste qu’il est très difficile de tenir compte des variations spatio-temporelles en fonction des essences, des périodes de végétation ou encore des associations végétales, en dehors de très petits BVRE. De la même manière, s’il est maintenant couramment admis, après diverses expérimentations et modélisations numériques, que la dégradation des conditions végétales modifie les taux d’interception, il demeure délicat d’avancer des chiffres précis tellement les cas peuvent être différents.
L’impact des facteurs météorologiques
Si l’interception des précipitations est influencée par l’écran végétal, elle l’est aussi par de nombreux facteurs météorologiques. Ce sont surtout les caractéristiques d’inten- sité-durée des précipitations qui contrôlent, via la vitesse et l’intensité de l’évaporation, la capacité d’interception. Ainsi, le pourcentage d’interception diminue avec l’intensité des précipitations. Pour des forêts tropicales denses ombrophiles, l’interception de pluies faibles (environ 1 mm) est supérieure à 85 % alors qu’elle n’est que de 12% pour des pluies de 20 mm. En fait, la structure de l’épisode pluvieux joue un rôle essentiel et, à l’échelle d’une averse, l’interception est meilleure s’il s’agit d’une pluie fine et faible plutôt que d’une pluie de type orageux. Les précipitations reçues au sol sont proportionnellement moindres dans les régions enregistrant majoritairement des pluies de faible intensité, par exemple sous climats tempérés, que dans les régions de fortes précipitations, par exemple sous climat tropical. Lorsqu’une averse est fractionnée en plusieurs épisodes, une partie plus importante de l’eau interceptée mécaniquement par le feuillage peut s’évaporer par rapport à celle qui s’évapore lorsque la pluie est continue.
La phase des précipitations (liquide ou solide) joue aussi un rôle dans le processus d’évaporation et donc d’interception ; l’interception des précipitations neigeuses est particulièrement complexe puisqu’elle varie en fonction de la taille (et donc du poids) des flocons mais aussi surtout en fonction de la vitesse du vent.
Plus généralement, en relation avec la turbulence, les pertes par interception peuvent être moindres lorsque le feuillage est secoué par des vents violents qui augmentent les précipitations au sol. En contrepartie, un vent faible favorise le renouvellement d’un air non saturé au contact des surfaces mouillées, ce qui est favorable à l’évaporation et augmente alors les pertes par interception. Les changements du bilan radiatif affectent également le pouvoir évaporant de l’air.
Diverses formules proposent de calculer les pertes par interception. Elles sont toutes basées sur la prise en compte d’une capacité de stockage de la canopée (en relation avec le LAI) et d’une vitesse d’évaporation au cours même de l’épisode pluvieux. Ces différents paramètres sont, soit mesurés expérimentalement, soit déduits de calculs de bilan d’énergie, ou bien encore extrapolés à partir de valeurs proposées dans la littérature. Pourtant, il reste toujours très délicat de faire des comparaisons pertinentes entre les valeurs établies pour différents types de végétations et pour différentes régions du globe.
Interception horizontale
Un autre type d’interception, qu’on pourrait appeler interception horizontale, résulte de la collecte directe de l’eau par certains substrats, en dehors du cadre classique des processus pluviométriques. Cette interception horizontale est fortement corrélée au type d’hydrométéores ; elle est surtout forte au sein d’hydrométéores de surface tels que le brouillard, la rosée ou d’autres formes stratiformes. Son rôle est essentiel dans l’alimentation en eau de certains écosystèmes vivants dans des conditions hydrologiques extrêmes (par exemple dans les déserts de Namibie ou d’Atacama au Chili) mais aussi dans certaines forêts toujours vertes équatoriales d’altitude (par exemple, la forêt du Mayombe au Congo-Gabon). L’interception horizontale, même très faible en terme d’apport en eau, peut jouer un rôle essentiel dans certaines conditions climatiques, en permettant à la végétation de diminuer fortement son stress hydrique jusqu’aux prochaines pluies.
Vidéo : L’interception des précipitations par la végétation
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur : L’interception des précipitations par la végétation