Mouton, mouflons
Les mouflons sont des bêtes râblées, assez courtes sur pattes. Les brebis ont des cornes petites et grêles, celles des béliers sont plus puissantes et peuvent peser jusqu’a 25 kilos chacune. Elles poussent pendant toute la vie de l’animal, et tendent à former une hélice horizontale car elles s’allongent en se déspiralisant.
Les différentes formes présentent une silhouette homogène mais une grande variabilité de poids : de 20 kilos pour une petite femelle de mouflon de Corse à 200 kilos pour un grand mouflon de Marco Polo mâle. Le pelage est plutôt de couleur claire, blanc même chez le mouflon de Dall,brun foncé en revanche chez le mouflon corsosar- de; la bourre du poil, fine et abondante, donne la laine par hypertrophie. Ce caractère lainier a été constamment sélectionné depuis des millénaires. Il est le plus développé chez la race mérinos, qui en devient presque monstrueuse.
Un groupe récent dans une vieille lignée
Les caprinés se sont individualisés il y a 15 millions d’années, dans une Eurasie encore tropicale; parmi eux, les ovins se sont dégagés tout récemment, avec les premières glaciations. Leur adaptation au froid – corps râblé, membres courts, pelage très isolant, appétence pour des végétaux dédaignés par les autres ongulés – leur a permis de coloniser montagnes et déserts, et même de passer l’isthme de Béring vers l’Amérique, ce que ne feront pas les bouquetins.
Le mouflon de Corse et de Sardaigne est un mouton néolithique retourné à l’état sauvage il y a plusieurs millénaires; originaire d’Asie Mineure, il a été introduit dans les îles sous la forme d’un animal à peine domestiqué, qui a eu tôt fait de recouvrer la liberté. Il ne devait guère porter de laine, ou bien celle-ci a été éliminée par la sélection naturelle. Il reste très peu de mouflons en Corse et en Sardaigne, mais, comme cet animal s’adapte bien, il a été lâché en Europe continentale, où on en trouve des milliers. En France, on peut en rencontrer dans les Alpes, le Massif central et les Pyrénées. Le mouflon de Corse se croise très facilement avec le mouton domestique, donnant des animaux robustes et remuants.
Une vie de montagnards
Les mouflons, présents en Eurasie et en Amérique du Nord, occupent les montagnes en zone chaude et les plaines en climat froid. Ils n’ont pas pris pied en Afrique, où le mouflon à manchettes constitue un genre à part, solidement installé. En Amérique, ils vivent en haute montagne. Ils sont assez indifférents au relief, à condition de disposer de sols pierreux à la végétation clairsemée.
La chasse et la domestication ont beaucoup réduit ! aire initiale des mouflons : ils sont de plus en plus confinés dans les massifs montagneux et les régions très arides, si l’on excepte ^’extension récente, d’origine humaine, du mouflon corse en Europe. En France. la chasse et le braconnage limitent son extension spontanée; si on le laissait tranquille, il pourrait s’approprier tous les terrains découverts ou les clairières, pourvu qu’ils soient un peu secs.
Un comportement moutonnier…
Les piémonts caillouteux des reliefs à végétation ouverte constituent le milieu idéal pour les mouflons : ils peuvent voir venir les prédateurs terrestres et prendre la fuite en groupes serrés longtemps avant leur arrivée; en milieu forestier un peu fermé, ils sont souvent surpris par les carnivores. Plutôt diurnes, ils vivent en troupeaux séparés de mâles et de femelles. Les brebis et les jeunes sont menés par une femelle âgée ; ces troupeaux peuvent se réunir en groupes plus vastes.
En dehors du rut, les mâles vivent en petites troupes. A l’époque des chaleurs (d’octobre à décembre en Europe), ils se rapprochent des brebis et s’affrontent à grands coups de cornes, d’une façon ritualisée qui occasionne rarement des blessures. Les coups de tête sont très violents, mais sans conséquences graves : les montagnes résonnent de ces chocs spectaculaires, où le gagnant est celui qui a fait reculer, même imperceptiblement, l’adversaire. Ces combats sont entrepris calmement et avec une certaine «discipline» ; celle-ci, altérée, a persisté chez l’animal d’élevage, qui a adopté le comportement moutonnier cher à Panurge!
Les mouflons sont des paisseurs, capables de brouter si nécessaire ; ainsi, dans les milieux méditerranéens, ils se satisfont du maquis, avec ses essences résineuses et vénéneuses. Dans ces régions, ils tirent profit d’une végétation par ailleurs inexploitable ou «non valorisable». Vigilants et véloces, comparés à leurs descendants domestiques, les mouflons détalent avec agilité en sautant les obstacles quand ils sont menacés.
Les croisements fréquents et involontaires avec des moutons d’élevage extensif, qui donnent des agneaux que haies et barrières n’arrêtent pas – à la grande surprise des éleveurs -, ont abâtardi les mouflons de Corse et de Sardaigne, au point que les brebis sauvages de ces populations n’ont parfois plus de cornes : on dit qu’elles sont acères, ou inermes.
Une faible fécondité
Bien que leur maturité sexuelle survienne assez tôt (à un peu moins de 1 an pour les femelles, 18 mois pour les mâles), les mouflons n’ont pas une fécondité extraordinaire. Le petit unique est la règle chez le mouflon d’Europe, les jumeaux étant beaucoup moins fréquents que chez les races domestiques.
L’agneau naît après une gestation qui dure cinq mois, chez l’urial indo-iranien, ou six mois, chez le Marco-Polo d’Asie centrale. Les mouflons américains sont encore moins fertiles, les jumeaux y sont exceptionnels.
L’allaitement dure environ six mois. A la saison du rut, les jeunes sont momentanément écartés de leurs mères en chaleur par les béliers intolérants. Les jeunes brebis restent dans le troupeau maternel, tandis que les jeunes béliers s’éloignent progressivement à partir de leur deuxième année, pour s’incorporer aux groupes de mâles, où ils se livrent à des simulacres de combats sans agressivité, qui entretiennent les aptitudes des futurs rivaux de la saison du rut.