William Crookes, le retour
William Crookes, le retour
En 1903, à plus de soixante-dix ans, Crookes revient sur le devant de la scène. Le physicien britannique s’intéresse à la radioactivité. Il l’a pratiquement vu naître, puisque le dimanche 1ermars 1896, il rendait justement visite à Henri Becquerel au moment où celui-ci découvrait que les rayonnements uraniques n’étaient pas un phénomène lié à la fluorescence. Depuis lors, Crookes a inventé un nouvel appareil, le spinthariscope. Derrière ce nom savant se cache un dispositif très simple, mais très démonstratif et amusant . Il s’agit d’un échantillon contenant une faible quantité de radium mise en regard d’un petit scintillateur – un morceau de sulfure de zinc -, l’ensemble étant placé devant une loupe puissante – en l’occurrence, l’oculaire d’un microscope. Lorsque l’on observe dans l’obscurité ce scintillateur, grossi par le système de lentille, on voit apparaître, sur sa surface, de petits points lumineux qui s’éteignent aussitôt. Ces étoiles minuscules et fugaces matérialisent l’impact des particules alpha rencontrant le détecteur. Mais ce qui est frappant, c’est que, lorsque la source est suffisamment faible, on voit ces petites étoiles s’allumer une à une. On peut ainsi observer, pratiquement à l’œil nu, l’émission de chaque particule alpha de radioactivité. Le spinthariscope de Crookes devient rapidement ce que l’on appellerait aujourd’hui un « gadget » à la mode. On s’amuse a faire voir la radioactivité à ses amis… Mais l’important pour Crookes, pour les physiciens, et pour notre histoire, c’est que chacun peut constater que ces scintillations arrivent absolument au hasard, et dans l’espace et dans le temps. La radioactivité, qui, dans les expériences de Pierre et Marie Curie, fournissait un courant d’ionisation pratiquement constant, perd complètement ce caractère de régularité. Le phénomène est permanent, mais le temps qui sépare l’émission successive de deux particules n’est jamais exactement le même. C’est ce que l’on appelle un phénomène « aléatoire ». Le point du détecteur où se produit la scintillation change également sans arrêt, et de façon totalement désordonnée. Le spinthariscope permet donc de constater de visu que le hasard joue un rôle dans les phénomènes physiques.
Même s’ils savent, notamment depuis les importants travaux de Maxwell et Boltzmann sur la théorie statistique, que le comportement de chaque molécule ou de chaque atome d’un gaz est régi par le hasard, les physiciens des années 1900 n’observent pas couramment des phénomènes aléatoires. Ils sont habitués au déterminisme, et à la stricte reproductibilité des expériences. Lorsque l’on ouvre un robinet, le fluide s’écoule, et lorsque l’on ferme le robinet, cet écoulement cesse. Il en est de même pour le courant électrique. Les grands flux de particules se comportent de façon régulière, parce que les grands nombres concernés gomment les fluctuations dues au hasard. Mais lorsqu’il s’agit de petits flux, comme dans l’émission de rayonnement a par les faibles sources de radium, ce dernier reprend tous ses droits. Grâce à la radioactivité et au spinthariscope, les physiciens peuvent désormais toucher du doigt cette importante propriété. Au déterminisme devra désormais être associée la notion de probabilité. Cette notion apparaît d’ailleurs clairement dans l’énoncé des lois de la radioactivité par Rutherford et Soddy.Chaque atome possède bien une probabilité constante de se désintégrer dans un intervalle de temps donné, mais il ne s’agit que d’une probabilité, et nul ne peut prévoir quand cette désintégration se produira réellement.
Vidéo : William Crookes, le retour
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