Qu'est-ce qu'une vague scélérate ?
Qu’est-ce qu’une vague scélérate ?
Totalement imprévisible et semblant surgir de nulle part, c’est une vague d’une amplitude sans commune mesure avec ce que laisse présager l’état de la mer au moment où elle se forme.
Généralement, les vagues normales, même assez hautes, montent en pente douce et se laissent franchir sans problèmes majeurs. Les vagues scélérates, au contraire, sont très fortement cambrées et s’apparentent à de véritables murs d’eau. Elles ont déjà endommagé nombre de plates-formes pétrolières.
En 1982, Océan Ranger disparaissait au large de Terre-Neuve avec à son bord quatre-vingt-quatre personnes. Le 1er janvier 1995, c’était au tour de la plateforme Draupner, amarrée en mer du Nord, au large de la Norvège, de rencontrer une vague monstrueuse de plus de trente mètres de haut (18 mètres au-dessus du niveau moyen), la vague du Nouvel An, dans une zone pourtant dépourvue de courants significatifs.
Les paquebots n’ont pas été épargnés. Les bâtiments de la Cunard avaient la triste réputation d’attirer les vagues scélérates. En 1942, le Queen Mary, avec à son bord quinze mille soldats américains, manqua chavirer près des côtes européennes.
En 1993, le Queen Elizabeth s’enfonçait dans le creux d’une vague géante au large du Groenland, ce qui eut pour effet de démolir le pont avant et briser les vitres de la passerelle pourtant située à 27 mètres au-dessus de la ligne de flottaison. Et en 1995, le Queen Elizabeth II, lui aussi, rencontrait une vague d’une telle amplitude que le commandant éprouva la sensation de « foncer droit sur les falaises de Douvres ».
Alors que l’origine sismique des tsunamis n’est plus mise en cause, les mécanismes responsables des vagues scélérates demeurent encore mystérieux et aucune explication ne fait actuellement l’unanimité.
Un rôle des courants a parfois été évoqué. Au large de l’Afrique du Sud, la rencontre du courant des Aiguilles, qui descend de l’Océan Indien avec la houle venue des quarantièmes rugissants, qui remonte vers le Nord-Est, pourrait constituer une explication. Les courants océaniques, s’opposant aux vagues poussées par le vent, créeraient un embouteillage favorisant la montée de l’eau.
Mais les vagues scélérates apparaissent même là où les courants sont absents. En général, elles surviennent plutôt par mer forte et vent violent. Les vagues jeunes fraîchement levées, de grandes longueurs d’onde et particulièrement raides, rattraperaient les vagues plus anciennes et plus lentes, d’où un effet d’empilement. Cependant le phénomène a été également observé lors d’accalmies.
Le vent limite généralement l’élévation des vagues en les faisant déferler et en dissipant leur énergie. Lorsqu’il tombe, plus rien ne s’oppose à ce que certaines vagues enflent démesurément.
Les photographies prises par satellites incitent à une approche bidimensionnelle, montrant des superpositions de vagues se propageant dans des directions différentes. Ces observations concordent avec les simulations les plus récentes selon lesquelles il ressortirait que deux vagues de trois mètres se rencontrant à quarante-cinq degrés pourraient créer une vague de dix mètres, en l’espace de dix minutes.
La théorie de la houle classique a longtemps nié l’existence de vagues dont l’amplitude dépasserait la somme des amplitudes de leurs composantes. Cette théorie se base sur l’approximation dite linéaire des équations de la mécanique des fluides, valable uniquement pour de « petits » mouvements. Dans la réalité, la hauteur de la vague joue et pas seulement sa longueur d’onde.
Les physiciens planchent à présent sur les théories non linéaires. Le mathématicien Al Osborne, spécialiste de la dynamique non linéaire dans les fluides, a suggéré que les vagues scélérates appartiendraient à la catégorie des solitons. Ces ondes solitaires se propagent sans déformation dans des milieux non linéaires, ignorant les lois classiques de la dispersion1.
Les chercheurs ont proposé une équation d’onde du type de l’équation de Schrödinger, laquelle rend compte de la création de particules en mécanique quantique. Le comportement non linéaire de la propagation des vagues ferait que la vague apparaîtrait dans un train de houle et volerait de l’énergie aux vagues voisines qui s’amenuiseraient.
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