Antimatière : trouvé par Anderson
Trouvé par Anderson
Au début des années 1930, au « California Institute of Technology » de Pasadena, le jeune physicien Cari Anderson, un des élèves de Millikan, se met à construire des chambres à détente pour étudier le rayonnement cosmique. Ce rayonnement, comme son nom l’indique, provient de l’Univers et des étoiles. Lorsqu’il atteint les hautes couches de l’atmosphère terrestre, il est composé principalement de protons, mais contient aussi, en proportions variables, des photons, des électrons, et tous les noyaux du tableau de Mendeléiev. Son énergie couvre une très large gamme, et il recèle ainsi les particules les plus énergétiques que l’on puisse observer. Mais ce rayonnement « primaire » interagit avec les électrons et les noyaux des gaz constituant l’atmosphère, créant de véritables gerbes au cours de collisions plus ou moins violentes. Il en résulte que l’on peut observer au niveau du sol terrestre, toutes sortes de corpuscules venant de n’importe quelle direction.
Pour tenir compte de ce fait, Cari Anderson a introduit, à l’intérieur de sa chambre de Wilson, des plaques métalliques de différentes épaisseurs. D’autre part, ce détecteur comporte, comme celui de Joliot, un champ magnétique puissant qui courbe les trajectoires des particules chargées en fonction de leur vitesse et de leur rapport q/m). Les plaques métalliques qu’il a ajoutées lui sont d’une double utilité :
- Elles facilitent l’identification des particules. En effet, selon leur nature et leur énergie, certaines d’entre elles sont absorbées par des plaques ayant une épaisseur donnée (par exemple 6 mm de plomb), et d’autres non.
- Lorsqu’une particule traverse une de ces plaques, son énergie à la sortie est toujours plus faible qu’à l’entrée. La courbure de la trace laissée après la plaque est donc toujours plus forte qu’avant (le rayon du cercle correspondant est plus faible). L’examen de la forme des trajectoires lui permet ainsi de déterminer à coup sûr le sens de circulation de la particule, donc le signe de sa charge.
Et voilà qu’un beau jour d’août 1932, Anderson, alors âgé de vingt-sept ans, obtient un cliché surprenant. L’une des particules traversant sa chambre à détente, manifestement un électron suit une trajectoire courbée dans le mauvais sens !
Les faits sont indiscutables : la vitesse de la particule est incontestablement orientée de haut en bas, puisque c’est la partie basse de la trajectoire qui présente la plus forte courbure. Le sens de cette courbure montre alors que la particule la parcourt dans le sens trigonométrique. Or, d’après le sens du champ magnétique appliqué, ce sont les particules de charge positive qui tournent dans ce sens. En particulier, les trajectoires de tous les électrons observés les jours précédents et le même jour sont incurvées dans l’autre sens.
La seule particule positive connue est alors le proton. Mais deux raisons indiquent à notre expérimentateur qu’il ne s’agit pas d’un proton, mais bien d’un électron :
- la densité de gouttelettes laissées le long de sa trajectoire est identique à celle des milliers d’électrons qu’il a déjà observés dans cette chambre, et qu’il reconnaît toujours au premier coup d’œil ;
- la particule observée traverse aisément les six millimètres de plomb de la plaque métallique, alors qu’un proton dont la trajectoire aurait la même courbure aurait une bien trop faible énergie pour cela, et serait absorbé.
Anderson n’est pas au courant des prédictions de Dirac. Cette observation le trouble énormément. Cependant, après avoir confirmé ce résultat par d’autres observations identiques, il annonce qu’il a découvert un électron positif, qu’il nomme « positron ». Le terme français sera « positon ». Il publie ce remarquable résultat quelques mois plus tard dans la revue américaine Physical Review.
Vidéo : Antimatière : trouvé par Anderson !
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