La naissance de Zoé
La naissance de Zoé
Zoé n’était pas un réacteur nucléaire destiné à produire de l’énergie. Comme Fer- mi à Chicago, et comme les Canadiens, les chercheurs français avaient imaginé un prototype visant à mettre en œuvre une réaction en chaîne dans des conditions minimales. C’est ce que signifiait la première lettre de son nom : Zéro énergie. Grâce à cette sage décision, les constructeurs de Zoé pouvaient en particulier se dispenser de la technologie complexe des circuits de refroidissements, et limiter la protection contre les rayonnements à son strict minimum. C’est ainsi que Zoé fut installée dans un hangar de l’ancien fort de Châtillon, devenu propriété du tout jeune Commissariat à l’énergie atomique . Comme dans les quatre pays qui avaient précédé la France dans cette aventure, il avait également été décidé d’utiliser l’uranium naturel comme combustible, afin d’éviter la mise en œuvre de lourdes usines de séparation d’isotopes. Plus précisément, c’est l’oxyde d’uranium qui avait été choisi. C’est ce que signifie la seconde lettre de Zoé (o comme oxyde). Dans ces conditions, comme l’avait pressenti Joliot dès 1940, et comme l’avaient confirmé les études ultérieures, le modérateur choisi devait être absolument être le graphite ou l’eau lourde. Fidèles à leur première idée, les Français avaient choisi ce ralentisseur liquide et ils s’étaient à nouveau tournés vers la Norvège pour s’en procurer quelques tonnes. Ainsi s’expliquait la troisième lettre de Zoé : e comme « eau lourde ».
Après une vingtaine de mois de préparation minutieuse et laborieuse, dans un pays ravagé par la guerre, et où tous les matériaux étaient encore sévèrement rationnés, vint le jour tant attendu du démarrage de Zoé. La première pile atomique française était constituée d’une cuve cylindrique entourée de graphite destiné à réfléchir les neutrons qui s’en échapperaient, et blindée par un mur de béton. La cuve, dans laquelle allaient être versées progressivement quelques tonnes d’eau lourde, contenait des gaines d’aluminium remplies de pastilles d’oxyde d’uranium naturel. Bien entendu, le terme « zéro énergie » constituait un abus de langage, puisque toute réaction de fission dégage obligatoirement de l’énergie. Dans le cas de Zoé, il avait simplement été décidé que sa puissance maximale serait limitée à 300 kilowatts, et, pour les premiers essais, le réacteur serait arrêté bien avant l’obtention de cette puissance, en insérant, entre les gaines contenant l’uranium, des barres de cadmium capables de capter efficacement les neutrons. En fait, la puissance était mesurée indirectement par le flux de neutrons et de rayonnements gamma au moyen de compteurs entourant la pile.
La mise en service de Zoé fut remarquablement réussie. Frédéric Joliot y assistait et on lui avait confié l’importante mission de tenir le cahier de manipulation. C’est donc de la main même du grand homme que sont consignées les phases successives de cet essai « grandeur nature », et ce cahier est devenu un véritable document historique.
Le remplissage de la cuve par de l’eau lourde avait commencé à l’aube du 15 décembre 1948. Quelques frémissements furent notés dans le courant de la matinée, et c’est peu après midi que Joliot annonça le succès de l’opération à l’ensemble du personnel de Châtillon réuni devant les portes du hangar.
Vidéo : La naissance de Zoé
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