Poissons osseux
Il est difficile de donner, même approximativement, le nombre d’espèces de poissons osseux. Les derniers apparus sur notre globe, il y a environ 220 millions d’années, les téléostéens, en représentent à eux seuls plus de 99 %. Pendant les 4,30 millions d’années qui nous séparent de leur apparition, les poissons osseux ont diversifié un grand nombre de types différents qui pour la plupart ont disparu ; ceux qui ont survécu sont si peu nombreux qu’ils sont considérés comme des rescapés de ces périodes anciennes, des fossiles vivants. On compte ainsi dans la faune actuelle six espèces de dipneustes, un seul crossoptérygien, le cœlacanthe, dix polyptères. vingt-cinq esturgeons et spatules, sept lépisostées et une amie. Il faut comparer ces effectifs à ceux des téléostéens qui. avec près de 25 000 espèces, sont en pleine expansion et constituent de loin le plus riche de tous les groupes de vertébrés.
Les raisons d’une réussite
Comment expliquer une telle réussite? Tout d’abord grâce à l’os. Ce tissu squelettique. solide et léger, qui croît et se renouvelle sans cesse remplace avantageusement le cartilage épais et calcifié des requins, raies ou chimères. Apparu chez les premiers vertébrés qui se protégeaient des prédateurs en s’enfermant dans une lourde carapace, l’os se substitue chez les poissons osseux au squelette cartilagineux des embryons et par-achève sa suprématie chez les téléostéens.
Le second élément favorable vient de la structure des écailles. La carapace d’os dermiques des poissons de l’ère primaire s’allège peu à peu. Aux écailles épaisses des polyptères et lépisostées, aux scutelles des esturgeons s’opposent les écailles élasmoïdes, minces mais se recouvrant partiellement, des dipneustes, cœlacanthe, amie et téléostéens. Les poissons ainsi allégés n’ont pas la même stratégie vis-à-vis des prédateurs qui les menacent : ils remplacent l’immobilité que leur impose la protection d’une lourde cuirasse par la mobilité d’un corps rendu plus léger, ce qui leur permet non seulement de fuir pour échapper à l’ennemi, mais aussi d’explorer plus facilement le milieu, de conquérir de nouvelles niches écologiques et de se diversifier.
Les nageoires des poissons osseux sont soutenues chez l’embryon par des actinotriches constitués d’une protéine proche de la kératine de nos cheveux. Les lépidotriches qui leur succèdent sont des écailles modifiées. Ils peuvent rester souples (rayons «mous») ou s’ossifier (rayons épineux), devenant dans ce dernier cas des organes de protection, parfois associés à des glandes venimeuses. Chaque rayon d’une nageoire impaire est mû par des muscles qui la dressent ou la couchent dans le plan sagittal tandis que d’autres muscles l’inclinent sur un flanc ou sur l’autre, ce qui permet d’affiner les mouvements et de manœuvrer dans des environnements très complexes, Il suffit d’observer un poisson-papillon qui se glisse entre les bouquets de coraux pour apprécier la maîtrise avec laquelle il se dirige et évite les obstacles.
La respiration branchiale
Les fentes branchiales des poissons cartilagineux, ouvertes à l’extérieur, sont un des points faibles des requins et des raies. Les chimères les recouvrent d’un repli cutané. Les poissons osseux : Ont mieux encore : un opercule, armé d’os dermiques. assure la protection de la région branchiale, dont l’ouverture se limite dès lors à une fente postérieure. La partie ventrale du repli operculaire est soutenue par des rayons branchiostèges ; la musculature liée à ces os permet au poisson d’effectuer des mouvements respiratoires. En effet, alors qu’un poisson qui nage n’a qu’à ouvrir la bouche pour faire passer ! eau sur ses branchies, dès qu’il est à l’arrêt, il lui faut faire alterner une première phase bouche ouverte pour aspiration, avec une seconde phase pendant laquelle il ferme la bouche et chasse l’eau par ses branchies.
Une dernière explication au succès des poissons osseux est l’usage qu’ils ont su tirer des sacs aériens de leurs ancêtres paléoniscoïdes. Si la plupart ont conservé leur fonction hydrostatique, d’autres en ont fait des poumons. Alors que les dipneustes et les polyptères utilisent ces poumons comme complément à la respiration branchiale, le cœlacanthe, qui vit dans les eaux profondes de l’océan Indien, en a perdu l’usage et ne garde qu’un organe dégénéré. Respirer l’air en nature est-il réservé aux poissons pulmonés et aux tétrapodes? La vessie gazeuse, irriguée elle aussi par des vaisseaux sanguins, peut compléter la respiration branchiale si elle garde sa connexion avec le pharynx. C’est ce que l’on observe chez l’amie et les lépisostées ainsi que chez certains téléostéens parmi les plus primitifs. D’autres modes de respiration aérienne, parfois fort surprenants, comme le «poumon intes-tinal» des loches, montrent que la nature a fait preuve d’imagination pour l’adaptation à des conditions de vie difficiles