Les fenêtres étroites du cerveau
Les stimulations sensorielles du cerveau
Le cerveau ne fonctionne et ne s’organise que s’il est activé par des stimulations sensorielles : vision, audition, toucher, olfaction, gustation. A mesure qu’il fonctionne, des circuits se constituent, se renforcent ou s’atrophient. Le fonctionnement est indispensable à la persistance des structures et à la constitution des connexions interneuronales. On en parlera dans l’étude du cerveau de l’enfant (IVe partie).
Il y a lieu, en ce point, de rappeler que les neurones qui meurent ne sont pas remplacés, que nous naissons avec un capital de neurones définitif, toute perte est irréversible. Il reste à vérifier ce que, récemment, des chercheurs américains et suédois ont constaté chez des Rongeurs : l’hippocampe serait capable de neurogénèse ; ils l’auraient aussi constaté chez l’Homme ?
Nous prenons contact avec le monde extérieur grâce à nos organes sensoriels tactiles, optiques, sonores, gustatifs, olfactifs… Nous n’en aurions aucune conscience si nous étions placés dans un espace vide de matière, de radiation, de stimulus. Le monde doit sembler différent de ce qu’il est pour nous aux animaux de petite taille. La pesanteur qui agit sur notre corps est négligeable pour les Insectes qui ont une surface proportionnellement importante par rapport à leur poids. Ils peuvent marcher sur un mur vertical ou à la surface de l’eau ; l’étendue de nos perceptions est limitée par nos possibilités de détection. Un monde inconnu reste définitivement hors de notre portée. Nos sens imparfaits ne nous révèlent qu’une étroite bande de radiations, une partie des ondes, un aspect approximatif de la matière .
Notre vision ne perçoit que de 320 à 820 nanomètres (milliardième de mètre), alors que les longueurs d’onde vont de 0,1 nanomètre à plusieurs kilomètres pour les ondes radio. Notre oreille ne perçoit que de 20 hertz ou cycles par seconde (sons graves) à 20 000 hertz (sons aigus) ; au- dessous sont les infrasons peu étendus, au-dessus les ultrasons au contraire très étendus. La chauvesouris perçoit 120 000 hertz. L’olfaction intervient dans l’alimentation, l’orientation et la reproduction. Comme chez l’ensemble des grands Singes, notre odorat a régressé par rapport à ce qu’il est chez la plupart des animaux. Il est nettement inférieur à celui des Insectes : fourmis, abeilles, des Poissons, des anguilles et de certains Mammifères tel le chien capable de se diriger sur de grandes distances par l’odorat.
Les organites et les organes sensoriels qui reçoivent les stimulations venues de l’extérieur et de la profondeur de notre corps, les aires sensorielles de l’écorce cérébrale qui perçoivent, les centres qui interprètent, reconnaissent et stockent, ne nous permettent pas d’atteindre et d’intégrer la réalité du monde. Le réel ne peut pas être atteint par les seules constatations de nos sens et par les supputations élaborées à partir des données qu’ils fournissent.
Les sens ne suffisent certainement pas. Avec des systèmes sensoriels supérieurs aux nôtres : l’odorat du chien, la vue de l’oiseau de proie, l’ouïe de la chauve-souris, le sens de l’orientation du pigeon… on n’atteindrait pas une vision globale et totale du monde. Avec des appareils de plus en plus puissants, qui prolongent et suppléent nos organes sensoriels… on n’aura jamais une connaissance complète et parfaite du réel, car on n’explorera toujours qu’une infime partie de l’infiniment petit et de l’infiniment grand.
La sensation n’est pas le reflet fidèle de la réalité, et de plus elle nous trompe parfois. Elle ne nous révèle que des objets et les êtres qui sont à notre mesure ; nous les appelons grands ou petits ; mais c’est bien relatif puisque c’est par rapport à nous. Elle ne nous permet pas de connaître ce qui est trop vaste ou trop menu : l’étoile lointaine qui habite l’espace ou l’animalcule qui est dans la goutte d’eau nous demeure caché. Toutes nos idées de proportion sont fausses puisqu’il n’y a pas de limite possible dans l’immense ou dans l’infini. Nous touchons les choses et les êtres qui nous entourent ; ils nous paraissent solides et, pourtant, nous savons qu’ils sont faits de corpuscules porteurs d’énergie qui s’agitent dans un immense vide… C’est aussi vrai pour l’atome que pour le cosmos. « Les sens abusent la raison par de fausses apparences » disait B. Pascal à une époque où la physique nucléaire et l’astrophysique étaient inexistantes. La science a conçu un Univers fait d’ondes et de corpuscules ; cette conception n’a qu’une probabilité de vérité, mais elle a l’avantage d’être logique et utilisable à des réalisations étonnantes.
« Je sens donc je suis » disent certains. Le « je pense donc je suis » de Descartes est plus juste. La pensée caractérise l’Homme, et non ses sens qui ne sont pas parmi les meilleurs. Elle supplée à leur insuffisance par le raisonnement et par l’extrapolation suprarationnelle qui découvrent progressivement le « comment » du monde sans jamais atteindre le « pourquoi ».
Vidéo: Les fenêtres étroites du cerveau
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