L'intervention de l'homme : L'action conjointe du social et du biologique
Les acquisitions sociales se transmettent comme si elles étaient d’ordre génétique. « Une croyance, a écrit Charles Galton-Darwin (1953) (petit-fils de l’illustre auteur de L’origine des espèces), peut, comme les gènes de l’Homme, être capable de produire un effet permanent sur l’humanité. Il en est de même des traditions, des convictions, des habitudes, des mœurs, et coutumes ; elles peuvent libérer l’Homme des exigences de son milieu naturel et augmenter son champ d’action ; elles peuvent aussi, au contraire, créer un milieu restrictif et limiter son action ». Il est souvent difficile de faire la part, dans les transformations évolutives, de ce qui dépend des facteurs héréditaires et de ce qui résulte de l’influence du milieu… difficile de faire en somme la différence entre l’héréditaire et l’acquis. Questions toujours discutées… du libre arbitre et de la responsabilité… La flore est influencée par le climat et par le sol où elle pousse. La taille des animaux, l’importance des couvées sont influencées par la latitude… L’homme peut être lui-même physiquement modifié… Les exemples ne manquent pas. On a longtemps cru que le taux du métabolisme basai des Chinois, plus faible que le nôtre, était la cause de leur calme ; or leur métabolisme s’élève dès qu’ils vivent à San Francisco, tandis que le nôtre s’abaisse dès que notre séjour se prolonge en Extrême-Orient. Il y a dix ans, les Esquimaux de la côte est du Groenland furent l’objet d’une étude anthropologique. Les mesures publiées signalaient des caractères physiques des plus caractéristiques ; énormes maxillaires, régions temporales hypertrophiées, faces très larges, dents usées. Vingt ans plus tard, un anthropologue danois trouva des chiffres totalement différents. Que s’était-il passé ? Au lieu de mastiquer dès leur enfance la dure et coriace viande de phoque, de ronger les os pour leur arracher le moindre morceau, au lieu de mâcher continuellement le cuir pour l’assouplir et façonner bottes et courroies, ce qui hypertrophiait leurs muscles masticateurs, leurs mâchoires et usait leurs dents, les Esquimaux avaient reçu des Américains des nourritures variées et des bottes… Le psychisme est influencé par le milieu plus encore que le physique. Prenons deux exemples : la fécondité et l’éducation. La fécondité paraît avoir un sens essentiellement héréditaire ; cela n’est vrai de façon absolue qu’en biologie animale… car dans les variations de la natalité humaine, interviennent davantage en effet les influences culturelles, la religion, les mœurs, la mode, l’aide sociale. Un auteur américain a pu écrire dans une vision un peu simplifiée : « Si l’on constate que dans le monde l’intelligence est inversement proportionnelle à la fécondité, cela n’est en réalité tout simplement que le résultat du fait que les personnes ignorantes le sont dans leur pratique reproductive comme ailleurs. » L’éducation doit favoriser l’épanouissement des potentialités héréditaires. L’homme n’a de croissance correcte qu’en société et les résultats sont d’autant meilleurs que la société est plus humaine. L’enfant coupé à la naissance de tout contact humain devient un anormal ; il n’acquiert pas d’aptitudes humaines ; n’ayant pas rencontré le langage humain au moment où la maturation de son cerveau le fait jaser, il ne développe pas les aptitudes de son cerveau au langage et à la pensée humaine. Les premières années sont très importantes ; il y a un âge de la parole, un âge de la marche, un âge de la lecture, de l’algèbre… Tout devient difficile quand l’âge est passé. Avant l’âge de sept ans, un enfant de peuplade primitive transplanté dans notre civilisation ne sera pas différent des autres… Le tempérament, le caractère, l’intelligence sont pour une grande part conditionnés par Thérédité ; une éducation correcte favorise leur épanouissement et cultive les qualités que l’enfant porte en lui ; les déficiences éducatives nuisent au contraire aux potentialités héréditaires. Il y a des milieux humanisants qui exaltent les capacités et des milieux déshumanisants qui les inhibent.