Les mutations géniques : Les différents types
Si sa structure en double hélice confère à la molécule d’ADN une remarquable stabilité, il n’en demeure pas moins vrai que celle-ci se trouve parfois prise en défaut. On décrit en effet de nombreuses altérations de la séquence des nucléotides. Seules les altérations transmissibles à la descendance par voie asexuée ou sexuée porteront le nom de mutation. Celles-ci affectent des portions plus ou moins vastes de la molécule d’ADN, depuis la simple paire de nucléotides jusqu’à un chromosome entier.
Ces modifications concernent des séquences relativement courtes, dont la longueur est en tout cas inférieure à celle d’un gène. Elles peuvent affecter la partie transcrite ou les séquences régulatrices.
LES DIFFERENTS TYPES
Les substitutions consistent en un remplacement d’une paire de nucléotides par une autre. Il y a transition si la nature de la base azotée est conservée (purine —> purine ou pyrimidine -» pyrimidine) et trans version si la nature de la base est changée (purine -» pyrimidine et vice versa).
Les insertions consistent en un ajout d’une paire ou d’une séquence nucléotidique de longueur variable.
Les délétions, à l’inverse, ont pour résultat la disparition d’une paire ou d’une séquence nucléotidique.
Différents mécanismes sont responsables de ces altérations, dont certaines sont spontanées alors que d’autres peuvent être provoquées. Ces dernières sortent du cadre de cet ouvrage et on se reportera à Susuki et al. (1991) ou à Poulizac (1999) pour de plus amples développements. Le lecteur trouvera également dans ces ouvrages ainsi que dans Alberts et al. (1994) une description du fonctionnement des systèmes de réparation de l’ADN qui parcourent en permanence la double hélice et réparent l’immense majorité de ses altérations. Seules les erreurs non corrigées constitueront la base biochimique des mutations.
Les bases azotées de la double hélice subissent assez fréquemment des lésions spontanées. Les principales sont la dépurination d’une part et la désamination des cytosines d’autre part. On estime (Susuki et al. 1991, Alberts et al. 1994) qu’une cellule eucaryote perd entre 5 000 et 10 000 résidus adénine ou guanine en un cycle cellulaire d’environ 24 heures. Ces :isparitions sont généralement réparées mais il arrive qu’elles provoquent un mauvais appartement et donc une mutation. La désamination semble moins fréquente puisque les mêmes auteurs considèrent que 100 résidus cytosine sont transformés en uracile par génome et par jour. Il est vraisemblable que réside ici une des causes du remplacement de l’uracile par la thymine dans l’ADN. En effet, les enzymes de réparation de l’ADN seraient incapables de reconnaître l’uracile « native » de l’uracile « accidentelle » issue de la désamination des cytosines. Cependant, certaines cytosines sont méthylées. Chez les Procaryotes, il s’agit d’un moyen de protéger les séquences reconnues par les enzymes de restriction et chez les Eucaryotes, il s’agit d’un moyen d’inactivation de gènes. La désamination d’une 5-méthyl-cytosine produit une thymine, indiscernable d’une thymine « native ». Cela pose donc un problème aux systèmes de réparation, à tel point que les sites concernés constituent de véritables points chauds de mutation ainsi que cela a été démontré dans le gène lacl de E. coli. Chez les Vertébrés, la méthylation concerne uniquement les cytosines contenues dans la séquence 5C-G3 et, bien qu’il existe une enzyme spécifique qui reconnaît et excise toute thymine appariée à une guanine, cette séquence est aussi un haut lieu mutationnel, car de nombreuses substitutions passent inaperçues. On estime en effet que 3% des cytosines sont méthylées dans le génome humain mais qu’elles sont responsables de 30% des maladies génétiques associées à des substitutions (Alberts et al. 1994). Cette transformation des cytosines de la séquence 5C-G3 con¬duit à la disparition progressive de cette séquence au cours de l’évolution puisque les cytosines méthylées seront progressivement remplacées par des thymines. Elle permet aussi d’interpréter l’existence de régions riches en C-G associées aux zones promotrices des gènes de structure. Ces gènes sont en effet exprimés en permanence et associés à des séquences C-G non méthylées et donc conservées à ces endroits seulement.
Les erreurs de réplication de l’ADN mènent à la formation de substitutions de transition lorsque des appariements illégitimes se réalisent entre différents tautomères des bases azotées. C’est ainsi que des appariements A/C ou G/T peuvent être mis en place. À la réplication suivante, l’un des génomes produits présentera une substitution.
Les insertions et les délétions proviennent également d’erreurs de réplication, sauf dans le cas des transposons (voir chapitre 2.II.). Dans la plupart des cas on constate que de telles mutations sont associées à des zones où existent des séquences répétées. C’est particulière¬ment vrai dans des séquences très courtes et hautement répétées appelées microsatellites (Moxon & Wills 1999). Dans ces régions, le brin en cours de synthèse peut glisser d’un motif à l’autre de la séquence répétée et former ainsi une boucle non appariée. A la réplication suivante, l’une des double hélices portera un motif supplémentaire. La réversion est fréquente grâce à des délétions équivalentes mais cette fois c’est le brin matrice de la réplication qui forme une boucle en « dérapant » sur le brin néoformé. Il y a alors excision des zones non appariées (Figure 2.1). Hors des microsatellites, les délétions entre séquences répétées peuvent concerner plusieurs dizaines de paires de bases comme c’est le cas pour la mutation S23 du gène lacl de E. coli pour laquelle 123 bases sont délétées entre les séquences 5G-C-G-G- C-G-A-T3 (Susuki et al. 1991).
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