L'importance des mythes : Le aborigènes
Le aborigènes
L’ethnologue Barbara Glowczewski, ethnologue au CNRS, a analysé les riches activités mythiques, rituelles et spirituelles des aborigènes d’Australie, avec lesquels elle a longtemps vécu et dont elle est l’une des rares spécialistes françaises. Il n’en reste que quatre cent mille, qui descendent des hommes qui vécurent les premiers sur l’île-continent, il y a sans doute soixante mille ans, venant par bateaux légers de l’Asie du Sud- Est à la faveur d’une baisse du niveau des mers à cet endroit et à cette époque. Les aborigènes attachent une extrême importance à ce qu’ils appellent le « rêve », un mot qui englobe la mythologie et tous ses parcours. Ce n’est pas une référence à un temps passé, mais plutôt à un espace-temps éternel, parallèle à la vie sur Terre, où ils se ressourcent en rêve et dans des rites, pour réactualiser les attaches spirituelles qui les relient, non seulement à leurs ancêtres, mais aussi à tous les éléments du paysage, tous les accidents de la Terre, les collines, les rochers, les arbres. Les aborigènes donnent un nom à chaque élément matériel de ce qui les entoure, car ils considèrent que chacun d’eux est la trace d’ancêtres, de «héros fondateurs» veillant sur les hommes et guidant leur vie. Les Australiens sont toujours à l’affut de signes, dans l’univers, qui disent leur mortalité individuelle et leur éternité dans les forces cosmiques des « rêves ». Ils sont de remarquables pisteur, voient sur le sol des traces qui nous échappent et qui leur permettent de reconstituer l’identité de l’être qui est passé et l’ancienneté de son passage. Un bon pisteur est un maître du temps.
Le « rêve » est une sorte de mémoire de tout ce qui a existé, aussi bien des êtres vivants que de la Terre et de l’univers. Il est lié à une notion du temps très particulière, qui englobe ce qui est et ce qui a existé, mais qui n’implique aucun objectif. Ou alors, l’objectif est le « rêve » lui même, infini et intemporel. La distance entre le temps historique et l’infini est plus réduite qu’ailleurs, dit de son côté Howard Murphy, de l’université ? Canberra. L’infini s’infiltre toujours dans le présent. Tout phé- nomène naturel est rapporté à un « rêve ». Il n’y aurait pas d eau s’il n’avait pas de « rêve pluie ». Les aborigènes lient le temps et l’espace. D’une part avec leurs itinéraiïes – ils voyagent beau- coup et selon des rites bien précis — d’autre part en identifiant la mémoire du passé et du virtuel du monde « du dessous », celui de l’espace à la fois souterrain et interstellaire, et les manifestations présentes qui définissent le monde terrestre, celui « du dessus ». Le passé et le présent se répondent constamment. Les aborigènes appellent aussi bien « l’êves » leurs ancêtres mythiques que leurs itinéraires de voyage.
Le temps du « rêve » est cette dimension d’existence ou résident les esprits des ancêtres et 0u sont conseivés les souvenirs, les archives indestructibles de l’histoire des plus anciennes générations du peuple aborigène. Ces ancêtres ont façonné tout ce qui existe aujourd’hui. Ils interviennent à chaque naissance, imprègnent chaque nouveau-né, pour assurer un lien entre le passé et le présent. Chaque individu est l’incarnation d un totémique, qui est partie intégrante du « rêve ». Chaque être ancestral et étemel se génère lui-même. Les héros mythiques du « rêve » sont issus de leurs noms respectifs. Ils n’ont ni origine ni finalité.
Mais il est essentiel à la survie du groupe que le savoir hérité des ancêtres se transmette, et pour cela il faut revivre par le «rêve» les pensées et les actes des aneêtres, par des rites, en dansant, en chantant, en peignant des motifs bien codifiés sur les corps et sur des objets soigneusement choisis. Peindre un « rêve », c’est régénérer ses forces et lier l’objet à la personne, à la terre, à l’espace-temps des héros-ancêtres sacrés, au monde spirituel. « Sans l’histoire, ma peinture n’est rien », dit l’un d’eux. Ce fut aussi, depuis des temps très anciens, des moyens d’archiver les événements essentiels pour la vie de la communauté. Il faut aussi rêver, dit Barbara Glowczewski, avoir des visions, pour voyager dans l’espace-temps, pour raconter des récits transmis de génération en génération. Elle ajoute curieusement que les principes cognitifs des Aborigènes rejoignent ceux des concepteurs d’ordinateurs. « Ils combinent, dit-elle, des aspects universels de la pensée que l’Occident avait mis de côté durant les siècles dominés par l’écriture et que l’ère de l’audiovisuel fait émerger. Certains modes de la pensée aborigène sont en phase avec nos interrogations sur le fonctionnement de la mémoire, les ordinateurs et Internet. »
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