Politiques de diversification des exportations
Le cas des Émirats arabes unis
La diversification de la structure économique permet à un pays exportateur de pétrole de protéger l’économie de la volatilité des cors. La diversification vers des activités non-pétrolières entraîne ms.si la concurrence, incite à l’innovation et attire l’investissement. Les exportations de produits manufacturés et de services favorisent particulièrement la croissance économique à long terme, car ces sectaire font appel à une main-d’œuvre qualifiée et à des technologies de pointe, contrairement aux exportations de produits primaires. La diversification permet de ne pas être tributaire d’une industrie pétrolière enclavée et contribue à atténuer les effets négatifs sur l’emploi de cette industrie fortement capitalistique. Parmi les pays exportateurs nets de pétrole, seuls la Malaisie, le Mexique, la Norvège, l’Indonésie et les Emirats arabes unis ont réussi leur politique de diversification.
Les Emirats arabes unis 22 ont connu une transformation économique impressionnante durant les 20 dernières années. En 1980, près de 90 % des exportations totales provenaient du secteur pétrolier. Entre 2000 et 2005, les exportations non pétrolières et gazières représentaient en moyenne 57 % des exportations totales (selon les estimations du FMI, 2007).
La diminution de la part des hydrocarbures dans les exportations totales a été la plus importante parmi tous les pays du Golfe. Les secteurs de la pétrochimie, de l’aluminium, du tourisme et du commerce d’entrepôts ont connu des taux de croissance réelle de 9 % par année durant la décennie 1990.
Le développement de l’économie reposait sur une forte ouverture aux échanges extérieurs, avec une absence de restrictions sur les flux de capitaux, des infrastructures physiques et institutionnelles particulièrement solides et un environnement économique compétitif et favorable aux affaires, avec de faibles taux d’imposition. Le succès du secteur non pétrolier a également été facilité par une expansion rapide du secteur des services particulièrement du tourisme, de la finance, de la communication, du transport et des infrastructures portuaires (FMI. 2005).
Chaque Emirat a poursuivi une stratégie économique en fonction de son avantage comparatif. Abou Dhabi s’est spécialisé dans les industries aval du pétrole et du gaz (engrais et pétrochimie), Sharjah dans les produits manufacturés légers et le tourisme, Ras al-Khaimah dans la pharmacie et le ciment. Quant à l’Émirat de Dubaï, il a développé une véritable industrie manufacturière, tout en devenant une place commerciale et financière reconnue au Moyen-Orient et au niveau mondial. La taille de l’économie de Dubaï a quasiment doublé en une seule décennie, avec un taux de croissance annuel de 16 % et un secteur pétrolier qui ne contribue qu’à 6 % de son PIB. Ce décollage économique a été le résultat de diverses politiques avec la création de; zones de libre-échange, un climat d’investissement favorable et un
haut degré d’absorption technologique (FMI, 2005). Le gouvernement h -gaiement construit des centres de haute technologie qui ont attiré compagnies mondiales telles que Microsoft et IBM23. Dans ce contexte, le secteur de la construction et du bâtiment est devenu le troisième secteur le plus important de l’économie, après les secteurs pétrolier et de commerce. Ces dernières années, il a également connu je plus fort rythme de croissance au monde. Cependant, ce secteur, tout comme l’ensemble de l’économie des Emirats, demeure extrêmement dépendant à l’égard des travailleurs étrangers 24. En 2005, près i- 22 % des travailleurs migrants étaient employés dans le secteur de la construction (600 000). Ces travailleurs venaient principalement : Inde, du Pakistan, du Bangladesh et du Sri Lanka. Plus de la moitié : entre eux était employée à Dubaï.
Quant à la main-d’œuvre qualifiée, le gouvernement des Émirats arabes unis a adopté des politiques libérales, qui permettent le recrutement de travailleurs expatriés à des salaires compétitifs à l’échelle .nremationale. Selon le FMI (2005), le chômage des nationaux a augmenté progressivement entre 1999 et 2004 alors que la création d’emplois était plus que suffisante pour absorber les nouveaux entrants sur le marché du travail. Cela est dû au fait que près de 90 % des nationaux sont employés par le secteur public. La préférence pour Le secteur public est justifiée par la sécurité de l’emploi, la durée du travail plus allégée, et des perspectives d’évolution plus sures. Les avantages pécuniaires sont aussi nombreux : les rémunérations des fonctionnaires nationaux sont plus élevées et ces derniers bénéficient de diverses subventions et transferts. Par ailleurs, les niveaux de
quantification d’une grande partie des diplômés nationaux ne correspondent pas aux besoins du secteur privé et aux exigences des entreprises.
Le gouvernement des Emirats arabes unis met en place des réformes pour accroître le coût de la main-d’œuvre expatriée et l’application de quotas pour favoriser l’emploi des nationaux dans le secteur privé, les mesures visant à réduire la disparité des salaires entre le secteur public et le secteur privé sont également adoptées.
Concernant les autres économies MENA, le développement de leurs miustries non pétrolières demeure plus limité. Les autres pays du Golfe (à l’exception du Bahreïn) n’ont pas encore réussi à se positionner sur des niches d’exportations. Leurs stratégies de diversification restent centrées sur le développement des industries du raffinage et de la pétrochimie. Ces industries représentent respectivement 76 % et 38 % des secteurs manufacturés du Koweït et de l’Arabie Saoudite.
Cependant, il est important de souligner que dans de nombreux pays CCG, le rôle de l’Etat diminue au profit du secteur privé avec l’ouverture aux échanges extérieurs, les réformes de prix et d’investissement et la restructuration ou la privatisation de plusieurs compagnies nationales (Al Moneef, 2006). En Arabie Saoudite, par exemple, le secteur privé a été structurellement réformé afin de faciliter la création d’entreprises. Jusqu’en juillet 2007, le capital minimal nécessaire pour créer une entreprise en Arabie Saoudite était le plus élevé au monde. Ce montant était équivalent à 15 fois le revenu moyen par tête. Il est évident que ces exigences de capital minimum bloquaient l’entrée des entreprises dans le secteur privé. En 2010, le délai de création d’une société en Arabie Saoudite est passé de 39 jours en 2006 à 5 jours en 2010, avec la suppression de nombreuses formalités administratives. Le rapport Doing Business de la Banque Mondiale a classé le royaume à la 11e position en 2010 par rapport à la facilité de création d’une entreprise dans le monde, alors qu’il était à la 159e position en 2007.
Les économies des pays CCG ont été touchées par la crise financière internationale en 2008-2009 avec un effondrement des prix immobiliers (particulièrement à Dubaï) et une forte diminution du crédit et des financements extérieurs des établissements financiers et des entreprises. Cependant, l’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, le Qatar et le Koweït ont réussi à amortir le choc sur le secteur financier en puisant dans leurs réserves financières abondantes pour soutenir les dépenses publiques et prendre des mesures exceptionnelles pour garantir la stabilité du système financier. Cette crise a néanmoins révélé certaines fragilités du système financier des pays CCG, notamment après les fortes pressions subies par les marchés boursiers de la région suite à l’annonce de Dubaï World (une holding d’Etat) de sa demande de moratoire sur la dette. Cette crise a démontré encore une fois la nécessité d’approfondir les politiques de diversification des économies CCG, mais aussi de mettre en place des politiques pour améliorer la gouvernance et la transparence des entreprises et créer des marchés locaux et régionaux de la dette afin de diversifier les canaux de financements au-delà des banques (Khamis et Senhadji. 2010).
À défaut d’une véritable diversification du tissu économique, certains pays du Moyen-Orient se sont orientés ces dernières années vers une politique de diversification énergétique, notamment vers l’énergie nucléaire.
Le pétrole est une matière première bien particulière. La rente générée par l’industrie pétrolière est bien plus élevée que dans les autres industries. Elle confère aux pays producteurs un pouvoir financier considérable et une position stratégique sur la scène internationale Toutefois, la richesse pétrolière reste une source de profonde fragilité, car les économies des pays exportateurs demeurent tributaires de la volatilité des cours du brut. De plus, cette manne financière expose le secteur pétrolier à des pratiques de mauvaise gouvernance. Ce secteur constitue aussi une enclave par nature, avec l’implication de peu de personnes dans le processus de production. À l’exception des Emirats arabes unis, les pays exportateurs de pétrole dans la région MENA restent fortement dépendants des recettes pétrolières, en dépit de nombreux efforts de diversification. La prééminence du secteur public et les subventions représentent un fardeau budgétaire et se traduisent par de multiples inefficientes économiques. Ces pays ont un réel besoin de développer une stratégie de long terme pour la promotion du secteur privé et la création d’emplois attrayants pour les travailleurs nationaux, d’autant plus que la population active est en forte croissance, avec l’arrivée de nombreux jeunes et des femmes sur le marché du travail.
La région du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord aura certainement un rôle important, mais ambigu, dans l’histoire du XXIe siècle. Cette région reste marquée par de fortes menaces de tension et de violence. Le conflit israélo-palestinien, la menace nucléaire iranienne, le chaos politique en Irak et les ambitions d’Al-Qaïda restent des sources de violence. Au sein de certains pays de la région, le fractionnement ethnique, les oppositions religieuses ou les inégalités de revenus représentent aussi des sources de conflits potentiels. De plus, la combinaison de la pauvreté et du radicalisme religieux sont susceptibles d’encourager le terrorisme local et international. Le retournement de la conjoncture du marché pétrolier risque de surcroît de provoquer dans ces pays des crises budgétaires profondes et d’exacerber le malaise social. Toutes ces menaces politiques, économiques et sociales représentent des inconnues majeures dans la nouvelle équation énergétique et environnementale du XXIe siècle.