Faut-il s'inquiéter du développement des marchés dérivés énergétiques ?
Le développement soutenu des marchés dérivés et leur complexité soulèvent des questions. Les plus fréquemment posées concernent l’influence des marchés dérivés sur les marchés physiques, le caractère intrinsèquement dangereux des marchés dérivés, ainsi que le risque systémique.
L’influence des marchés dérivés sur les marchés physiques
Le fait que les marchés dérivés soient susceptibles d’engendrer une volatilité excessive, affectant les marchés physiques, est une interrogation récurrente. Si la réponse à une telle question s’avérait être positive, ce serait un réel problème. En effet, les marchés dérivés sont supposés être un moyen de répondre à la volatilité sur le marché physique ; ils ne sont pas censés la créer.
Parce qu’ils autorisent et favorisent des transactions rapides, les marchés dérivés organisés créent très probablement de la volatilité en excès. La standardisation des contrats futures, la présence d’une chambre de compensation, et la possibilité – grâce, en particulier, aux plateformes électroniques – d’échanger à toute heure ou presque, permettent de réagir immédiatement à toute information nouvelle. De plus, les marchés dérivés autorisent l’apparition de transactions potentiellement perturbatrices, initiées par des opérateurs tirant avantage de ce que ces marchés permettent de spéculer facilement et ne s’intéressant pas le moins du monde à l’actif sous-jacent. De ce point de vue, les chances que les marchés dérivés créent de la volatilité ne sont pas négligeables. Ce n’est pas un réel problème tant que cette volatilité excédentaire ne se manifeste que sur une période intra-journalière, et reflète avant tout la diffusion de signaux informatifs et la redistribution du risque entre différentes catégories d’opérateurs ayant des comportements différents face au risque.
L’apparition d’une volatilité excessive à long terme, perdurant sur une période mensuelle, hebdomadaire, voire quotidienne, serait beaucoup plus préoccupante. Pour étudier cette question, l’introduction d’un nouveau marché dérivé – un marché de futures, par exemple – sur un actif sous-jacent constitue une opportunité intéressante Le lancement d’un nouvel instrument permet en effet de comparer la volatilité des prix sur le marché au comptant avant et après la création du marché dérivé. Les études empiriques effectuées dans ce contexte 12 conduisent généralement à la conclusion selon laquelle une volatilité anormale est effectivement observée après l’introduction du nouveau contrat, mais qu’elle ne perdure pas au-delà de quelques jours, voire semaines. Par ailleurs, les introductions ultérieures d’autres instruments dérivés – tels que des options par exemple – semblent n’avoir aucun effet.
Autre question, plus importante encore : à long terme, les marchés dérivés deviennent-ils plus volatils, plus spéculatifs ? Cette question est devenue cruciale depuis une dizaine d’années, du fait de l’intensification de la présence, sur ces marchés, de certaines catégories d’investisseurs, tels que les hedge funds. Les interventions massives et éventuellement inopportune de ces acteurs, qui utilisent les marchés des matières premières à des fins de diversification et considèrent les matières premières comme une nouvelle classe d’actifs, pourrait en effet avoir un impact sur les prix.
L’activité de ces opérateurs est susceptible d’être perturbatrice car leurs transactions ne dépendent pas toujours de l’information relative aux matières premières sous-jacentes aux contrats à terme : elles peuvent également être suscitées par une modification soudaine des prix des actions ou des obligations, par exemple. Ainsi, si ces spéculateurs prennent des positions importantes sur les marchés des matières premières, il est à craindre qu’ils ne provoquent des mouvements de prix sans aucune relation avec l’offre, la demande, ou les stocks de matières premières. De plus, compte tenu de la forte corrélation associant les prix au comptant aux prix à terme, il n’est pas absurde d’imaginer qu’un choc de prix né sur le marché futures d’une matière première puisse se propager au marché physique. Dans un scénario pessimiste, la contagion pourrait même s’étendre à d’autres marchés physiques voire dérivés. Une telle propagation pourrait par exemple être favorisée par les caractéristiques du marché énergétique qui, comme cela sera précisé au paragraphe 4.2, est de plus en plus intégré. Cependant, à notre connaissance, aucune étude sérieuse n’aboutit aujourd’hui à une telle conclusion. Au contraire, Büyüksahin et al. (2010) soulignent qu’à ce jour personne n’a pu prouver que les opérations de diversification incluant les matières premières aient un quelconque impact sur leurs prix.
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