À la recherche du niveau de sélection : L'altruisme et la parenté génétique
L’altruisme et la parenté génétique
Au terme de ce qui précède, la sélection naturelle apparaît donc comme agissant sur des gènes. Il se pose alors le problème de l’existence de l’altruisme. Un gène de l’altruisme ne peut être qu’éliminé au fil des générations. En effet, l’individu qui porte un tel gène court le risque de disparaître chaque fois qu’il exprime son altruisme. Par contre, un tricheur qui ne serait pas altruiste a toutes les chances de s’en sortir et donc de transmettre ses gènes. En fait, on constate que l’altruisme n’a lieu qu’entre des individus génétiquement apparentés, c’est-à- dire qui possèdent des gènes en commun. Dans ce cas, l’altruiste qui se sacrifie augmente la probabilité de survie et donc de reproduction d’individus qui portent les mêmes gènes que lui. Comme l’a écrit J.B.S. Haldane : «je donnerais ma vie pour deux frères ou huit cousins », car ces groupes d’individus portent statistiquement les mêmes gènes que lui. Prenons un exemple pour comprendre. Des individus génétiquement apparentés, dix par exemple, sont surpris par un prédateur. Celui qui donne l’alarme (comportement altruiste) court le risque d’être tué en attirant l’attention du prédateur mais en se sacrifiant il permet la survie des 9 autres. D’un point de vue génétique, une copie des gènes disparaît mais 9 sont sauvées. Si aucun comportement altruiste n’existe, le risque est que plusieurs soient tués, peut-être même tous. Cela fait autant de copies de ces gènes en moins. Un comportement altruiste sera donc sélectionné dans ce cas et l’altruisme sera d’autant plus sélectionné que la parenté génétique entre les individus qui le pratiquent sera élevée. C’est une base génétique supposée au com¬portement parental.
Se pose alors le problème des sociétés animales que l’on rencontre chez les Hyménoptères. Dans ce cas, des individus sont à ce point altruistes qu’ils ne se reproduisent pas mais passent leur vie à nourrir des larves et une reine. Ces ouvrières ne transmettent donc pas leurs gènes. D’un point de vue sélectif c’est le comble de l’altruisme. Il se trouve que dans de telles sociétés, les mâles naissent par parthénogenèse et sont haploïdes. Quand des mâles diploïdes naissent ils sont systématiquement tués par les ouvrières. Ceci implique que tous les spermatozoïdes sont génétiquement identiques car ils ne sont pas produits par méiose. Autrement dit, alors que la parenté génétique moyenne entre frères et sœurs est normalement de 0,5, elle sera ici de 0,75. L’altruisme des ouvrières va donc de pair avec une parenté génétique exceptionnelle. Une ouvrière qui nourrit des larves destinées à devenir des reines augmente en moyenne la probabilité de survie, et donc de reproduction, de 75% de ses gènes. Si elle se reproduit pour son compte, elle ne transmet que 50% de ses gènes à chaque descendant.
Ce type de fonctionnement peut être comparé à celui d’un être vivant pluricellulaire où les cellules somatiques se sacrifient pour les cellules germinales. Mais cet altruisme ne pose aucun problème sélectif dans l’individu puisque tous les gènes portés par les gamètes sont aussi portés par les cellules somatiques. La perte de cet altruisme s’appelle un cancer.
Cette théorie, ou sélection de parentèle (Hamilton 1964, Chapuisat & Keller 1997 mais voir aussi Jaisson 1993) pose deux problèmes. Chez les termites on trouve des sociétés mais les mâles ne sont pas parthénogénétiques. On peut cependant expliquer le maintien de cette structure sociale en remarquant que lors de la mue. les termites perdent leurs symbiontes (des microorganismes indispensables à la digestion de la cellulose) qu’ils récupèrent par contact avec un autre termite. Plus problématique, les sociétés où plusieurs mâles fécondent la femelle, car dans ce cas les ouvrières se sacrifient parfois pour des demi-sœurs. Cette théorie explicative de la stérilité des ouvrières dans les sociétés d’hyménoptères présente donc encore quelques faiblesses.
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