De la radioactivité artificielle à l'énergie de fission : Hiroshima et Nagasaki
Lorsque arriva cet été de 1945, moins de trois ans après le lancement officiel du projet Manhattan, les Américains disposaient donc de la quantité de matériau nécessaire à la réalisation de trois bombes atomiques, deux au plutonium, une à l’uranium. Ils décidèrent d’utiliser une bombe au plutonium pour un essai. Celui-ci eut lieu le 16 juillet 1945 dans le désert du Nevada, au Nouveau Mexique . Les personnes qui y assistaient furent médusés par sa puissance. Robert Oppenheimer lui- même, qui s’y était pourtant préparé, en fut saisi et compara la lueur de l’explosion à celle d’un millier de soleils…
La redoutable arme américaine était prête, mais devait-on en faire usage ? Il y eut peu d’hésitation à ce sujet. Certains scientifiques, dont Ernest Lawrence préconisaient d’en faire la démonstration devant des officiels japonais afin de les persuader de demander l’arrêt de la guerre qui sévissait toujours dans le Pacifique. Mais, doutant de l’efficacité de cette méthode, et ne possédant plus que deux exemplaires de cette arme décisive, les militaires choisirent de les utiliser. La première bombe, à uranium, fut lâchée sur Hiroshima le 6 août 1945, et la seconde, au plutonium, sur Nagasaki le 9 août . Ces deux villes furent détruites et chacune des bombes fit des centaines de milliers de victimes. Le Japon capitula sans conditions le 15 août.
Après la guerre
Lorsque l’Allemagne fut envahie par les alliés, on se rendit compte que les travaux allemands sur la bombe étaient bien moins avancés qu’on ne l’avait craint. À la réflexion, cela n’est guère surprenant, lorsque l’on songe à l’immense effort qu’avait dû
consentir cette grande puissance que constituaient déjà les États-Unis pour mener à bien le projet Manhattan. Parallèlement à une production intensive d’armement et à l’occupation militaire de plusieurs pays, privée de beaucoup de ses scientifiques ayant émigré parce qu’ils étaient persécutés ou parce qu’ils désapprouvaient le régime nazi, privée d’eau lourde par l’énergique intervention française suscitée par Joliot, l’Allemagne, pas plus qu’aucune autre nation européenne, n’avait pu mettre au point la nouvelle arme. Mais cela n’était pas écrit à l’avance et l’on peut comprendre que tous et en particulier les Américains se soient mobilisés pour devancer Hitler dans ce domaine.
Dans les années d’après-guerre, on assista à une véritable course à l’armement atomique. Très vite, l’Union Soviétique (1949), la Grande-Bretagne (1952) et la France (1960) rejoignirent les États-Unis dans le club très fermé des détenteurs de la bombe à fission, baptisée bombe A. Des bombes à hydrogène (bombes H), mettant en œuvre la fusion nucléaire, et plus puissantes encore que la bombe A, furent également mises au point, avant 1960 par les USA, l’URSS et la Grande-Bretagne, et en 1968 par la France. Un traité de non prolifération des armes nucléaires était alors proposé à la communauté des nations et entrait en vigueur en 1970. Malgré cela, la Chine, l’Inde et le Pakistan parvinrent à se doter aussi de bombes nucléaires. Aujourd’hui, 189 nations ont ratifié ce traité.
La mise au point de la bombe atomique a constitué un épisode exceptionnel dans l’histoire de la recherche fondamentale. En effet, s’il est fréquent qu’une innovation scientifique aboutisse à des applications discutables, notamment dans le domaine militaire, c’était la première fois qu’une collaboration était instituée à si grande échelle entre l’administration militaire d’une grande nation et des savants de tout premier plan provenant de plusieurs pays, afin de réaliser une nouvelle arme d’une puissance inégalée. Il s’agissait, comme nous l’avons vu, d’une situation extrêmement particulière, puisque l’enjeu de cette alliance sans précédent et que l’on peut considérer comme « contre nature », était de parvenir à la découverte avant l’Allemagne nazie. Cependant, il est évident que cette situation ne fut pas sans poser d’énormes problèmes de conscience aux chercheurs, à ceux-là même qui s’engagèrent dans le projet Manhattan. Plusieurs d’entre eux, dont Albert Einstein, qui avait contribué à son lancement et Robert Oppenheimer, qui l’avait dirigé, militèrent dès la fin du conflit pour l’abandon de la bombe atomique. En France, de nombreux savants, dont Frédéric Joliot en personne, s’engagèrent dans des mouvements pour la paix et le désarmement mondial.
Vidéo : De la radioactivité artificielle à l’énergie de fission : Hiroshima et Nagasaki
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