Du temps sacré au temps profane : La politique et le temps
La politique et le temps
Il ne faut pas négliger l’aspect politique de l’imposition du temps dans la vie des hommes. La division du temps participe, on l’a vu avec la révolution du Moyen Age, d’une opération politique. Mais c’est de la volonté de François Ier que date, en 1539, la décision d’obliger le clergé à noter sur des registres naissances, baptêmes et décès, ce qui fixera pour la première fois de façon indéniable l’âge de chacun et le rapport des générations. Et donc quantifier le temps individuel. Ce qui permettra plus tard, comme le note l’ethnologue Anne-Marie Peatrik, de susciter une nouvelle une conception, probabiliste, de la destinée humaine et de la mort, représentant « une intrusion irrésistible du calcul des hommes dans le dessin divin et un changement des mentalités et des sensibilités individuelles.
Passé le xvne siècle, la possibilité de ranger les individus selon leur année de naissance et de compter leurs effectifs tisse un lien entre la démographie, la statistique et la politique. L’Église, puis l’État prirent l’habitude de fixer des limites d’âge ». On peut changer de nom, de nationalité, parfois de sexe, mais on ne peut modifier son année de naissance. L’Etat va pouvoir légiférer en toute certitude sur la responsabilité pénale, l’accès à certaines fonctions publiques et prendre, le cas échéant, des mesures de politique démographique.
Les calendriers sont nés de la décision politique des anciens potentats d’organiser de façon cohérente et ordonnée la vie quotidienne des hommes et leur travail, d’imposer un contrôle social sur le déroulement de l’existence. On en retrouve la trace six mille ans avant nous, chez les Mayas, les créateurs de la plus ancienne et de la plus élaborée des civilisations de l’Amérique du Sud, chez qui les prêtres-astronomes, lesquels avaient acquis une bonne connaissance des cycles solaire et lunaire – ils avaient déjà calculé une année de trois cent soixante-cinq jours, bien qu’utilisant aussi un cycle de deux cents jours – faisaient régner une organisation rigoureuse du temps, par !’intermédiaire de calendriers. Cette organisation était très complexe et: variait suivant les groupes et les époques. Elle comprenait plusieurs périodes, les unes courtes, de vingt-cinq ans par exemple, les autres pouvant durer plusieurs milliers d’années.
On a retrouvé sur les pyramides Mayas des milliers d’indications de dates, correspondant sans doute à des événements importants, dont nous ignorons tout. Le fait d’inscrire une date dans la pierre était un acte important, probablement un hommage à un dieu. Le décompte du temps, chez les Mayas, était lié de façon très étroite, d’une part à l’astronomie, qui servait sans doute aux prêtres à prédire des événements remarquables,comme des éclipses, mais aussi à la religion, qui commandait la vie de tous les jours. On raconte que si le conquérant espagnol Portés put si facilement venir à bout des Aztèques, lorsqu’il conquit l’Amérique du Sud, c’est qu’il arriva, en 1519, le jour de l’anniversaire du dieu Quetzalcóatl, et les Aztèques crurent qu’il était leur dieu, revenu sous une forme différente. D’autant qu’il venait de la mer, par ou les dieux étaient arrivés. L’ethnologue américaine Barbara Tedlock étudie les Quichés, ces descendants des Mayas qui habitent les hauts plateaux du Guatemala. Elle a observé qu’ils ont conservé la même vénération pour le temps, qui guide tous leurs gestes quotidiens d’une façon rigoureuse. Ils ont un calendrier très compliqué, semblable à celui des Mayas, fait de l’imbrication de deux calendriers, l’un, civil, de trois cent soixante-cinq jours, l’autre, religieux, de deux cent soixante jours. Il imprègne tous les gestes de leur vie quotidienne, ponctuée de fêtes rituelles importantes.
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