Extinction
Jusqu’au début du XIXe siècle, la notion de disparition des espèces ne pouvait être admise par les esprits conservateurs, convaincus du bien-fondé du dogme de la bienveillance divine et de la perfection de la création. En 1786, c’est, paradoxalement, l’anti-évolutionniste Cuvier qui ébranla les idées reçues : jusqu’alors, on supposait que les espèces découvertes à l’état fossile survivaient quelque part; Cuvier démontra que le mammouth fossile constitue une espèce distincte de l’éléphant actuel, soulignant par là l’absurdité de cette hypothèse – même dans le monde encore incomplètement exploré de la fin du XVIII siècle – dans le cas d’animaux de grande taille.
Un phénomène commun à l’échelle géologique
L’extinction d’une espèce résulte en général de l’action amplifiée ou simultanée d’un ou plusieurs facteurs qui régulent normalement son effectif : prédation, compétition avec d’autres espèces, changement physique de l’environnement, ou même, tout simplement, fluctuations spontanées du nombre des individus. Si le changement de l’écosystème se limite à l’extinction d’une seule espèce, on peut supposer que les ressources libérées seront exploitées par d’autres espèces, éventuellement apparues par adaptation à l’utilisation de ces ressources.
Certaines périodes de l’histoire de la Terre sont en outre marquées par les extinctions simultanées – ou paraissant telles à l’échelle géologique – de nombreuses espèces : ces extinctions en masse sont précisément les repères de l’échelle géologique. Les plus importantes sont celles de la fin du permien, qui indique la fin de l’ère paléozoïque, et de la fin du crétacé, qui indique la fin de l’ère mésozoïque. De la même façon que dans le cas d’une seule espèce, une extinction en masse dégage des ressources écologiques qui permettent l’apparition rapide, à l’échelle géologique, de groupes d’espèces apparentées entre elles, qui en tirent parti : on parle alors de radiation adaptative, par exemple dans le cas de la diversification des mammifères consécutive à la disparition des dinosaures à la fin du crétacé.
Les extinctions massives : graduelles ou catastrophiques?
L’application des causes observables actuellement aux phénomènes passés ayant constitué une immense victoire de l’approche scientifique en histoire naturelle au XIXe siècle, les scientifiques tendent à nier l’importance des phénomènes exceptionnels à l’échelle du globe dans l’histoire de la vie.
On a ainsi remarqué que la fin du crétacé correspond à une période de refroidissement climatique et de régression des mers, au cours de laquelle les taxons de nombreux groupes, dinosaures, ammonites et autres, se sont fortement raréfiés. Selon certains chercheurs, l’impact d’une énorme météorite, à la limite du crétacé et du tertiaire, a pu provoquer un «hiver d’impact» sur notre planète, plongée dans l’obscurité et le froid par le nuage de poussière consécutif au choc. Une grande partie des plantes et du phytoplancton aurait alors disparu, avec les chaînes alimentaires dont ils étaient la base. Cette thèse s’appuie sur la découverte d’un fort taux d’iridium dans les strates géologiques datant de cette époque. Selon d’autres chercheurs, une gigantesque éruption volcanique a pu déclencher des effets comparables. La controverse fait rage, mais il est possible que l’impact d’une ou de plusieurs météorites ait achevé ce que le changement climatique avait commencé : il y a aussi des catastrophes lorsque tout va mal..