La compétition : Les déplacements de caractère
De nombreux faits démontrent l’existence de la compétition interspécifique. C’est le cas des introductions d’espèces comme celle de l’Écureuil américain Sciurus carolinensis en Angleterre qui a en grande partie éliminé l’Écureuil indigène Sciurus vulgaris ou de la graminée Spartina townsendi qui élimine la graminée indigène Spartina stricta des vases littorales de la Manche. C’est l’introduction du chien par l’homme en Australie il y a 25 000 ans, chiens dont des individus retournés à l’état sauvage ont donné le dingo, qui a éliminé l’équivalent marsupial de ce canidé : le Thylacine.
Un certain nombre d’études classiques ont également montré des déplacements de caractères chez certaines espèces en situation de sympatrie avec d’autres espèces et que l’on peut attribuer à la compétition interspécifique. Ainsi, aux îles Galapagos , les longueurs des becs des pinsons Geospiza fuliginosa et G. fortis sont similaires sur les îles où une seule des deux espèces existe alors que sur les îles où les deux espèces coexistent G. fortis a un bec plus long et G. fuliginosa a un bec plus court. On pense que la compétition pour la nourriture entre ces deux espèces a éliminé en situation sympatrique les individus ayant des becs intermédiaires. En effet, la forme et la longueur du bec étant supposés illustrer le régime alimentaire, des oiseaux ayant la même longueur de bec recherchent les mêmes aliments. La compétition, en diminuant leur accès aux ressources alimentaires, a eu pour conséquence une reproduction plus faible et donc la diminution progressive de la fréquence de leurs gènes dans la population. Un autre exemple classique est celui est celui des deux espèces de sittelle Sitta tephronata et Sitta neumayer (Mayr 1974, Wiens 1989) qui présentent des longueurs de bec proches en allopatrie et des longueurs de bec différentes dans leur zone de sympatrie de l’Iran .L’existence de tels déplacements a également été démontrée chez les invertébrés. Chez les Mollusques par exemple, c’est le cas de deux espèces d’Hydrobia (Gastéropodes Proso- branches) selon que les individus vivent en sympatrie ou en allopatrie . Ces animaux se nourrissent de particules de matière organique prélevées à la surface du sédiment. En situation d’allopatrie, les structures par classe de taille des populations de H. ventrosa et H. ulvae sont largement chevauchantes, ce qui a pour conséquence une consommation de particules alimentaires de tailles très comparables. En revanche, dès lors que les populations coexistent, les tailles des individus se répartissent de façon différente, avec une augmentation de la fréquence des individus les plus grands appartenant à l’espèce H. ulvae et une disparition des individus les plus grands de H. ventrosa, ce qui entraîne une disjonction dans le spectre alimentaire des deux populations (Fenchel 1975 in Barbault 1981 et Dajoz 1985). Sur ce critère les niches ne sont donc plus chevauchantes, ce qui a pour effet de limiter la compétition interspécifique.