La Terre et le ciel sont radioactifs
Il existe une radioactivité naturelle à laquelle il est vain de vouloir se soustraire et dans laquelle notre espèce baigne depuis son apparition. Cette radioactivité fluctue largement selon les lieux, en fonction des types de sol et de l’altitude. Elle provient à la fois du sol et de l’espace.
La majeure partie de la radioactivité naturelle vient de la présence dans la croûte et le manteau terrestres de thorium 232 (1,6 x 1014 tonnes), d’uranium 238 (5 x 1013 tonnes), et dans une moindre mesure d’uranium 235 (3,5 x 1011 tonnes). Le potassium, largement répandu sur Terre et essentiel à la vie, y contribue via son isotope émetteur /3 ‘, le potassium 40. Cette masse de radioéléments s’amenuise avec des périodes de l’ordre du milliard d’années. Ces éléments et leurs descendants radioactifs sont présents en traces dans les sols et dans les matériaux de construction (pierre, brique, béton, plâtre…) et contribuent pour environ un sixième, soit 0,5 mSv/an, à l’irradiation naturelle de notre organisme.
Nous absorbons aussi dans les eaux et les aliments des traces de ces éléments, auxquels s’ajoute le potassium 40. La dose engagée par ingestion compte aussi pour 0,5 mSv/an. Les buveurs réguliers d’eau minérale feront augmenter ce chiffre, ce qui nous rappelle que minerai et minéral sont des mots de même souche. Une fraction de la dose naturelle nous vient directement de l’espace : les rayons cosmiques de haute énergie nous transpercent au rythme de un par centimètre carré et par seconde. La dose est de 0,3 mSv/an au niveau de la mer. Comme l’atmosphère joue le rôle d’écran de protection contre les rayons cosmiques, la dose est doublée lors d’un séjour à deux mille mètres d’altitude, et elle est nettement plus élevée lors de vols aériens en haute altitude, où l’atmosphère devient très ténue. La dose à huit mille mètres est de 2 mSv/h, soit cinquante fois plus qu’en bord de mer.
Notre propre organisme est aussi une source de radioactivité, car nous stockons en nous de faibles quantités de certains éléments, comme le potassium 40 (4 500 Bq) et le carbone 14 (3 700 Bq). Chacun de nous est légèrement radioactif parce qu’il contient un élément vieux comme la Terre (le potassium 40 a une période de plus d’un milliard d’années) et un élément qui est constamment recréé par la collision des rayonnements cosmiques sur les noyaux d’azote 13.
La moitié de la dose de radioactivité naturelle, soit 1,5 mSv/an, vient d’une seule source, le gaz radon 222. C’est le seul descendant radioactif de l’uranium 238 qui soit gazeux, ce qui lui permet de remonter en surface. Les descendants du radon (plomb, bismuth, polonium ; cf. schéma p. 20) ont des isotopes émetteurs a à vie courte qui sont inhalés et se fixent dans les alvéoles des poumons. C’est la contribution majeure à la radioactivité naturelle, et aussi la plus susceptible de variations locales. Alors que la concentration moyenne en France est de 60 Bq/m3, elle peut atteindre 1 000 à 10 000 Bq/m3 dans une grotte souterraine, un fossé ou une maison de granit mal ventilée. L’irradiation interne par les descendants du radon est un risque professionnel important pour les mineurs qui extraient l’uranium. La ventilation de ces mines est donc essentielle pour la sécurité des travailleurs.
L’ensemble de ces contributions varie selon les lieux de 1,5 à 6 mSv/an et atteint des valeurs bien supérieures dans des régions granitiques ou naturelle¬ment riches en uranium. En France, la dose moyenne d’origine naturelle vaut 3 mSv/an, due, pour moitié, au gaz radon et à ses descendants et, pour l’autre moitié et à parts sensiblement égales, à l’ingestion d’aliments et de boissons, à l’irradiation directe par les sols et les murs et enfin au rayonnement cosmique. Concluons sur la radioactivité d’origine artificielle, qui a pour source quasi exclusive l’activité médicale. Dans les pays où les soins de santé sont importants, la dose moyenne répartie sur la population atteint la moitié de la radioactivité naturelle, soit 1,5 mSv/an. Comme toute moyenne, il faut l’interpréter avec soin. ‘ En France, cette moyenne exclut les fortes irradiations de radiothérapie (environ 50 000 mSv pour chacun des quatre-vingt mille traitements annuels) et inclut les actes de diagnostic (qui délivrent depuis 0,1 mSv pour une radiographie pulmonaire jusqu’à des centaines de mSv pour des scanners du corps entier ou des scintigraphies thyroïdiennes).
La radioactivité artificielle d’origine non médicale est très faible en situation normale. Les effets encore présents des retombées des essais nucléaires atmosphériques des années 60 y contribuent à raison de 0,02 mSv/an. Les effluents et irradiations directes des centrales nucléaires ne dépassent pas ce niveau de 0,02 mSv/an. L’irradiation par les objets d’usage courant (cadrans lumineux, écrans cathodiques…) est aussi de l’ordre de 0,02 mSv/an. Bien entendu, ces deux dernières contributions (1 % de la radioactivité totale) n’existent presque pas dans les pays à faible revenu. En résumé, nous recevons chaque année une dose équivalente de 3 mSv de radioactivité naturelle inévitable, de 1,5 mSv de radioactivité d’origine médicale et de 0,06 mSv de radioactivité liée aux activités humaines.