Le nouveau paysage des marchés dérivés
Le nouveau paysage des marchés dérivés
Récemment le paysage des marchés dérivés est devenu plus complexe, et ce plus particulièrement dans le domaine de l’énergie. Plus précisément, la frontière entre marchés organisés et marchés de gré à gré est devenue perméable. Sous leur propre impulsion tout d’abord, puis en réponse aux difficultés rencontrées dans le cadre de la crise du crédit de 2008, les opérateurs sont devenus de plus en plus attentifs au risque de crédit.
Dans les marchés énergétiques, le mouvement en faveur d’une intégration des deux modes d’organisation des marchés a été initié par l’intercontinental Exchange (ICE). Cette entreprise a commencé prendre de l’importance suite à la faillite d’Enron. C’est en effet à cette époque qu’elle débuta son offre de services de courtage électronique
auprès des opérateurs des marchés énergétiques 8. Les marchés de gré à gré étant décentralisés, l’activité de courtage y est essentielle, car elle assure la transmission de l’information. La présence de courtiers contribue à l’efficacité du fonctionnement du marché, tout simplement parce qu’elle facilite la rencontre entre l’offre et la demande. Longtemps ce métier fut exercé par téléphone, jusqu’à ce que les hommes soient remplacés par des plateformes électroniques.
Un système de courtage électronique s’avère tout particulièrement efficace lorsque les instruments négociés sont, au moins dans une certaine mesure, comparables. Sur les marchés énergétiques, quelques instruments dérivés OTC, tels que le Dated Brent9 ou certains swaps, étaient partiellement standardisés avant même l’apparition de l’ICE. Or, dès qu’une forme de standardisation émerge, il devient intéressant, pour les opérateurs en demande de couverture, de comparer les différents prix offerts par les institutions financières. Une plateforme électronique accroît significativement les possibilités de comparaison : la transmission de l’information est virtuellement illimitée ; de plus, elle est assurée en temps réel. C’est par ce biais qu’ICE s’est progressivement imposée comme un acteur quasiment incontournable du marché énergétique.
Au moment même où son rôle dans les marchés de gré à gré devenait essentiel, ICE s’est emparée du marché organisé sur produits énergétiques le plus important d’Europe : l’international Petroleum Exchange (IPE). Cette acquisition lui a permis de bénéficier des compétences et du savoir-faire d’une chambre de compensation. De là à offrir la possibilité que cette chambre de compensation gère le risque de crédit associé à certains instruments OTC, il ne restait plus qu’un pas à franchir. Ce fut fait : aujourd’hui ICE permet effectivement la compensation de certains produits dérivés de gré à gré. Comme pour les produits totalement standardisés, la gestion du risque de crédit repose sur les mécanismes du dépôt de garantie et des appels de marge, ainsi que sur un modèle d’évaluation déterminé par la chambre de compensation ; ce modèle dépend, naturellement, de l’instrument dérivé considéré.
Une telle organisation de marché assure une grande flexibilité pour les utilisateurs. Dans ce contexte, ceux-ci ont en effet quatre possibilités. La première consiste à retenir un produit de gré à gré pur. Un tel choix est particulièrement adapté à la couverture d’un risque complexe, ou lorsque l’opérateur souhaite préserver la confidentialité de sa transaction. La seconde possibilité est d’opter pour un produit OTC passant par le système de courtage électronique. Lorsque le risque à couvrir est relativement standard, ce choix présente l’avantage de stimuler la concurrence entre plusieurs institutions financières. La troisième possibilité est de retenir un produit OTC faisant l’objet d’une compensation. Un tel choix s’avère pertinent lorsque les opérateurs ne s’accordent pas une confiance mutuelle suffisante du point de vue du risque de crédit. En revanche, il occasionne des coûts financiers et administratifs liés au dépôt de garantie et aux appels de marge. Enfin, il est bien évidemment possible de négocier sur la base de purs contrats futures, très standardisés mais aussi très liquides.
L’organisation des marchés dérivés énergétiques a donc profondément changé depuis le début du XXIe siècle. Les divers compartiments des marchés sont désormais beaucoup plus reliés entre eux qu’ils ne l’étaient, ne serait-ce qu’il y a quelques années. Une telle évolution soulève naturellement des questions relatives au risque systémique.
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